Étiennette Delizet

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Étiennette Delizet
Dénomination(s) Mère Marie Étiennette de l'Annonciade
Biographie
Date de naissance 10 juillet 1583
Date de décès 11 avril 1674
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Marie-Élisabeth Henneau, 2017

Quatrième enfant de Louis Delizet et de Catherine Caffod, Étiennette naît en 1583 à Pontarlier (Doubs), bastion catholique franc-comtois faisant face aux territoires protestants. Sa biographie inédite, produite dans la communauté religieuse qu’elle va fonder, constitue la principale source d’information à son sujet.
D’après le portrait qui en ressort, Étiennette se signale dès sa prime jeunesse par ses « bonnes œuvres » – pratiques dévotionnelles, exercices ascétiques, assistance auprès des pauvres, activités catéchétiques… – et manifeste une attirance précoce pour la vie religieuse. Avant de trouver l’institution adaptée à sa vocation, la jeune femme rassemble auprès d’elle un groupe de dévotes qu’elle anime spirituellement sous la houlette de jésuites de passage. L’un d’eux, Jacques-Philibert Bonivard, recteur du collège de Vesoul, la seconde dans la recherche d’un établissement qui corresponde à ses aspirations et lui fait connaître le couvent des annonciades célestes fondé à Gênes en 1604 par Vittoria Fornari. Séduite par ce projet de vie contemplative vouée à la dévotion au Verbe Incarné, Étiennette envisage de créer à Pontarlier une réplique de la maison génoise et, avec le soutien financier de plusieurs familles pontissaliennes, parvient à fonder en 1612 le premier monastère francophone d’annonciades célestes. Il sera à l’origine du développement de l’ordre en Europe. La moniale s’impose très vite comme une référence spirituelle locale, du fait de son autorité naturelle, de ses compétences intellectuelles et de ses expériences mystiques, qui fondent l’authenticité de ses discours auprès de ses proches, mais l’exposent aussi aux critiques d’autres personnes, agacées de son succès dans les milieux dévots. Elle est également reconnue comme une figure emblématique de l’ordre, correspondant sans relâche avec la communauté de Gênes dont elle veut reproduire le mode de vie non sans y apporter sa touche personnelle.
En 1620, elle est envoyée avec quelques compagnes dans la ville de Nozeroy (Jura), enclave appartenant à la famille des Orange-Nassau. Éléonore de Bourbon, épouse du prince Philippe-Guillaume, y a autorisé la fondation d’un monastère que la mère Marie Étiennette Delizet va diriger durant près d’un demi-siècle. Guidée par le jésuite Étienne Parisot, qui lui demande de relater par écrit le fruit de ses expériences – les fragments conservés témoignent de la richesse de sa pensée et de son érudition biblique –, la mystique présente par ailleurs toutes les caractéristiques d’une énergique fondatrice, capable de tenir tête aux autorités municipales – qui supportent mal l’implantation des annonciades sur leurs terres–, de négocier avec le pouvoir diocésain – l’évêque veut en faire un agent docile de ses réformes –, et de résister aux pressions exercées par les parents des religieuses, surpris par son intransigeance en matière de clôture. Ses exigences ne découragent pourtant pas les vocations : après quinze ans, la communauté compte trente-huit religieuses soumises à une rupture radicale avec le monde et installées dans des bâtiments érigés au gré des donations de bienfaiteurs.
Frappée de plein fouet par la guerre de Trente Ans, la communauté est contrainte de se réfugier à Fribourg (Suisse) pendant plus de dix ans (1636-1647). Tout en tâchant d’assurer la survie matérielle de ses filles – plus de la moitié y meurt de la peste –, la mère Marie Étiennette devient l’animatrice spirituelle des Francs-Comtois en exil. Malgré l’insistance de l’aristocratie locale, l’annonciade refuse de profiter de l’occasion pour fonder un nouveau couvent, n’aspirant qu’à retrouver sa solitude à Nozeroy. Elle y rentre en 1647 avec pour tâche immense de tout rebâtir. Elle consacre dès lors les décennies suivantes à réédifier les bâtiments, à reconstituer le domaine foncier et à restaurer les finances de sa maison, tout en assurant la direction spirituelle de ses filles et en poursuivant ses entretiens – derrière les grilles de son parloir – avec la population locale. Estimée par les autorités diocésaines, elle conserve longtemps les rênes du pouvoir, malgré la règle du triénnat qui prévaut dans son ordre, et meurt en « odeur de sainteté » le 11 avril 1674.
Gloire locale, dont les habitants de Nozeroy ont célébré la mémoire en 2017 – quadri-centenaire du couvent –, la mère Delizet affiche le profil typique d’une religieuse engagée dans les œuvres de la Réforme catholique, alliant caractère bien trempé, capacités de gestion et charisme spirituel.

Œuvres

  • XVIIe s. : Copies ms d’extraits de lettres et d’avis spirituels dans « Les remarques faites sur la vie… » et dans « Recueil des vertus… », voir infra Principales sources.

Principales sources

  • Langres (F), Dépôt d’Art sacré, « Les remarques faites sur la vie, les vertus et heureuse mort de la V. M. Marie Estiennette, l’une des premières fondatrice du Monastère de l’Annonciade de Nosereth et première professe deçà les mons dudit Ordre de la très Ste Annonciade céleste », ms non daté (fin XVIIe s.).
  • Langres (F), Dépôt d’Art sacré, « Recueil des vertus de la vénérable mère Marie Estiennette, première professe deçà les Monts du St Ordre de l’Annonciade céleste », ms non daté (fin XVIIe s.).
  • Langres (F), Dépôt d’Art sacré, [Annales du monastère des annonciades de Nozeroy, 1635-1684], ms non daté (fin XVIIe s.), 3 vol.
  • Langres (F), Dépôt d’Art sacré, « Histoire de l’établissement et du progrès du Monastère des Annonciades célestes de la ville de Pontarlier au comté de Bourgogne, le premier deçà les Monts et le second de l’Ordre », ms non daté, (XVIIIe s.).
  • Lons-le-Saulnier (F), Archives départementales du Jura, H41 et 5E 204/1.
  • San Cipriano (I), Archives des annonciades de Gênes, « Storia della fondazione di diversi monasteri delle celesti (Francia) », chapitre 4, [XVIIIe s.]

Choix bibliographique

  • Chamouton, Edmond, La Révérende Mère Etiennette Delizet (sœur Marie-Etiennette de l’Annonciade), première professe de l’ordre de l’Annonciade en deçà des monts, prieure du monastère de Nozeroy et les origines de l’Annonciade, Lons-le-Saulnier, Imp. J. Mayet, 1886.
  • Grenier, Anne-Christine, « Les Annonciades célestes en Franche-Comté aux XVIIe et XVIIIe siècles (principales sources) », Mémoire de DEA en Histoire moderne, U. de Besançon, 1994, p. 113-140.
  • Pidoux de la Maduère, Pierre-André, Un chapitre de l’histoire religieuse de Fribourg. Les annonciades célestes (1636-1647), Fribourg, Imp. De l’Œuvre de Saint Paul, 1918.
  • Piront Julie, « Empreintes architecturales de femmes sur les routes de l’Europe. Étude des couvents des annonciades célestes fondés avant 1800 », Thèse en Histoire, art et archéologie, U. de Louvain, 2013, t. 2, p. 789-814.

Choix iconographique

  • [XVIIe s.] : Anonyme, Portrait présumé de Marie Étiennette Delizet (huile sur toile), Langres, Dépôt d’Art sacré.
  • v. 1730 : Jean-Denis Attiret, Portrait de religieuse [identifiée sans preuve comme étant M. Étiennette Delizet] (huile sur toile, 120 x85,3 cm), Dole, Musée des Beaux-Arts (inv. n° 326) -- Jean-Denis Attiret, un dolois du XVIIIe siècle à la cour de l'empereur de Chine, Catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de Dole, 2004, p. 24 &USRPWD=4%24%2534P&SPEC=5&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=200&DOM=All

Jugements

  • « Dieu ce voulut servir de notre chère Mère Marie Estiennette comme d’un maistre architecte pour choisir les pierres propre au fondement de cet édifice » (« Les remarques faites sur la vie… », voir supra Principales sources, p. 20).
  • « Dieu la favorisa […] de grandes grâces extraordinaires, visions et révélations qu’elle-mesme avoit escris par le commandement de Dieu, de ses confesseurs et supérieures, tant de Pontarlier que de Nosereth [Nozeroy], qui, en vertu de [la] sainte obéissance, [le] luy avoi[en]t ordonné – comme il se void plus au long dans une relation du confesseur du Monastère escrite en l’an 1620, de même la résistence qu’elle y apporta désirant d’estre toujours inconnue aux créatures. Et pour ce, elle ménagea sy bien son désir auprès du Rd Père Parisot de la Compagnie de Jésus, confesseur extraordinaire pour lors du monastère, qu’elle obtint de luy la permission de bruler tous ses escris et sa vie escrite de sa main, qui contenoit plus de cent feuilles de papiers, ce qu’elle fit trop promptement et nous a laissé un regret éternel d’estre privées de voir des choses merveilleuses telles que dans les vies de Ste Gertrude [ de Helfta] et Thérèse [d’Avila], comme l’assura un autre Père de la Compagnie de Jésus qui avoit eu connoissance de ces grâces » (« Les remarques faites sur la vie… », voir supra Principales sources, p. 31).
  • « [À Fribourg] Monsieur l’Ambassadeur d’Espagne [Francesco Casati …] voulut en personne la visiter et lui offrir tout ce qui estoit de son pouvoir, puis, avec instante prière, luy demanda à genoux sa bénédiction, sans que jamais l’humble servante de Dieu s’en puisse déffendre. Messieurs les conseillers et autre de la ville en agissoient de la sorte, entre les autre, Mr l’advouyer Reiffe [Reyff]… Il estoit des premier à venir luy communiquer les dispositions de son âme pour son avancement intérieur, dont, après ses conférences, il se trouvoit si puissamment aydé que, partout, il se plaisoit de parler avec estime de celle qu’il honoroit pour sa Mère spirituelle […] Mr Coutenet de Pontarlier, réffugié audit Fribourg […] se faisoit aussi une grâce particulière d’entretenir ladite Mère […] Se seroit une matière sans fin de vouloir dire toutes les personnes considérables qui, de toute part, abordoient par respect ladite Mère et qui, par son moyen, faisoient beaucoup de charités à sa communauté… » (« Les remarques faites sur la vie… », voir supra Principales sources, p. 55).
  • « Des personnes du dehors digne de foy qui observoient la chère défuncte, ayant la veuë fixé sur elle, ont assuré qu’elles voyoient sortir de son visage des rayons de beauté qui pénétroi[en]t leurs cœur de dévotion et, de plus, remarquèrent un mouvement de lèvres, surtout à l’élévation de la sainte Hostie à la messe, ce qui les confirmat dans le sentiment de sa béatitude. Les Révérendes Mères ursulines de ce lieu ne voulurent pas être les dernières à tesmoigner leur vénération pour la digne défuncte envoyant leurs sœurs du dehors pour faire toucher à son corps tous leur chapelets… » (« Les remarques faites sur la vie… », voir supra Principales sources, p. 100).
  • « Le don spécial d’intelligence sur les choses saintes et divines se fait voir non seulement dans le cours de sa vie mais aussi dans ce qui est resté de ses écris… [Quand ses filles souhaitaient être éclairées sur des passages de l’Écriture], elle leur respondoit si admirablement bien sur les choses les plus hautes et sur les mystères de la Ste Trinité, de l’Incarnation, du St-Sacrement que personne ne l’entendoit qui ne jugeast que ce qu’elle disoit passoit son esprit naturel et la capacité qu’elle eut pu acquérir par beaucoup de lectures et de longues communications à des savans docteurs… (« Recueil des vertus… », voir supra Principales sources, p. 4).
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