Anne-Marguerite Petit

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Anne-Marguerite Petit
Conjoint(s) Guillaume Du Noyer
Dénomination(s) Madame Dunoyer
Madame Du Noyer
Madame Desnoyers
Madame Du Noier
Biographie
Date de naissance 1663
Date de décès 1719
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice de Henriette Goldwyn, 2004

Née à Nîmes le 12 juin 1663, Anne-Marguerite Petit est issue d'une famille bourgeoise calviniste. Sa mère, Catherine Cotton, meurt peu après sa naissance. Abandonnée par son père, Jacques Petit, elle est adoptée par sa tante maternelle, Mme Saporta, qui l'élève dans la religion protestante à Orange et lui donne une éducation très soignée. Après la révocation de l'édit de Nantes, elle assiste aux dragonnades à Nîmes et résiste à toutes les tentatives de conversion, avant de fuir la France une première fois, déguisée en marmiton, le 1er janvier 1686. Après maintes aventures scabreuses et rocambolesques qu'elle raconte dans ses Mémoires, elle se retrouve à La Haye chez un de ses oncles paternels. Maltraitée et sans ressources, elle succombe aux prières conjuguées de sa tante et de son oncle maternel, Gaspard Cotton, riche protestant converti dont elle est l'unique héritière: elle revient en France et découvre que pendant son absence sa tante aussi a abjuré entre les mains de son parent et célèbre convertisseur, le père La Chaise. Elle tente de fuir une deuxième fois en emmenant sa tante. Elles sont arrêtées à Dieppe.

Dans un effort de catéchisation, son oncle l'envoie aux Nouvelles catholiques puis à l'Union chrétienne de la rue Saint-Denis. Finalement, elle abjure en épousant Guillaume Du Noyer, catholique issu d'une famille de robe sans fortune, capitaine au régiment de Toulouse, coureur et joueur invétéré, qui ne s'intéresse qu'à l'héritage et aux biens de sa femme, sans compter la pension royale qu'on lui octroie pour avoir épousé une huguenote.

Pourtant, en 1701, ruinée par les dépenses de son volage mari, engagée par la promesse faite à sa tante sur son lit de mort de n'unir sa fille aînée qu'à un protestant et profondément touchée par la mort du ministre Claude Brousson, elle décide de tourner «le dos à la tyrannie»; elle reprend le chemin de la Hollande avec ses filles, ses bijoux et le peu d'argent qui lui reste, tout en abandonnant son fils, promis au Père la Chaise. Elle réside six mois à la Société de «Schiedam» sollicitant une pension qui ne lui sera jamais accordée. Après un bref séjour à Londres où elle devient la cible de la calomnie des réfugiés, elle revient en Hollande et s'établit dans le village de Voorburg mettant sa plume au profit d'un bi-hebdomadaire en vogue, La Quintessence des Nouvelles, dont elle devient l'éditrice en chef en décembre 1710, ce qu'elle restera jusqu'à sa mort, en 1719. Grâce à l'écriture, elle peut alors subvenir aux besoins de ses filles. «C'est le Refuge qui m'a érigée en auteur» déclare-t-elle dans l'une des Lettres historiques et galantes (LHG), oeuvre qui la rend célèbre et où elle fait la chronique des principaux événements arrivés à la fin du règne de Louis XIV et au début de la Régence; cette «anatomie de la France», qui s'articule autour d'une correspondance fictive entre deux dames de condition (l'une habitant Paris et l'autre en province), deviendra un succès de librairie aussi bien qu'un succès de scandale. Autre grand succès, ses Mémoires, qui rompent avec la tradition du genre: on y est plongé dans un univers picaresque, où les individus sont aux prises avec des difficultés matérielles, sociales, politiques et religieuses; le texte revêt une valeur hautement historique éclairant l'évolution des mentalités et des pratiques en cours pendant une époque charnière, la fin du grand siècle. Elle y revendique les droits de la conscience, les droits de la mère et accorde une place de choix à la tolérance. Nouvelliste, gazetière, épistolière, éditrice et mémorialiste de la dispersion et du Refuge, Mme Du Noyer écrit en français pour un lectorat majoritairement français. Sa plume acérée porte aussi bien sur la mode, les maladies féminines, la condition des galériens, l'obsession de l'argent, le goût du jeu, la calomnie des «faux frères» trouvés au Refuge, les mariages désastreux de ses filles, la cupidité de ses gendres, que sur les mesures de marginalisation et d'exclusion employées contre ses coreligionnaires en France.

Elle a connu une certaine notoriété jusqu'à la fin du XVIIIe siècle; une partie de ses LHG a même été traduite en anglais. Citée par les historiens du protestantisme, en partie à cause des références à Jean Cavalier et Voltaire, ce n'est que depuis les années 1980 que l'ensemble de son oeuvre a suscité des recherches sérieuses parmi les historiens du journalisme de l'Ancien régime, les spécialistes de l'histoire des coutumes et les critiques féministes.

Oeuvres

- 1698? [attribué à Mme Du Noyer] : Sentiments d'une âme pénitente sur le pseaume «Miserere mei Deus» et le retour d'une âme à Dieu sur le pseaume «Benedic anima mea», accompagné de réflexions chrétiennes par Madame D***. Paris, J.A. Fischer-Joly, 1829.
- à partir de 1703? : Mémoires de Mme du N**, écrits par elle-même, Cologne, Pierre Marteau, 5 vols, 1710-1711.
- à partir de 1704? : Lettres historiques et galantes, Cologne, Pierre Marteau, 2 vols, 1707 (une édition antérieure est signalée par certains auteurs mais elle n'a jamais été localisée).
- 1711 : Oeuvres meslées, par Mme Du N*** [Du Noyer], qui peuvent servir de supplément à ses mémoires, Cologne, chez les héritiers du défunt.
- 1713 : Lettres nouvelles, galantes, historiques, morales, critiques, satyriques, et comiquesde Madame D. Ouvrage beaucoup plus curieux que les précédents, et très utile pour bien comprendre les premiers, Nîmes, sur le pont au change, chez Claude Bon Ami (cinq lettres avec des réponses et deux dialogues entre Mme Du Noyer et sa fille Pimpette).
- 1714 : Lettres historiques et galantes. Cologne, chez Pierre Marteau, (4e édition, revue et corrigée), 7 vols.
- 1720 : Lettres historiques et Galantes de deux dames de condition dont l'une était à Paris et l'autre en Province. Ouvrage curieux, revu, corrigé, augmenté et enrichi en Figures par Madame de C***. Amsterdam, Brunet, 9 vol. (comprend les lettres sur le traité d'Utrecht, la mort de Louis XIV, les débuts de la Régence, lesMémoires de son époux, M. Du Noyer [Paris, Jérôme Sincère, 1713] et les deux premiers volumes des Mémoires de Mme Du Noyer).
- 1711-1719 : La Quintessence des Nouvelles (le premier volume de sa plume est daté du 29 décembre 1710, et le dernier du 29 mai 1719).

Choix bibliographique

- Arnelle [Mme de Clauzade]. Mémoireset des Lettres galantes de Mme Du Noyer (1663-1720) avec un avant-propos et des notes, Paris, Louis Michaud, 1910; (suite:) Les Filles de Madame Du Noyer. Fontemoing, 1921.
- Van Dijk, Suzan. «Madame Dunoyer, auteur de la Quintessence des Nouvelles, 1711-1719», in Traces de femmes. Présence féminine dans le journalisme français du XVIIIe siècle. Amsterdam/Maarssen, Holland University Press, 1988.
- Reynolds-Cornell, Régine. Fiction and Reality in the Mémoires of the Notorious Anne-Marguerite Petit Du Noyer.Biblio 17, Tubingen, 1999.
- Goldwyn, Henriette, «Journalisme polémique à la fin du XVIIe siècle: le cas de Mme Du Noyer», in Colette Nativel (dir.), Femmes savantes, savoirs de femmes. Genève,Droz, 2000.
- Nabarra, Alain. «Correspondances réelles, correspondance fictive: les Lettres historiques et galantes de Mme Dunoyer ou "la rocambole" d'un "petit badinage établi d'abord pour le plaisir"», in Marie-France Silver et Marie-Laure Girou Swiderski (dir.), Femmes en toutes lettres, Les Epistolières du XVIIIe siècle. Oxford, Voltaire Foundation, 2000.

Liens électroniques

Mémoires du temps, de témoins, d'acteurs, d'historiens contemporains traitant accessoirement de la guerre des camisards [1]

Jugements

- «Vous ne trouverez pas mauvais que je vous dise, que nous avons lu vos Mémoires [...] avec tout le plaisir, le contentement et la satisfaction possible. Vous avez trouvé le grand art d'engager le lecteur à lire plus qu'il ne voudrait [...]. Je ne vous dirai rien du bon arrangement des matières, de la concision avec laquelle elles sont couchées, ni des traits d'esprit qui y brillent de toutes parts.» (lettre de Monsieur le V***, Mémoiresde Madame Du Noyer [1710, vol. 3], Avant-propos).
- «Je ne saurai blâmer M. du Noier, qui toujours trop généreux, a été contraint de supporter les malignités de cette Diabolique Xantippe [...] sa punition est d'être obligée à faire une misérable Quintessence, par laquelle elle se charge de plus en plus de la haine des honnêtes gens [...]. Servez-vous utilement de celui-ci [livre], comme étant la clé pour pénétrer dans les Mémoires que Madame du Noier, assistée d'un moine défroqué, a jugé à propos de donner au public» ([M. Du Noyer], Mémoires deMonsieur Du N**, Paris, Jérôme Sincère, 1713, Avis au lecteur).
- «Mme Du Noyer avait de l'esprit, de la vivacité et de l'enjouement; elle possédait plus de connaissances que n'en ont d'ordinaire les personnes de son sexe; elle conçut le projet de tirer parti de ses talents et de demander à sa plume des moyens d'existence [...]. Elle n'était pas belle, de fort petite taille et chaque année prenait un peu plus d'embonpoint [...] ses manières avaient quelque chose de masculin qui n'était pas fait pour plaire.» (Michel Nicolas, Histoire littéraire de Nîmes et des localités voisines qui forment actuellement le département du Gard, vol. 2, Paris, Cherbuliez, 1854, p.47-8).
- «Mme Du Noyer, une des femmes assez rares du XVIIe siècle qui écrivaient pour le public, n'est cependant guère connue que des bibliophiles et de quelques érudits» (Arnelle, Mémoires et Lettres Galantes... voir supra [1910], Avant-propos, p.5).
- Elle «rédigea une gazette libelle: La Quintessence des Nouvelles. Une publication qui ne pouvait amuser le lecteur qu'en piquant sa curiosité était condamnée à un succès de scandale et devait créer à son auteur de nombreuses inimitiés [...] Ce fut pour répondre à des calomnies qu'elle publia les mémoires de sa vie surchargés d'une foule de détails qu'on lui a reprochés. Ses Mémoires sont un plaidoyer. Ils soulèvent de nombreux orages.» (M. Nicolas, Histoire littéraire de Nîmes... voir supra, p.49).
- (Mme Du Noyer réussit à redonner à la Quintessence des Nouvelles) «toute sa réputation [et à en faire] l'un des journaux les plus importants, les plus influents et les plus lus du début du XVIIIe siècle [...]. Les feuilles [très recherchées circulaient de main en main, on se les arrachait] avec empressement [et on les lisait] avec avidité». (Alain Nabarra, in Jean Sgard, Dictionnaire des journaux (1600-1789), Paris, Universitas, 1991, p.362).
- «Constamment rééditées, les Lettres historiques et galantes sont l'un des plus grands succès de librairie dans la première partie du XVIIIe siècle» (Jean Sgard, Dictionnaire des journaux 1600-1789, Paris, Universitats 1991, p.824).

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