Éléonore d'Autriche/Hilarion de Coste : Différence entre versions

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(5) Renée de Bourbon Duchesse de Lorraine.<br />
 
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(6) Louyse de Montmorency.
 
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[[Catégorie:Dictionnaire Hilarion de Coste]]

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[I,523] ELEONOR D'AUSTRICHE (1), REYNE DE FRANCE et de Portugal.

ELEONOR ou Leonor d'Austriche, nommée par les autres Alienor, estoit la fille aisnée de Philippe Archiduc d'Austriche, Roy de Castille, et de Jeanne d'Arragon ou d'Espagne sa femme. La ville de Louvain au Duché de Brabant, le sejour et la demeure des Muses Flamandes ou Belgiques, vit naistre cette grande Princesse, seconde femme de nostre Apollon François, le 24. jour de Novembre de l'an 1498.
Le Roy Emanuel, l'un des plus puissans et des plus heureux Monarques qui ayent manié le Sceptre de Portugal, ayant ouy parler des vertus et des perfections d'Eleonor, se voyant veuf de Marie de Castille sa seconde femme, la desira avoir pour sa troisiéme épouse. Le mariage fut celebré l'an 1519. et ne dura que deux ans: Emanuel estant decedé à Lisbonne le 13. Decembre 1521 (2).
Eleonor eut du Roy Emanuel son premier mary deux enfans (3), un fils, et une fille; la fille fut nommée Marie de Por-[524]tugal, Princesse de rare vertu: elle aura son Eloge dans ce livre parmy les illustres Maries. Le fils fut Charles de Portugal, dont elle accoucha à Evora le 18. Fevrier de l'an 1520. et mourut le 15. Avril de l'année suivante à Lisbonne.
Leonor d'Austriche Reine de Portugal, estant veuve d'Emanuel, fut promise par son frere aisné Charles Empereur, et Roy d'Espagne, à Charles dernier Duc de Bourbon, Connestable de France, qui avoit quitté le party du Roy de France son Prince legitime, et naturel Seigneur, dépité d'avoir perdu ce grand procés au Parlement de Paris, auquel il s'agissoit de trois Duchez, de quatre Comtez, de 2. Vicomtez, et de plusieurs belles Baronnies, contre Madame d'Angoulesme mere de sa Majesté, et pour d'autres mécontentemens, et que l'Empereur Charles V. avoit fait son Lieutenant general en l'armée qu'il mit sur pied pour envahir la Provence. Mais quelque temps aprés s'estant donnée une sanglante bataille proche de Pavie, où l'ardeur de courage poussa trop avant nostre grand Roy François, le plus genereux et le plus magnanime Prince du monde, il fut pris prisonnier en cette funeste journée, et mené en Espagne, où il fit la recherche d'Eleonor Reine douairiere de Portugal, et soeur aisnée de l'Empereur, quoy que promise au Connestable, qui lors que le Roy estoit à Madrid, vint baiser les mains à l'Empereur, et vid la solemnité des fiançailles du Roy son Maistre avec Leonor, qui estoit plus contente d'épouser le premier Roy du Christianisme, qu'un Prince disgracié et mesprisé, non seulement des François, mais mesme des Espagnols, qui l'appelloient d'ordinaire infame, desloyal, et traistre à son Roy et à sa patrie: témoin ce brave Seigneur, qui pressé par l'Empereur Charles de loger dans son Palais à Madrit ce Duc là, luy fit une response par laquelle il demandoit la permission à sa Majesté de mettre le feu en sa maison, avant que l'on y logeast le Connestable de Bourbon, Juro à Dios sacra Majestad, que antez pougo el fuego en mi casa.
La Reine Eleonor, qui par le traité de Madrit avoit esté fiancée au Roy François I. ayant sceu que les deux enfans [525] aisnez de ce Monarque là; sçavoir François Daufin de Viennois, et Henry Duc d'Orleans (qui depuis fut Daufin et Roy de France second du nom) estoient mal traitez à Victoria, et autres villes d'Espagne par Pierre Hernandez Velasco Duc de Frias, et Connestable de Castille, et par les Espagnols: elle en fit de grandes plaintes à l'Empereur son frere, et écrivit aux Duchesses d'Angoulesme et de Savoye pour avancer le traité de paix entre le Roy et l'Empereur, pour le desir qu'elle avoit d'épouser ce grand Monarque, et de voir les deux enfans de ce Prince en liberté.
La Paix ayant esté conclue à Cambray à l'instance d'Eleonor entre ces deux Duchesses là, et publiée dans l'Eglise de Nostre-Dame de la mesme ville le 5. d'Aoust 1529. la Reine Eleonor, et les deux enfans de France furent eschangez (comme j'ay remarqué ailleurs) sur la riviere de Bidasse avec la rançon du Roy leur pere, le 1. de Juillet 1530. Le Roy ayant receu cette nouvelle alla au devant de ses enfans et de cette Princesse, qu'il épousa en l'Abbaye de Captieux en Guyenne, située entre Bayonne et Bordeaux au mesme mois de Juillet. Le Cardinal de Tournon (qui avoit rendu de bons services au Roy durant sa captivité, et qui fut depuis tousjours employé en ses plus grandes affaires) fit la ceremonie du mariage. Ce grand Monarque fit faire des entrées, et des grands honneurs par toutes les villes de ce Royaume à la Reine Eleonor sa 2. femme, comme on peut voir chez nos Historiens, et dans les poësies de ce temps là. Mais le plus grand honneur qu'a receu en France cette Princesse, c'est d'avoir esté sacrée et couronnée Reine à Saint Denys le 5. jour de Mars de l'an 1530. ou selon le nouveau stile 1531. par Louys Cardinal de Bourbon Prince du Sang, Evéque de Laon et Pair de France, et Abbé de ce Royal Monastere, qui a esté Archevéque de Sens aprés le decés du Legat et Cardinal du Prat.
Dés le 3. de Mars Eleonor arriva à Saint Denys, accompagnée d'un grand nombre de Princesses, où Monsieur de Montmorency Grand Maistre de France (depuis Connestable) avoit fait preparer tout ce qui estoit necessaire pour le Sacre et le Couronnement.
[526] Le Dimanche 5. la Reine alla à l'Eglise en bel ordre et ceremonie. Les Chambellans et les Capitaines marcherent les premiers. Aprés les Chevaliers de l'Ordre, et les Princes du Sang. La Reine estoit menée par les Cardinaux de Grandmont et de Trivulse, revestus de leurs grandes Chappes. Sa Majesté estoit habillée tres-richement, car son corset estoit tout couvert de perles, et brodé d'or, son surcot d'hermines, garny et enrichy de gros diamans, et son ornement de teste d'une infinité de pierreries, le tout estoit estimé plus d'un million d'or. Messieurs le Daufin et le Duc d'Orleans tenoient les pans de son manteau royal de velous violet. Les Duchesses de Vendosme, de Lorraine et de Nemours portoient la queue. Le Grand Maistre marchoit devant sa Majesté avec son baston à lettres et à devises.
Aprés la Reine marcha Madame mere du Roy. Mesdames Magdelaine et Marguerite de France filles du Roy. La Reyne de Navarre soeur du Roy. La Princesse Isabeau de Navarre. La Douairiere de Vendosme: la Duchesse de Guyse: Mademoiselle de Vendosme, et la Comtesse de Nevers. La Dame d'honneur marcha aprés ces Princesses qui avoient toutes leurs chapeaux et leurs cercles de Duchesses et de Comtesses, leurs corsets et leurs manteaux de velous violet, et leurs surcots d'hermines, enrichis de pierreries d'un si grand prix, que le moindre estoit estimé plus de cinquante mille escus; excepté Madame mere du Roy, la Douairiere de Vendosme, et la Comtesse de Nevers, qui estans veuves avoient leur corset de velous noir, et le manteau de violet plus brun que les autres.
La Reine estant arrivée devant le grand Autel se mit à genoux. Le Cardinal de Bourbon qui estoit au costé gauche de l'Autel, accompagné de trois Archevéques, et de 28. Evéques, luy bailla à baiser un reliquaire. Le Cardinal du Prat demeura au costé droit en qualité de Legat: Puis sa Majesté fut menée de l'Autel sur son theatre eslevé de 13. marches par les Cardinaux de Grandmont et de Trivulse; Messieurs le Daufin et le Duc d'Orleans tenans tousjours les pans de son manteau.
Aprés qu'elle fut assise, la Duchesse d'Angoulesme mere [527] du Roy, et les Dames luy firent une grande reverence, puis prirent place selon leur rang. Les deux Cardinaux descendirent du theatre, et allerent s'asseoir prés du Legat: puis s'estans reposez ils se leverent pour aller querir la Reine, et la mener devant le grand Autel où elle fut sacrée. Le Daufin et le Duc d'Orleans qui avoient porté les pans du manteau de la Reine depuis le theatre jusques à l'Autel, demeurerent tousjours prés de sa Majesté: mais le Grand Maistre de Montmorency qui avoit marché devant la Reine, alla querir Madame mere du Roy, et aprés elle Madame Magdelaine, et la Reine de Navarre pour servir au Sacre, tandis que le Cardinal de Bourbon dit l'Oraison sur la Reine qui estoit à genoux devant le grand Autel, et avoit la teste baissée.
Aprés que le Cardinal de Bourbon eut dit l'Oraison, et que les trois Princesses furent arrivées, il prit la sainte Onction qui luy fut presentée par les Archevéques de Tolose et de Lyon; celuy-là de la Maison de Longueville; et celuy cy de celle de Rohan: il en versa sur la platine que tenoit l'Archevéque de Tolose, et en oignit la Reine sur le chef, qui fut découvert par Madame mere du Roy, et aprés vers l'estomac qui fut découvert par Madame Magdelaine et la Reyne de Navarre. Disant l'oraison ordinaire de la ceremonie, laquelle estant finie il en dit encor une mettant l'anneau au doigt de sa Majesté, qui luy fut presenté par l'Evéque d'Evreux. Le Cardinal aprés donna à la Reine le Sceptre qui luy fut presenté par l'Evéque de Beauvais, et la Main de Justice par l'Archevéque de Vienne, et dit les oraisons. Aprés le Cardinal prit des mains de l'Evéque de Lizieux grand Aumosnier du Roy, la grande Couronne qu'il mit seul sur la teste de la Reine, tenant tousjours la main dessous, et aprés luy avoir presentée il la bailla à Monsieur le Daufin, qui s'en deschargea és mains du Duc de Longueville. Et lors l'Evéque de Bayonne donna une autre petite Couronne à Monsieur le Duc d'Orleans, qui avec Monsieur le Daufin la mit sur la teste de la Reine.
Le Sacre achevé, et toutes les oraisons dites par le Cardinal de Bourbon; la Reine tenant en ses mains le Sceptre [528] et la Main de Justice, fut conduite en sa chaire par Messieurs le Daufin et le Duc d'Orleans. Le Duc de Longueville tenant eslevée la grande Couronne marchant devant sa Majesté, qui estant assise pour ouir la Messe, l'on mit devant elle un escabeau couvert de velous bleu semé de fleurs de lys d'or, sur lequel ce Duc là mit la grande Couronne, et demeura tousjours à genoux prés de l'escabeau. La Reine donna le Sceptre au Comte de Saint Paul Prince du Sang, et la Main de Justice au Duc de Guyse qui demeurerent à genoux prés de sa Majesté, le Comte à la main droite, et le Duc à la gauche; le Daufin et le Duc d'Orleans estoient debout aux costez de sa Majesté pour soustenir la Couronne qu'elle avoit sur la teste.
Lors le Cardinal de Bourbon celebra la sainte Messe, et la Dame d'honneur donna les heures de la Reine à Mademoiselle de Vendosme, et un livre d'oraisons à la Comtesse de Nevers qui les presenterent ensemble à sa Majesté, puis s'en retournerent en leurs places, aprés avoir fait trois reverences. Le Legat donna la benediction à l'Evéque de Chartres pour dire l'Evangile; durant laquelle la Reine se leva: le Comte de Saint Paul, le Duc de Guyse avec le Sceptre et la Main de Justice: et le Duc de Longueville tenant en ses mains élevée la grande Couronne: toutes les Princesses se leverent aussi aprés avoir fait la reverence à sa Majesté, à laquelle la petite Couronne fut ostée de dessus la teste par Messieurs le Daufin et le Duc d'Orleans, et remise aprés l'Evangile que le Cardinal de Grandmont luy porta à baiser.
La Reine baisant le livre des Evangiles se mit à genoux sur l'oreiller de drap d'or qui luy fut presenté par le Comte de Nevers. La femme du Grand Maistre, de l'Amiral, et la grande Seneschale, porterent aprés l'Evangile le pain, le vin et l'argent à la Dame d'honneur de sa Majesté, qui les presenta, sçavoir le pain doré à Madame Marguerite: le pain argenté à Isabeau de Navarre: le vin à la douairiere de Vendosme: et le cierge avec l'argent à la Duchesse de Guyse. La Reine descendit de son theatre pour aller à l'offrande, le Grand Maistre marchant devant sa Majesté: le Daufin et le Duc [529] d'Orleans portans tousjours les pans de son manteau. Le Comte de Saint Paul, les Ducs de Guyse et de Longueville, et le Comte de Nevers portans le Sceptre, la main de Justice, la grande Couronne, et l'oreiller. La Reine estant à l'Autel, les quatre Princesses luy baillerent les offertes, et puis elle s'en retourna en sa chaire au mesme ordre.
A l'élevation du Corps de Nostre Seigneur elle se leva de sa chaire, et s'agenouilla dessus l'oreiller, toutes les Dames firent le mesme, aprés luy avoir fait la reverence, et les Princes tenans le Sceptre et la Main, la grande Couronne et l'oreiller. Le Cardinal de Grandmont luy apporta la Paix à baiser durant que l'on chanta l'Agnus Dei, et aprés elle descendit avec les Princes et les Princesses au mesme ordre que j'ay rapporté cy-dessus pour aller au grand Autel, où elle receut avec grande devotion et respect le Corps de Nostre Seigneur des mains du Cardinal de Bourbon, et aprés avoir fait sa priere elle s'en retourna sur sa chaire, où elle acheva d'ouir la Messe; à la fin de laquelle le Legat donna la derniere benediction solemnelle, avec absolution et pleniere remission à tous ceux qui avoient esté presens au Sacre et Couronnement, où assisterent le Nonce du Pape, et les Ambassadeurs de l'Empereur, d'Angleterre, de Venise et de Ferrare. La Messe dite, la Reine Eleonor descendit au mesme ordre: Messieurs de Saint Paul, de Guyse, et de Longueville portans le Sceptre, la Main de Justice, et la Couronne devant sa Majesté: lors Monsieur le Daufin prit la Reine par dessous le bras droit, et Monsieur d'Orleans par dessous le gauche, et les Ducs de Vendosme et de Lorraine prirent les pans de son manteau, que tenoient auparavant Messieurs les Enfans de France, les deux fils aisnez du Roy François I. Monsieur Charles de France Duc d'Angoulesme son 3. fils, qui depuis fut Duc d'Orleans n'y ayant pas assisté, ou par indisposition, ou pour sa jeunesse.
La Reine Eleonor ayant receu les honneurs du Couronnement à Saint Denys le 5. de Mars 1531. receut ceux de l'Entrée Royale à Paris, le 16. du mesme mois, où sa Majesté estant accompagnée de Messieurs le Daufin et le Duc d'Orleans, et de plusieurs autres Princes, Princesses, Sei-[530]gneurs et Dames ouit à saint Lazare les harangues des Deputez de l'Eglise, de l'Université, des Corps de la ville, et des Cours Souveraines: ausquelles le Legat en qualité de Chancelier ayant fait les responses, le Grand Maistre de Montmorency ayant son baston en main, donna l'ordre à la ceremonie de l'Entrée qui fut tres-belle et magnifique (comme j'ay appris d'un Secretaire d'Estat auquel le Roy François fit commandement de mettre par écrit l'ordre qui fut observé au Couronnement et à l'entrée de cette Princesse, auquel les curieux pourront avoir recours pour en sçavoir toutes les particularitez (4)) je diray seulement que les Etrangers qui se trouverent à Paris admirerent la quantité de monde, et les Compagnies qui marcherent en cette ceremonie là: car les Religieux mendians, les Parroisses, les autres Religieux, et les Eglises Collegiales, environ quatre mille qui estoient suivis de l'Université, laquelle sans compter le Recteur, les Procureurs de nations, les Docteurs et les Bacheliers de quatre Facultez, les Conseillers et Officiers, il y avoit trois mille Escoliers marchans deux à deux. Aprés l'Université marchoient plusieurs autres Corps: les Enfans de la ville bien montez, vestus des couleurs de la Reine, noir, blanc et jaune: et les Cours Souveraines: le Prevost de l'Hostel: les Gentils-hommes des Princes et des Princesses: les Gentils-hommes et Officiers de la Reine richement vestus: les hauts-bois, les trompettes, les Herauts et les Rois d'armes, les Chevaliers de Saint Michel avec le colier de l'Ordre: les Ambassadeurs (que j'ay nommez à la ceremonie du Sacre) conduits par des premiers Seigneurs de la Cour: deux Cardinaux, et le Legat revestus de leurs Chappes: le premier Escuyer de l'Escurie de la Reine, suivy du cheval de croupe, sur lequel estoit monté un page vestu de drap d'or: la haquenée de parade avec une grande housse de drap d'or. Aprés marchoient les cent Suisses de la garde du Roy, conduits par le Comte de Brienne fils du Mareschal de la Marche: les deux cens Gentils-hommes de la Maison du Roy marchans à pied, leur hache d'armes sur le col. Aprés venoit la Reine dans sa litiere de drap d'or frisé, devant laquelle marchoit Monsieur de Mont-[531]morency avec son baston de Grand Maistre: la litiere estoit découverte, afin que sa Majesté fust veue d'un chacun avec son manteau Royal de pourpre diapré d'or, son corset tout couvert de perles, son surcot fourré d'hermines enrichy de pierreries, et la Couronne en teste remplie de diamans d'un prix inestimable: Monsieur le Daufin suivy du Roy de Navarre estoit à sa main droite, et le Duc d'Orleans à la gauche: à l'entour de la litiere Royale estoient les Pages et les Escuyers de l'Escurie de la Reine, et les 24. Archers Escossois de la garde du Roy. Aprés la litiere de la Reine venoit Madame mere du Roy, en une autre litiere couverte de velous noir, avec laquelle estoient MM. Magdelaine, et Marguerite filles du Roy, et à ses costez les Ducs de Vendosme et de Lorraine: dans la troisiéme litiere couverte de velous cramoisy richement brodée estoit la Reine de Navarre soeur du Roy, et à ses costez le Comte de Saint Paul, et le Duc de Guyse. Aprés marchoient sept Princesses montées sur des haquenées, avec des housses de drap d'or frizé. La 1. estoit M. Isabeau soeur du Roy de Navarre, qui avoit à son costé le Comte de Meille. La 2. la Duchesse de Vendosme, et à son costé le Marquis du Pont, fils du Duc de Lorraine. La 3. la Duchesse de Lorraine (5), avec elle Monsieur d'Anguien, fils aisné du Duc de Vendosme, qui depuis fut Roy de Navarre. La 4. la Duchesse de Nemours, et avec elle le Comte de Nevers. La 5. Mademoiselle de Vendosme, et avec elle Louys Monsieur de Nevers Comte d'Auxerre. La 6. la Comtesse de Nevers, et avec elle le Mareschal de la Marche. La 7. Mademoiselle de Guyse, qui depuis fut Duchesse de Longueville et Reyne d'Escosse, et avec elle le Comte de Brienne: Mesdames mere du Roy, Magdelaine et Marguerite filles de sa Majesté, et la Reine de Navarre, et toutes ces Princesses avoient toutes leurs chapeaux et leurs cercles de Duchesses et de Comtesses, leurs manteaux de velous violet, les surcots d'hermines enrichis de pierreries, excepté Madame mere du Roy, et la Comtesse de Nevers qui avoient leur manteau plus brun que les autres, leur corset de velous noir, et leur surcot d'hermines sans aucun enrichissement.
[532] Aprés les Princesses venoit la Mareschale de Chastillon de la Maison de Montmorency (6), Dame d'honneur de la Reine, vestue d'une robbe de velous noir fourrée d'hermines, suivie de sa belle-soeur la femme du Grand Maistre: de l'Amirale Chabot de la Maison de Givry: de la grande Seneschale, depuis Duchesse de Valentinois: de la Mareschale de la Marche: des Dames d'Aubigny et de Roye, qui estoient toutes richement habillées, et montées aussi sur des haquenées, avec des housses de drap d'or frizé. Aprés ces Dames là venoient les filles de la Reine montées sur des haquenées avec des housses de drap d'or: Les douze premieres estoient vestues de satin cramoisy à l'Espagnole, que sa Majesté avoit amenées de Castille; et les autres vestues à la Françoise, et trois chariots de drap d'or, dans lesquels estoient le reste des Dames et des Demoiselles de sa Majesté. Les 4. Capitaines des Gardes, avec tous les Archers à cheval en troupe terminoient cette pompe Royale. La Reine ayant fait ses prieres en l'Eglise de Nostre-Dame, ouit le Te-Deum en musique, et receut la benediction du Cardinal Legat, qui estoit accompagné des Cardinaux de Grandmont et de Trivulse, alla au mesme ordre au Palais, où estoit preparé le souper, ayant à sa main droite les trois Cardinaux que je viens de nommer, et les Ambassadeurs qui avoient assisté à son Couronnement, excepté celuy de Ferrare: et à sa main gauche toutes les Princesses qui avoient paru à son entrée. Au festin le Grand Maistre de Montmorency servit de Maistre d'Hostel: le Comte de Saint Paul, de Pannetier: le Duc de Guyse, d'Eschanson: et le Comte de Nevers d'Escuyer tranchant.
Le 19. du mesme mois les Prevost des Marchans, et les Eschevins traiterent la Reine à l'Hostel de Ville, et luy firent leurs presens.
Elle n'eut aucuns enfans de nostre Roy son second mary, avec lequel elle véquit environ 18. ans, jusques au dernier jour de Mars de l'an 1547. que ce Prince, le Pere et le Restaurateur des lettres, deceda au Chasteau de Rambouillet en Heurtpois.
Durant que cette Princesse porta la Couronne Tres-[533]Chrestienne elle se fit aimer des François pour les vertus et les bonnes qualitez dont Dieu et la nature l'avoient douée. Aprés avoir vaqué aux exercices de devotion et de pieté, dont on voit encore les marques és edifices de plusieurs Eglises et maisons sacrées de ce Royaume, qu'elle a embellies et enrichies par sa liberalité. On voyoit cette masle Princesse comme une autre Atalante, ou comme sa soeur Marie Reine de Hongrie, laisser la quenouille et le fuseau, et s'adonner à des occupations genereuses, mais non si violentes comme sa soeur, laquelle manioit mieux une picque et une espée, qu'une esguille ou des ciseaux, et qui estoit le plus souvent dans les armées avec des Capitaines et des soldats, que dans ses Palais de Malines et de Brusselle avec ses Dames.
Les ordinaires demeures d'Eleonor n'estoient non dans les tentes et dans les armées, mais bien dans les bois, les forests, et les eaux, à cause de la chasse, et de la pesche, où elle accompagnoit le Roy son mary; Ce qui ne servoit pas de peu d'ornement, ny de peu de conservation à son honneur, et à sa vertu: car on sçait que si Diane est chaste, ceux qui ayment ses innocens esbats sont fort esloignez des atteintes de l'amour.
Le Roy François decedé, Eleonor se retira au Pays bas, prés de l'Empereur son frere, puis le suivit en Espagne en l'an 1556. et mourut à Valladolit, ou selon les autres, à Badaios (où elle gist) au mois de Mars l'an 1558. estant aagée de 60. ans. Le Roy Henry II. son beau fils luy fit rendre les derniers devoirs dans Nostre-Dame de Paris, avec les honneurs deus à une Reine de France.
Elle avoit pour symbole et devise un Phoenix qui se brûle sur un buscher qu'il allume de ses aisles, avec ces mots, UNICA SEMPER AVIS; Tousjours unique oiseau. Les François la luy avoient dressée pour marque de sa vertu, laquelle estant incomparable, estoit en cela semblable à cet oiseau qui n'a rien en la nature qui luy puisse estre comparé.
Elle en eut aussi une autre, et peut-estre de son invention. C'estoit un arbre beau à merveille planté en une peninsule découverte de tous costez au Soleil, et arrousée fa-[534]vorablement du fleuve dans lequelle elle s'avançoit. Ces mots en donnoient l'intelligence: HIS SUFFULTA. A l'aide de ceux-cy. Car c'estoit autrement dire, qu'à l'aide de Dieu qui est nostre Soleil, et des alliances avec les Rois, qui sont les plus grandes faveurs de la fortune, dont les eaux sont le symbole, dans la grandeur et bonté de son extraction, qui luy estoit comme son terrain, elle avoit pris un accroissement qui s'eslevoit au faiste des plus grandes prosperitez.

(1) Austriche, de gueules à la fasce d'argent.
(2) Vasconcellos.
(3) Sainte-Marthe.
(4) Guillaume Bouchetel Secretaire d'Estat, son écrit a esté publié par le sieur Godefroy, dans le Ceremonial de France.
(5) Renée de Bourbon Duchesse de Lorraine.
(6) Louyse de Montmorency.

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