Élisabeth-Claude Jacquet

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Élisabeth-Claude Jacquet
Conjoint(s) Marin de La Guerre
Dénomination(s) Madame de La Guerre
Biographie
Date de naissance 1669
Date de décès 1729
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire Cesar - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution.


Notice de Catherine Cessac,2004

Baptisée à Paris le 17 mars 1665, Élisabeth Jacquet est issue d'une famille de «maistres maçons» et de musiciens. Son grand-oncle Jehan Jacquet et son oncle Claude Jacquet étaient «faiseurs d'instruments de musique». Son père, nommé aussi Claude, était organiste à l'église Saint-Louis-en-l'Île à Paris. Marié avec Anne de La Touche, il a quatre enfants qui deviennent tous musiciens: Pierre et Nicolas (organistes), Anne (instrumentiste chez Mademoiselle de Guise) et Élisabeth. Celle-ci joue du clavecin et chante à la cour de Louis XIV à partir de l'âge de cinq ans.

Remarquée par Madame de Montespan, Élisabeth reste trois ans à ses côtés. Le 23 septembre 1684, elle quitte la Cour pour épouser l'organiste Marin de La Guerre. Ils ont un fils, aussi précocement doué que sa mère, mais qui meurt à l'âge de dix ans. À Paris, Élisabeth Jacquet donne des leçons et des concerts qui ne tardent pas à être réputés dans la capitale. Ses premières compositions sont des oeuvres dramatiques, mais seul le livret des Jeux à l'honneur de la victoire est conservé. Sa première publication date de 1687 (Premier Livre de Pièces de Clavessin). Son unique tragédie en musique, Céphale et Procris, représentée à l'Académie Royale de Musique, n'obtient pas un grand succès, mais le prologue est repris en 1696 à Strasbourg, où Sébastien de Brossard a fondé une Académie de Musique. L'année précédente, Brossard a également recopié ses premières sonates en trio et celles pour violon seul et basse continue. Ce n'est qu'en 1707 qu'Élisabeth publie ses six Sonates pour le Viollon et pour le Clavecin avec les Pièces de Clavecin qui peuvent se joüer sur le Viollon, suivies de deux recueils de Cantates françoises sur des sujets tirez de l'Ecriture, sur des textes d'Antoine Houdar de la Motte, et des trois Cantates françoises profanes. Alors que tous ses autres ouvrages étaient dédiés à Louis XIV, ce dernier est adressé à l'Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel II. Élisabeth écrit encore un duo, le Raccommodement comique de Pierrot et de Nicole, qui prend place dans La Ceinture de Vénus, pièce d'Alain-René Lesage jouée au théâtre de la foire Saint-Germain en 1715. Sa dernière oeuvre semble avoir été un Te Deum donné en août 1721, dans la chapelle du Louvre, en action de grâces pour la guérison de Louis XV. Elle meurt à Paris le 27 juin 1729.

Première femme à avoir composé un opéra en France, Élisabeth Jacquet se distingue aussi par une oeuvre novatrice, notamment dans le domaine de la cantate et de la sonate, genres venus d'Italie, ainsi que dans la musique de clavecin accompagnée. Les Pièces de Clavessin de 1687 sont remarquables par leur régularité formelle et l'écriture des préludes non mesurés. Ses sonates manuscrites et imprimées se distinguent par la diversité de leur inspiration, la vigueur de leur langage rythmique, leur harmonie expressive, de même que par certains aspects innovateurs dans l'écriture pour le violon. Élisabeth Jacquet se singularise aussi par ses cantates spirituelles, genre qu'aucun compositeur de son temps n'a traité avec autant de constance. Dans ces douze cantates, elle observe une juste mesure entre le style propre au genre et le ton de retenue imposé par le sujet. Les cantates profanes se caractérisent quant à elles par leurs qualités dramatiques et une recherche de liberté dans la forme.

Dans son Parnasse François, Titon du Tillet lui a consacré une longue notice élogieuse, et son portrait est reproduit en médaillon avec la devise «Aux grands Musiciens, j'ai disputé le prix». Ensuite, comme beaucoup de compositeurs de l'époque baroque, Élisabeth Jacquet de La Guerre a été oubliée. Elle a néanmoins été redécouverte et rejouée dès les années 1920, grâce à l'édition de certaines de ses pièces pour le clavecin. Aujourd'hui, sa discographie donne un aperçu presque complet de son oeuvre, qui est aussi régulièrement donnée en concert en France et à l'étranger.

Oeuvres

  • 1687 : Les Pièces de Clavessin / Premier Livre, Paris, H. de Baussen (fac similé in Minkoff, coll. Clavecinistes français du 18e siècle, t. 28, Genève, 1996) -- Éd. Carol Henry Bates, Paris, Heugel «Le Pupitre», 1987 -- CD Intégrale des Suites pour clavecin, Carole Cerasi, Metronome, 1997.
  • vers 1691-1692 : Jeux à l'honneur de la victoire / Ballet (oeuvre incomplète, partition perdue, livret non daté conservé), inédit.
  • 1694 : Céphale et Procris (tragédie en musique), Paris, C. Ballard. Académie royale de Musique (Paris), 15 mars 1694 -- Éd. Wanda Griffiths, Madison (Wisconsin), A-R Editions «Recent Researches in the Music of the Baroque Era», t.88, 1998.
  • vers 1695 : Sonates en trio et pour violon seul et basse continue, in La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Fuzeau, 2005 (fac similé) -- Éd. Carol Henry Bates, Furore-Edition, 1995 -- CD Sonates à un & deux violons avec viole ou violoncelle obligés, Ensemble Variations, Accord, 1996.
  • 1707 : Pièces de Clavecin qui peuvent se joüer sur le Viollon, Paris, H. de Baussen (fac similé in La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Fuzeau, 2000) -- Éd. Carol Henry Bates, Paris, Heugel «Le Pupitre», 1987 -- CD Intégrale des Suites pour clavecin, Carole Cerasi, Metronome, 1997.
  • 1707 : Sonates pour le Viollon et le Clavecin, Paris, H. de Baussen (fac similé in La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Fuzeau, 1999).
  • 1708 : Cantates françoises, sur des sujets tirez de l'Ecriture / Livre premier: Esther, Le Passage de la Mer Rouge, Jacob et Rachel, Jonas, Susanne et les vieillards, Judith, Paris, C. Ballard -- In La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Éd. Fuzeau, 1997 -- CD Cantates Françoises, Véronique Malet, Huguette Grémy-Chauliac, Catherine Giardelli, Jean-Louis Charbonnier, disques Pierre Verany, Arion, 2000.
  • 1710 : Air sérieux «Aux vains attraits», Recueil d'airs sérieux et à boire, Paris, C. Ballard.
  • 1711 : Cantates françoises, sur des sujets tirez de l'Ecriture / Livre second: Adam, Le Temple rebasti, Le Déluge, Joseph, Jephté, Samson, Paris, C. Ballard (fac similé in La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Fuzeau, 1998) -- CD Cantates bibliques, Isabelle Poulenard, Sophie Boulin, Michel Verschaeve, Guy Robert, Georges Guillard, Arion, 1985.
  • 1712 : Airs in Les Amusemens de Mgr le duc de Bretagne, par R. Trépagne de Ménerville, Paris, G. Cavelier fils -- Éd. Catherine Cessac, in Les Musiciens au temps de Louis XIV, Ostinato Rigore, 8/9, 1997.
  • vers 1715 : Cantates françoises: Sémélé, L'Ile de Délos, Le sommeil d'Ulisse, Le Raccommodement Comique de Pierrot et de Nicole, Paris, H. de Baussen (fac similé in La Musique Française Classique de 1650 à 1800, Paris, Éd. Fuzeau, 1999) -- CD Le sommeil d'Ulisse, Isabelle Desrochers, Les Voix Humaines, Christine Payeux, Alpha, 1999.
  • 1721 : Dialogue de mademoiselle de la Guerre, in Le Théâtre de la Foire ou l'Opéra Comique, Paris, E. Ganeau.
  • 1721 : Air sérieux, Printemps («Les Rossignols, dès que le jour commence»), dans Recueil d'airs sérieux et à boire, Paris, J.B.C. Ballard.
  • 1721 : Te Deum, inédit, perdu.
  • 1724 : Air à boire, Parodie sur la Bourée de Céphale & Procris («Tant que je verrons ce pot»), Air à boire, La Provençale («Entre nous mes chers amis»), Deuxième Air («Suivons nos désirs»), in Recueil d'airs sérieux et à boire, Paris, J.B.C. Ballard.

Choix bibliographique

  • Bates, Carol Henry. The Instrumental Music of Elizabeth-Claude Jacquet de La Guerre, Ph. D. Indiana University. 1978.
  • Cessac, Catherine, Élisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729): claveciniste et compositeur. Thèse de doctorat, Université de Paris IV Sorbonne, 1993.
  • «Les Piéces de Clavessin de 1687 d'Élisabeth Jacquet de La Guerre: un second exemplaire retrouvé». Revue de musicologie, 89/2, 2003, p.349-363.
  • Griffiths, Wanda R. Jacquet de La Guerre's Style and Performance. Ph. D., Claremont Graduate School, 1992.
  • Rose, Adrian. «Élisabeth-Claude Jacquet de La Guerre and the Secular cantate française». Early Music, 13/4, 1985, p.529-541.

Choix iconographique

  • De Troy, François. Portrait présumé d'Elisabeth jacquet de la Guerre, 1704 [salon] (huile sur toile).

Jugements

  • «Je vous envoye une galanterie qui a esté faite pour Mademoiselle de la Guerre, dans laquelle on suppose que Mr de Lully luy écrit des Champs Elisées. L'Opera dont il est parlé dans cet Ouvrage, n'a pas encore esté représenté, mais il s'est trouvé digne de l'attention du Public, & ceux qui aiment la Musique, & qui s'y connoissent le mieux, demeurent d'accord que cette admirable personne travaille avec autant d'agrément que de science pour tout ce qui regarde le Chant.

EPISTRE DE MONSIEUR DE LULLY A MADEMOISELLE DE LA GUERRE
Envoyée le jour de Sainte Cécile par une Ombre, avec une Couronne de Laurier, accompagnée de jolis présens, enfermez dans une boëte, sur laquelle estoit cette inscription.
A LA PREMIERE MUSICIENNE DU MONDE
Muse, je vous écris, des Isles fortunées,
Où le Ciel revestu de son plus bel azur,
D'un Printems éternel enchaisne les Années,
Et conserve toûjours un air serein & pur.
[...]
Qu'ainsi soit. Permettez que je vous félicite
Sur un bruit qui commence à se respandre icy.
Quelques Musiciens, gens du premier merite,
Vous offrent de leur part des Complimens aussi.
Du Train de l'Opera demandant des nouvelles
Aux Mortels depuis peu descendus icy bas,
Ils m'en ont à l'envy débité des plus belles,
Et m'ont dit que là-haut vous faisiez grand fracas.
Qu'on vantoit à la Cour, de mesme qu'à la Ville,
Un Opera nouveau, que vous avez donné,
Et quoy qu'on vous connust pour femme très-habile,
Que d'un si grand travail on étoit étonné.
L'entreprise, il est vray, n'eut jamais de pareille.
C'est ce qu'en vostre Sexe aucun Siècle n'a veu,
Et puis qu'il devoit naistre une telle Merveille,
Au Règne de LOUIS ce prodige étoit deu» (Mercure galant, décembre 1691).

  • «Madame de la Guerre avoit un très beau génie pour la composition, & a excellé dans la Musique vocale, de même que dans l'instrumentale, comme elle l'a fait connoître par plusieurs ouvrages dans tous les genres de Musique qu'on a de sa composition. On peut dire que jamais personne de son sexe n'a eu d'aussi grands talens qu'elle pour la composition de la musique, & pour la manière admirable dont elle l'exécutoit sur le Clavecin & sur l'Orgue» (Titon du Tillet, Le Parnasse François, 1732, p.635).
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