Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville : Différence entre versions

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(Notice de Nicole Pellegrin, 2018)
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La comtesse d’Estrades est présentée à la cour le 12 septembre 1745. Selon M. de Luynes, le seul bien de Mme d'Estrades est alors un hôtel particulier à Paris dans le Marais dont elle partage la propriété avec son frère. Grâce à sa parente, elle obtient, en 1748, un appartement versaillais mitoyen de celui de la favorite ; en 1749, elle est nommée dame d’atour de « Mesdames les Aînées », Henriette et Adélaïde, filles du roi. Elle est des petits soupers du roi, mais elle aurait dès lors intrigué pour supplanter elle-même la marquise dans le lit du monarque, avant d’essayer, en 1752, de placer auprès de Louis XV la jeune Charlotte-Rosalie de Romanet, comtesse de Choiseul-Beaupré, sa nièce, également dame d’atour de Mesdames. Tentative que fit échouer le cousin de celle-ci, Choiseul-Stainville, le futur duc et ministre, devenu l’allié de la marquise de Pompadour.<br/>
 
La comtesse d’Estrades est présentée à la cour le 12 septembre 1745. Selon M. de Luynes, le seul bien de Mme d'Estrades est alors un hôtel particulier à Paris dans le Marais dont elle partage la propriété avec son frère. Grâce à sa parente, elle obtient, en 1748, un appartement versaillais mitoyen de celui de la favorite ; en 1749, elle est nommée dame d’atour de « Mesdames les Aînées », Henriette et Adélaïde, filles du roi. Elle est des petits soupers du roi, mais elle aurait dès lors intrigué pour supplanter elle-même la marquise dans le lit du monarque, avant d’essayer, en 1752, de placer auprès de Louis XV la jeune Charlotte-Rosalie de Romanet, comtesse de Choiseul-Beaupré, sa nièce, également dame d’atour de Mesdames. Tentative que fit échouer le cousin de celle-ci, Choiseul-Stainville, le futur duc et ministre, devenu l’allié de la marquise de Pompadour.<br/>
 
Mme d’Estrades est, dès 1750, durablement et quasi officiellement, la maîtresse du comte d’Argenson, un adversaire déclaré de Pompadour. Cette dernière, jugeant sans doute dangereuse sa cousine, la fait brutalement disgracier en août 1755. Interdite à la cour, elle conserve néanmoins ses appointements. Neuf ans plus tard, une lettre (peut-être un faux) envoyée à sa maîtresse par le comte est interceptée par Pompadour et aurait servi de prétexte à l’exil de celui-ci au château des Ormes en Poitou. Mme d’Estrades l’y suit et l’attachement du comte d’Argenson pour elle se traduit en août 1764 par un don testamentaire de mille ouvrages à tirer de sa bibliothèque.<br/>  
 
Mme d’Estrades est, dès 1750, durablement et quasi officiellement, la maîtresse du comte d’Argenson, un adversaire déclaré de Pompadour. Cette dernière, jugeant sans doute dangereuse sa cousine, la fait brutalement disgracier en août 1755. Interdite à la cour, elle conserve néanmoins ses appointements. Neuf ans plus tard, une lettre (peut-être un faux) envoyée à sa maîtresse par le comte est interceptée par Pompadour et aurait servi de prétexte à l’exil de celui-ci au château des Ormes en Poitou. Mme d’Estrades l’y suit et l’attachement du comte d’Argenson pour elle se traduit en août 1764 par un don testamentaire de mille ouvrages à tirer de sa bibliothèque.<br/>  
La comtesse lui survit assez longtemps pour se remarier à 50 ans avec Nicolas Maximilien Séguier de Saint-Brisson, comte de Saint-Brisson, mort en 1809 et de vingt ans plus jeune qu’elle. Élisabeth Charlotte Huguet de Sémonville meurt en 1784.<br/>
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La comtesse lui survit assez longtemps pour se remarier à 50 ans avec Nicolas Maximilien Séguier de Saint-Brisson, comte de Saint-Brisson, mort en 1809 et de vingt ans plus jeune qu’elle. Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville meurt en 1784.<br/>
 
Personnage controversé et soumis en permanence au regard malveillant de la Cour, elle fut accusée, en son temps, de mille défauts : laideur, déloyauté, goût du lucre, infidélité (y compris amoureuse). Le marquis d’Argenson, par exemple, tout en lui reprochant, dans son ''Journal'', de soutenir invariablement le comte d’Argenson et le clan « de la bigoterie » (celui des Noailles notamment), souligne ses trahisons et « une richesse immense » : elle aurait laissé « manquer de tout Madame Adélaïde », se serait toujours montrée « d’une avarice hideuse » à son égard et aurait accepté de l’argent des États d’Artois en mars 1752 quitte à abandonner à la vindicte royale des amis comme Maillebois.<br/>
 
Personnage controversé et soumis en permanence au regard malveillant de la Cour, elle fut accusée, en son temps, de mille défauts : laideur, déloyauté, goût du lucre, infidélité (y compris amoureuse). Le marquis d’Argenson, par exemple, tout en lui reprochant, dans son ''Journal'', de soutenir invariablement le comte d’Argenson et le clan « de la bigoterie » (celui des Noailles notamment), souligne ses trahisons et « une richesse immense » : elle aurait laissé « manquer de tout Madame Adélaïde », se serait toujours montrée « d’une avarice hideuse » à son égard et aurait accepté de l’argent des États d’Artois en mars 1752 quitte à abandonner à la vindicte royale des amis comme Maillebois.<br/>
 
Estrades est doublement intrigante : visiblement habile à mener des intrigues, il est difficile cependant de mesurer l’efficacité de celles-ci. Figure archétypale de la femme de Cour, à la fois intéressée et talentueuse, elle fut capable aussi d’attachements, sinon amoureux, du moins durables, à l’égard d’hommes de premier plan qui furent, au moins un temps, « subjugués », par elle, Quesnay notamment. Aux dires de Choiseul, un ennemi du comte d’Argenson, ce dernier  aurait été à la fois la victime et le bénéficiaire d’un « pouvoir nocturne » qui fut sans doute aussi un pouvoir intellectuel. Mais il reste à en trouver des traces écrites qui ne soient pas médisantes. Vilipendée par la plupart de ses contemporains qui n’ont cessé de commenter ses heurs et ses malheurs, la comtesse d’Estrades a peu attiré l’attention de la postérité. Seul-e-s quelques historien-ne-s de la vie curiale et des favorites royales comme Évelyne Lever, Jean Haechler ou Alexandre Maral ont su repérer l’importance de son rôle politique à la cour de Louis XV.
 
Estrades est doublement intrigante : visiblement habile à mener des intrigues, il est difficile cependant de mesurer l’efficacité de celles-ci. Figure archétypale de la femme de Cour, à la fois intéressée et talentueuse, elle fut capable aussi d’attachements, sinon amoureux, du moins durables, à l’égard d’hommes de premier plan qui furent, au moins un temps, « subjugués », par elle, Quesnay notamment. Aux dires de Choiseul, un ennemi du comte d’Argenson, ce dernier  aurait été à la fois la victime et le bénéficiaire d’un « pouvoir nocturne » qui fut sans doute aussi un pouvoir intellectuel. Mais il reste à en trouver des traces écrites qui ne soient pas médisantes. Vilipendée par la plupart de ses contemporains qui n’ont cessé de commenter ses heurs et ses malheurs, la comtesse d’Estrades a peu attiré l’attention de la postérité. Seul-e-s quelques historien-ne-s de la vie curiale et des favorites royales comme Évelyne Lever, Jean Haechler ou Alexandre Maral ont su repérer l’importance de son rôle politique à la cour de Louis XV.

Version du 9 octobre 2018 à 09:19

Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville
Titre(s) comtesse d'Estrades
Conjoint(s) 1.Charles Jean d’Estrades comte d’Estrades
2. Nicolas Maximilien Séguier de Saint-Brisson, comte de Saint-Brisson
Biographie
Date de naissance 1715?
Date de décès 1784
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Nicole Pellegrin, 2018

Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville serait née en 1715 dans une famille noble, plus ou moins désargentée, mais reçue à la Cour. Son père, Bertrand François Huguet (1640-1729), seigneur de Semonville, est secrétaire et maître d’hôtel ordinaire du roi et marié à Charlotte Chaufourneau. Un de ses frères est lieutenant au régiment des gardes françaises et est commandeur de l’ordre de Saint-Lazare. Elle épouse à une date encore inconnue le comte Charles Jean d’Estrades : cousin germain du mari de Madame Le Normant d’Etioles, future marquise de Pompadour, c’est un militaire, né en 1709 et tué au combat de Dettingen le 19 juillet 1743, sans qu’ils aient eu d’enfants.
La comtesse d’Estrades est présentée à la cour le 12 septembre 1745. Selon M. de Luynes, le seul bien de Mme d'Estrades est alors un hôtel particulier à Paris dans le Marais dont elle partage la propriété avec son frère. Grâce à sa parente, elle obtient, en 1748, un appartement versaillais mitoyen de celui de la favorite ; en 1749, elle est nommée dame d’atour de « Mesdames les Aînées », Henriette et Adélaïde, filles du roi. Elle est des petits soupers du roi, mais elle aurait dès lors intrigué pour supplanter elle-même la marquise dans le lit du monarque, avant d’essayer, en 1752, de placer auprès de Louis XV la jeune Charlotte-Rosalie de Romanet, comtesse de Choiseul-Beaupré, sa nièce, également dame d’atour de Mesdames. Tentative que fit échouer le cousin de celle-ci, Choiseul-Stainville, le futur duc et ministre, devenu l’allié de la marquise de Pompadour.
Mme d’Estrades est, dès 1750, durablement et quasi officiellement, la maîtresse du comte d’Argenson, un adversaire déclaré de Pompadour. Cette dernière, jugeant sans doute dangereuse sa cousine, la fait brutalement disgracier en août 1755. Interdite à la cour, elle conserve néanmoins ses appointements. Neuf ans plus tard, une lettre (peut-être un faux) envoyée à sa maîtresse par le comte est interceptée par Pompadour et aurait servi de prétexte à l’exil de celui-ci au château des Ormes en Poitou. Mme d’Estrades l’y suit et l’attachement du comte d’Argenson pour elle se traduit en août 1764 par un don testamentaire de mille ouvrages à tirer de sa bibliothèque.
La comtesse lui survit assez longtemps pour se remarier à 50 ans avec Nicolas Maximilien Séguier de Saint-Brisson, comte de Saint-Brisson, mort en 1809 et de vingt ans plus jeune qu’elle. Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville meurt en 1784.
Personnage controversé et soumis en permanence au regard malveillant de la Cour, elle fut accusée, en son temps, de mille défauts : laideur, déloyauté, goût du lucre, infidélité (y compris amoureuse). Le marquis d’Argenson, par exemple, tout en lui reprochant, dans son Journal, de soutenir invariablement le comte d’Argenson et le clan « de la bigoterie » (celui des Noailles notamment), souligne ses trahisons et « une richesse immense » : elle aurait laissé « manquer de tout Madame Adélaïde », se serait toujours montrée « d’une avarice hideuse » à son égard et aurait accepté de l’argent des États d’Artois en mars 1752 quitte à abandonner à la vindicte royale des amis comme Maillebois.
Estrades est doublement intrigante : visiblement habile à mener des intrigues, il est difficile cependant de mesurer l’efficacité de celles-ci. Figure archétypale de la femme de Cour, à la fois intéressée et talentueuse, elle fut capable aussi d’attachements, sinon amoureux, du moins durables, à l’égard d’hommes de premier plan qui furent, au moins un temps, « subjugués », par elle, Quesnay notamment. Aux dires de Choiseul, un ennemi du comte d’Argenson, ce dernier aurait été à la fois la victime et le bénéficiaire d’un « pouvoir nocturne » qui fut sans doute aussi un pouvoir intellectuel. Mais il reste à en trouver des traces écrites qui ne soient pas médisantes. Vilipendée par la plupart de ses contemporains qui n’ont cessé de commenter ses heurs et ses malheurs, la comtesse d’Estrades a peu attiré l’attention de la postérité. Seul-e-s quelques historien-ne-s de la vie curiale et des favorites royales comme Évelyne Lever, Jean Haechler ou Alexandre Maral ont su repérer l’importance de son rôle politique à la cour de Louis XV.


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