Antoinette d'Orléans-Longueville

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Antoinette d'Orléans-Longueville
Titre(s) Marquise de Belle-Isle
Conjoint(s) Charles de Gondi, marquis de Belle-Isle
Dénomination(s) Mère Antoinette de Sainte-Scholastique
Biographie
Date de naissance 1572
Date de décès 1618
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)


Notice de Micheline Cuénin, 2004.

Antoinette d'Orléans (Trie 1572, Poitiers 24 avril1618) est la troisième fille de Léonor d'Orléans, duc de Longueville (1540-1571), prince du sang, gouverneur de Picardie et Normandie, et de Marie de Bourbon, cousine germaine du père de Henri IV. Destinée à une illustre fortune, préférée pour sa beauté à ses soeurs aînées, elle est conduite encore enfant à la cour des Valois auprès d'Henriette de Clèves, duchesse de Gonzague et Nevers; elle acquiert dans ce milieu hautement cultivé mais fort libre une aversion du monde et un appétit passionné de spiritualité. À seize ans, Catherine de Médicis, dont elle est fille d'honneur, lui fait épouser (Trie, contrat du 6 sept. 1587) Charles de Gondi, titré marquis de Belle-Isle pour l'occasion, fils aîné de son favori, Albert de Gondi, duc de Retz du chef de sa femme, mais issu d'une famille de banquiers florentins n'ayant jamais porté l'épée. Marie de Bourbon sauve son honneur en déshéritant sa fille, mais les Gondi emplissent la corbeille de mariage. Les troubles de la Ligue et l'assassinat des Guise à Blois, suivis de la mort de la reine mère, conduisent les Gondi père et fils dans leurs terres de Basse-Bretagne et du Poitou, afin de les protéger. La marquise gagne avec son époux le château de Machecoul, où elle met au monde deux fils dont seul l'aîné, Henri, futur duc de Retz, survivra. À ce moment même, la Bretagne passe majoritairement à la Ligue, sous l'autorité de son gouverneur, le duc de Mercoeur, mais lorsque le sort tourne en faveur de Henri IV, Charles de Gondi est assassiné par les occupants du Mont-Saint-Michel (1596).
Veuve, Antoinette règle magistralement la succession du défunt, entre en possession des seigneuries normandes de son douaire et n'a plus qu'un but: obéir à l'impérieuse vocation religieuse refoulée lors de son mariage, oublier sa naissance et toute grandeur («le monde est une prison», dira-t-elle) pour s'anéantir dans un monastère réformé. Les guerres civiles françaises ayant toutefois fait prendre près de quarante ans de retard à la réforme tridentine, seules les Clarisses, parmi les ordres féminins, sont restées fidèles à leur règle, mais elles ne recrutent pas de veuves. Antoinette songe à passer en Espagne dans l'une des maisons de Thérèse d'Avila, lorsqu'elle apprend l'existence d'un jeune monastère, refuge de nobles veuves et orphelines de guerre, dirigé par les religieux cisterciens réformés de l'abbaye de Feuillants, près de Toulouse. Elle parvient à vaincre les réticences de ces dames face à cette postulante embarrassante, et s'enfuit de Paris pour les rejoindre. Aussitôt, les Gondi et les Bourbons se liguent pour tenter de la faire sortir et même de l'enlever, mais elle en appelle à Clément VIII qui la protège fermement jusqu'à sa mort, en 1605. Elle doit ensuite faire face à Paul V qui se laisse circonvenir par sa famille en vue de faire d'elle l'abbesse de Fontevraud (après sa grand-tante Éléonore de Bourbon) et de ramener le monastère chef-d'ordre à sa règle antérieure. Antoinette, lucide et sans espérance, retrouve à Fontevraud tout ce qu'elle avait voulu fuir, en plus de l'hostilité des religieuses. Après dix mortelles années de résistance et d'efforts, elle obtient de Paul V, en 1611, de pouvoir démissionner du siège abbatial et d'installer la stricte observance bénédictine dans l'un des prieurés dépendant de l'abbaye de Fontevraud, Lencloître en Poitou. Les postulantes affluent, au point de susciter au bout de trois ans une véritable persécution de la part de l'abbesse qui lui succède. Antoinette se voit bientôt contrainte de s'échapper à Poitiers avec vingt-quatre compagnes acquises à sa réforme. Elle est soutenue par l'évêque, M. de La Roche-Posay, et par trois brefs de Paul V (26 avril 1617), qui autorisent plusieurs fondations sous la direction des Feuillants. Une forme de saturnisme l'emporte cependant le 25 avril 1618, en même temps que quatre autres religieuses. À la mort de Paul V (28 janv. 1621), protecteur de ces futures Feuillantines, le célèbre P. Joseph réussit à faire ériger leurs deux premières maisons en congrégation indépendante (bulle de Grégoire XV du 22.3.1621), à laquelle il donne le nom de Calvaire, détournant ainsi les intentions de leur fondatrice.
Bien qu'Hilarion de Coste lui ait consacré une longue notice, le souvenir d'Antoinette d'Orléans a été étouffé par le Père Joseph (1577-1638), qui s'est attribué la fondation de la Congrégation de Calvaire. Sa réhabilitation, modeste, date des années 1930.

Oeuvres

- Correspondance : elle fut abondante, mais il n'en demeure que des traces. À Madame la duchesse de Nevers (23.08.1587, autographe), inédite (BNF); à Madame la Prieure des Feuillantines de Toulouse (20.09.1598), au pape Clément VIII (16.11.1599), avec sa réponse (27.01.1600), au pape Paul V (03.1608), in Vie de la Mère Antoinette d'Orléans [manuscrit rédigé entre 1641 et 1656 par «un Feuillant anonyme», en fait Dom Lherminier]. Édition critique, notes et annexes par l'abbé Pierre Petit, Paris, Haton, 1880, p.107-108, 204.

Choix bibliographique

- P. Anselme de Sainte-Marie. Histoire généalogique de la maison de France (notice). Paris, E. Loyson, 1674, t.1.
- Corbinelli, Jean. Histoire généalogique de la maison de Gondi (notice). Paris, J. B. Coignard, 1705, t.1, p.247-250.
- Cuénin, Micheline. Antoinette d'Orléans, princesse et fondatrice. Bouzy-la-Forêt, Monastère des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire, 2003.
- Madame Antoinette d'Orléans-Longueville, fondatrice de la Congrégation des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire, par une moniale de la même congrégation, Poitiers, 1932
- Vie de la Mère Antoinette d'Orléans..., voir supra.

Jugements

- [déplore, au milieu d'éloges hagiographiques, son] « inclination opiniâtre, s'il faut ainsi dire, de retourner au lieu de sa profession» (le «Feuillant anonyme», Vie de la Mère Antoinette d'Orléans..., voir supra, p.429).
- «[cette] très noble et très grande princesse, douée de beauté, de richesse et de tous les dons de la nature et de la fortune, méprisant tout pour le Christ, embrassa l'institut de Cîteaux dans la très austère Congrégation des Feuillants où, persévérant très saintement, elle institua la Congrégation de Notre-Dame du Calvaire sous la règle de saint Benoît...» (Dom Jean-Chrysostome Henriquez, Menologium Cisteriense [fin XVIIe-début XVIIIe siècles], cité in Vie de la Mère Antoinette d'Orléans..., voir supra, p.335, n.4).
- «Le luxe, le faste et la vanité qui font ordinairement leur séjour dans les palais et à la suite des Grands n'érigèrent jamais leurs trophées dans le coeur de cette amazone chrétienne» (J. Corbinelli, Histoire généalogique..., voir supra).
- «Elle ne fut fondatrice que du monastère de Poitiers où elle reprit l'habit de Feuillantine et en pratiqua les exercices; ce ne fut qu'après sa mort que s'y forma l'ordre du Calvaire; enfin elle voulut être inhumée aux Feuillantines de Toulouse [...]. Cette mère a voulu quitter ses filles...» (P. H. Hélyot, Histoire des ordres religieux, Paris, Gosselin, 1714-1718, t.V, chap.47).

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