Marie-Jeanne Laboras de Mézières

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Marie-Jeanne Laboras de Mézières
Conjoint(s) François Riccoboni
Dénomination(s) Madame Riccoboni
Adélaïde de Varançai
Biographie
Date de naissance 1713
Date de décès 1792
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Henri Lyonnet (1930)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution.


Notice de Marianne Charrier-Vozel, 2007.

Marie-Jeanne naît à Paris le 23 octobre 1713, huit mois après l’excommunication de son père pour bigamie et le jugement qui annule le mariage de ses parents. À onze ans, selon les voeux de sa mère, elle entre au couvent pour devenir religieuse. À vingt et un ans, après de nombreuses lectures qui l’ont détournée d’une vocation religieuse, elle épouse François Riccoboni, fils du directeur de la Troupe des Italiens à Paris. Elle rencontre alors Thérèse de Lalande, qui vit maritalement avec Pierre François Biancolelli. Dès 1734, Mme Riccoboni joue des rôles de seconde amoureuse dans les pièces de Marivaux. Cependant, elle aurait préféré le genre tragique. Diderot lui reproche la froideur de son jeu dans le Paradoxe sur le comédien. En 1757, elle se sépare de son mari, alcoolique, violent et endetté pour s’installer chez Thérèse. À quarante-trois ans, elle débute une carrière de romancière qui lui apporte immédiatement le succès. Dès 1751, elle a écrit la Suite de Marianne de Marivaux qui paraît dix ans plus tard. En 1757, elle publie anonymement les Lettres de Mistriss Fanni Butlerd dont la dernière paraît dans leMercure de France. Le succès est confirmé un an plus tard avec l’Histoire de M. le marquis de Cressy, puis les Lettres de milady Juliette Catesby et l’Histoire de Miss Jenny qui feront l’objet de nombreuses contrefaçons. Entre-temps, elle publie deux contes dans Le Monde de Bastide (1761), la traduction d’Amelia de Fielding (1762). Rue Poissonnière, elle reçoit d’Holbach, Mlle de Riancour, les d’Augny, Bourdonné, A. Smith et D. Hume, rencontré par l’intermédiaire de son éditeur anglais Thomas Becket. En septembre 1763, elle fait la connaissance de David Garrick, l’illustre directeur de la Troupe du Drury Lane à Londres, alors en visite à Paris; il s’occupera de la traduction de ses oeuvres en Angleterre. En 1764, Mme Riccoboni rencontre Robert Liston, un jeune Écossais de vingt-neuf ans son cadet pour qui elle éprouve une vive passion. À la mort de son mari en 1772, cette passion se mue en un sentiment tendre et maternel. La même année, elle obtient la reconnaissance officielle avec une pension royale qui la libère de tous soucis matériels jusqu’à la Révolution. Dans sa correspondance avec D. Garrick, alors qu’elle a publié les Lettres d’Adélaïde de Dammartin et qu’elle rédige les Lettres de Sophie de Vallière, Mme Riccoboni confie sa lassitude d’écrire des romans. Elle publie en 1768 et 1769 deux volumes de traductions intitulées Nouveau Théâtre Anglais. Sa correspondance avec Garrick et Liston témoigne de son intérêt pour la vie culturelle, politique et judiciaire de son temps. En 1782, elle échange une suite de lettres avec Choderlos de Laclos dans lesquelles elle s’indigne de la noirceur de la Marquise de Merteuil. En 1786, après avoir écrit quelques nouvelles d’inspiration médiévale, elle publie un court récit, l’Histoire de deux jeunes amies: à soixante-treize ans, elle trouve un grand réconfort dans la présence de Thérèse. Elle meurt le 7 décembre 1792, après avoir été témoin de la Révolution française.
R o:p> /o:p>omancière à la mode au XVIIIe siècle, Mme Riccoboni dispose, avec le genre épistolaire, d’une forme qui lui permet d’analyser le coeur humain. Les lectrices trouvent dans ses oeuvres l’image d’une femme sensible, victime des injustices du sort et de l’orgueil masculin. L’élégance du style et la maîtrise de l’écriture dramatique sont mises au service d’intrigues pathétiques et édifiantes. Attachantes, les héroïnes de Mme Riccoboni ont un coeur tendre; leur sensibilité et leur vertu inspirent le respect. Au thème de la trahison amoureuse fait écho celui de l’amitié féminine, consolatrice. Victimes, les héroïnes de Mme Riccoboni revendiquent néanmoins leur droit au bonheur. Dans de longs développements au présent gnomique, elles se révoltent contre la société qui fait d’elles des inférieures soumises au désir masculin. Le ton est alors revendicatif pour défendre la liberté des femmes et l’égalité des sexes. Signes de l’intérêt croissant pour l’oeuvre de Mme Riccoboni: en 1997, une journée d’étude lui est consacrée à la Sorbonne; en 1998, l’Histoire d’Ernestine est publiée en anglais. Actuellement, on s’intéresse à Madame Riccoboni d’une part dans le cadre des études narratologiques et des analyses de l’épistolaire, d’autre part dans celui des gender studies.

Oeuvres

- 1757 : Lettres de Mistriss Fanni Butlerd, à Milord Charles Alfred de Caitombridge, Comte de Plisinte, Duc de Raslingth, Écrites en 1735; Traduites de l’Anglois en 1756, par'Adélaïde de Varançai, Amsterdam, sn -- éd. Joan Hinde Stewart, Genève, Librairie Droz, 1979. - 1758 : Histoire de M. le Marquis de Cressy, Paris/Amsterdam, sn -- éd. Alix S. Deguise, Paris, Des femmes, 1987. o:p> /o:p> - 1759 : Lettres de Juliette Catesby à Milady Henriette Campley, son amie, Amsterdam, sn -- éd. Sylvain Menant, Paris, Desjonquères, 1997. o:p> /o:p> - 1761 : L’Abeille, L’Aveugle, Lettres de la princesse Zelmaïde au prince Alamir, son époux, La Suite de Marianne, dans J.-F. Bastide, Le Monde comme il est, Amsterdam/Paris, Bauche, vol.III, IV. o:p> /o:p> - 1762 : Amélie, roman de M. Fielding, traduit de l’anglois, Paris, Brocas et Humblot. o:p> /o:p> - 1764 : Histoire de miss Jenny, écrite et envoyée par elle à milady, comtesse de Roscomonde, ambassadrice d’Angleterre à la cour de Dannemark, Paris, Brocas et Humblot -- éd. Colette Piau-Gillot, Paris, Indigo et Côté-femmes, 1999. o:p> /o:p> - 1765 : Histoire d’Ernestine, dans Recueil de pièces détachées, Paris, Humblot -- éd. Hinde Stewart et Philip Stewart, New York, MLA Texts and Translations, 1998. o:p> /o:p> - 1767 : Lettres d’Adélaïde de Dammartin, comtesse de Sancerre, à M. le Comte de Nancé son ami, Paris, Humblot -- éd. Marijn S. Kaplan, Paris, Indigo et Côté-femmes, 2005. o:p> /o:p> - 1769 : Nouveau Théâtre Anglois: The Foundling, ou l’Enfant Trouvé (comédie en 5 actes), The Deuce is dans him, ou il est possédé (comédie en 2 actes); False Delicacy, ou La Fausse Délicatesse (comédie en 5 actes), The Jealous Wife, ou La Femme Jalouse (comédie en 5 actes), Les Caquets, (comédie en 3 actes), Paris, Humblot. o:p> /o:p> - 1772 : Lettres d’Élisabeth-Sophie de Vallière, à Louise Hortence de Canteleu, son amie, Paris, Humblot, 2 vol. -- éd. Pascale Bolognini-Centène, Paris, Desjonquères, 2005. o:p> /o:p> - 1777 : Lettres de Milord Rivers à Sir Charles Cardigan entremêlées d’une partie de ses correspondances à Londres pendant son séjour en France, Paris, Humblot, 2 vol. -- éd. Olga B. Cragg, Genève, Droz, 1992. o:p> /o:p> - 1779-1780 : Histoire des amours de Gertrude et de Roger, Histoire d’Enguerrand ou Rencontre dans la forêt des Ardennes, Histoire d’Aloïse de Livarot, Histoire de Christine, reine de Suabe, dans Bibliothèque Universelle des Romans, Paris, sn -- Trois Nouvelles amoureuses et chevaleresques, Mme Riccoboni, éd. Pascale Bolognini-Centène, Reims, Presses Universitaires de Reims, «Mémoire des Lettres», 2005. o:p> /o:p> - 1785 : «Lettre de Madame la Marquise d’A*** à sa Soeur», Mercure de France, Paris, p.53-67. o:p> /o:p> - 1786 : «Histoire de deux jeunes amies», Mercure de France, Paris, 1er avril 1786, p.5-42 et 8 avril 1786, p.64-88. o:p> /o:p> - OEuvres de Mme Riccoboni, Paris, Brissot-Thivars, 1826, 9 vol. o:p> /o:p> - Mme Riccoboni’s Letters to David Hume, David Garrick and sir Robert Liston, 1764-1783, éd. James C. Nicholls, Oxford, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1976. o:p> /o:p> - «Correspondance entre Mme Riccoboni et M. de Laclos», avril 1782, dans Choderlos de Laclos, OEuvres Complètes, éd. Laurent Versini, Paris, Gallimard, «La Pléiade», 1979, p.757-768.

Choix bibliographique

- Cazenobe, Colette, Au malheur des dames. Le roman féminin au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2006.
- o:p> /o:p>Charrier-Vozel, Marianne, «L’Écriture épistolaire de Mme Riccoboni. Les jeux de l’amour et de l’amitié», thèse de Doctorat Nouveau Régime, Université de Limoges, 1996.
- o:p> /o:p>Herman, J., Peeters K. et P. Pelckmans, Mme Riccoboni, romancière, épistolière, traductrice, Actes du colloque international Leuven-Antwerpen, 18-20 mai 2006, Louvain, Peeters, «La République des Lettres», 34, 2007.
- o:p> /o:p>Piau-Gillot, Colette, «L’écriture féminine? À propos de Marie-Jeanne Riccoboni», Dix-huitième Siècle, 16, 1984, p.369-385.
- o:p> /o:p>Wolfgang, Aurora, Gender and Voice in the French Novel, 1730-1782, Aldershot, Ashgate, 1993.

Jugements

- «Cette éloquente traduction est l’ouvrage d’une dame. Nous l’invitons à continuer. La cause de son sexe est en bonne main.» (Jean-François de La Harpe, Le Mercure de France dédié au Roi, LXXII, janvier 1757, article I -- Genève, Slatkine Reprints, 1970, p.10) - «Fanny n’éprouve ni douleur, ni combat; elle ne ressent aucun de ces mouvements qui déchirent un coeur combattu par la raison, la décence et l’amour. Elle se livre sans retenue à toute la vivacité de sa passion.» (Élie Fréron, Année littéraire ou Suite des lettres sur quelques écrits de ce temps, Amsterdam/Paris, M. Lambert, Lacombe, Delalain, Le Jay, IV, 1757, lettre III -- Genève, Slatkine Reprints, 1966, p.469) o:p> /o:p> - «“Ah! oui, les hommes ont de ces oublis; leur coeur et leurs sens peuvent agir séparément; ils le prétendent au moins...” Cette réflexion est juste, naturelle et bien placée sous la plume d’une femme, si c’en est une en effet à qui nous devons ces agréables lettres. L’auteur, quel qu’il soit, ne doit pas craindre de les avouer; le ton est toujours noble et décent, et cet ouvrage fait honneur à son âme autant qu’à son esprit: on ne peut que l’exhorter à mériter de nouveaux succès par des compositions aussi estimables.» (Louis de Boissy et Jean-François Marmontel, Le Mercure de France dédié au Roi, LXXVI, janvier-juin 1759 -- Genève, Slatkine Reprints, 1970, p.86) o:p> /o:p> - «Depuis que Mme Riccoboni a quitté le théâtre, elle s’est mise à écrire des petits romans qui l’ont rendue célèbre. L’art de narrer avec beaucoup de concision et de rapidité, celui de semer dans son récit des réflexions fines et justes, beaucoup de finesse et de grâce dans le style, et un ton très distingué: voilà les principales qualités de la plume de Mme Riccoboni.» (Friedrich Melchior Grimm, Denis Diderot, Guillaume-Thomas Raynal et Meister, Correspondance littéraire, philosophique et critique adressée à un souverain d’Allemagne depuis 1753 jusqu’en 1790, 15 juin 1764 -- éd. Maurice Tourneux, Paris, Garnier Frères, 1878, t.VI, p.20) o:p> /o:p> - «[C]’est aux femmes seules qu’appartient cette sensibilité précieuse, cette imagination facile et riante qui embellit tout ce qu’elles touchent, et crée les objets tels qu’ils devraient être; mais [...] les hommes condamnés à un travail plus sévère, ont toujours suffisamment bien fait quand ils ont rendu la nature avec exactitude et fidélité.» (Choderlos de Laclos, «Correspondance entre Mme Riccoboni et M. de Laclos», avril 1782, dans Choderlos de Laclos, OEuvres complètes, voir supra, Oeuvres, p.759)

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