Suzanne de Nervèze
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Suzanne de Nervèze | ||
Dénomination(s) | «Némésis» «Nérésie» | |
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Biographie | ||
Date de naissance | Après 1600 | |
Date de décès | 1666 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Notice de Diane Desrosiers-Bonin, 2005.
Suzanne de Nervèze figure parmi les Précieuses du siècle classique sous les pseudonymes de Némésis et Nérésie. On sait très peu de choses à son sujet, outre le fait qu'elle fut active de 1636 à 1662. On ignore l'année de sa naissance et on ne connaît pas l'identité de ses parents. Elle est probablement la fille du poète Antoine de Nervèze, secrétaire de la chambre du roi Henri IV et personnage fort en vue dans l'entourage royal jusqu'à sa mort en 1622. Certains suggèrent aussi qu'elle serait sa nièce ou sa soeur. Si ce lien de parenté est attesté, Suzanne de Nervèze marcherait sur les traces de ce gentilhomme de province, considéré comme un catholique convaincu au service du pouvoir royal. De plus, comme son parent, elle est originaire du Languedoc, mais il semble qu'elle réside à Paris au moment où ses textes paraissent.
En dépit du silence qui l'entoure, Suzanne de Nervèze a une production scripturaire relativement importante, surtout constituée de courtes pièces de circonstance. Celles-ci sont rédigées principalement au cours de la Fronde et publiées sous forme de plaquettes individuelles comportant pour la plupart moins d'une dizaine de pages. Exception faite d'un petit roman intitulé La Nouvelle Armide, elle n'a pas composé à proprement parler de récits de fiction. Quoique les écrits politiques forment la majeure partie de son oeuvre qui compte plus d'une trentaine de textes, Suzanne de Nervèze pratique des genres rhétoriques diversifiés: discours encomiastique, épître exhortatoire, lettre de consolation, etc. Protégée du cardinal Mazarin qui lui verse régulièrement de modestes subsides, elle semble toutefois avoir vécu dans une grande misère. Elle paraît aussi être restée célibataire jusqu'à la fin de sa vie, comme le suggèrent les commentaires des chroniqueurs de l'époque. Elle meurt, apparemment sans descendant, entre le 16 janvier et le 21 février 1666.
Malgré l'importance, à tout le moins quantitative, de ses écrits, Suzanne de Nervèze a été le plus souvent ignorée de ses contemporains autant qu'elle l'a été par les commentateurs modernes. Ainsi, son nom n'apparaît ni parmi les dames illustres de Jacquette Guillaume ni dans les Éloges de Marguerite Buffet. Elle ne figure pas non plus dans La Gallerie des femmes fortes de Pierre Le Moyne. Encore au XIXe siècle, elle brille par son absence dans le répertoire pourtant très complet de Fortunée Briquet. Et les nombreux dictionnaires modernes consacrés aux femmes de lettres ne comportent aucune entrée à son nom. De toute évidence, Suzanne de Nervèze n'a pas été retenue par la postérité comme une figure notoire des cercles savants du siècle classique. Au XXe siècle, sa brève «Apologie en faveur des femmes» a toutefois suscité l'intérêt des commentateurs, de plus en plus nombreux à s'intéresser à la Querelle des femmes et aux revendications féminines. Il s'agit du seul écrit de l'auteure à avoir été réédité depuis le XVIIe siècle; il prend place dans l'anthologie de textes féminins inédits des XVIe et XVIIe siècles réunis par Colette H. Winn sous le titre Protestations et revendications féminines. D'ailleurs, les seules notices d'importance relatives à Suzanne de Nervèze se trouvent dans cet ouvrage ainsi que dans Les Muses guerrières d'Hubert Carrier.
Oeuvres
- ? : La France dans le plus haut point de son bonheur, sa Magnificence & sa Gloire, à Monseigneur le Tres-Eminentissime Prince Cardinal duc, s.l.n.d., 4 p.
- ? : La Stoicité chrestienne sur la souffrance des incommoditez de la vie. À Monseigneur, Monseigneur l'illustrissime & reverendissime Evesque d'Alby, s.l.s.n.s.d, 4 p.
- 1636 : Les Grandeurs d'Astrée, avec ces charmes & ces graces, à Monseigneur Seguier, Chancelier & Garde des Sceaux de France, s.l.n.d., 4 p.
- 1642 : «Apologie en faveur des femmes», in OEuvres spirituelles et morales, Paris, Jean Paslé, p.83-92 -- Éd. Colette H. Winn, Protestations et revendications féminines... voir infra, «choix bibliographique», p.61-66.
- 1644 : Le resonnement chrestien sur les vertus cardinales. Dedié à Msgr le Cardinal Mazarin par Mademoiselle de Nerveze, Paris, Jean Paslé, 28 p.
- 1644 : Les genereux mouvemens d'une dame heroïque & pieuse, Paris, Jean Paslé, 48 p.
- 1644 : Les delices de la vie solitaire, Paris, Jean Paslé, 23 p.
- 1645 : La nouvelle Armide, dediée au Roy. Par Mademoiselle de Nerveze, Paris, Jean Paslé, 76 p.
- 1645 : Dialogue d'un courtisan avec un gentil-homme champestre, Paris, Jean Paslé, 55 p.
- 1645 : La gloire francoise triomphante par les armes de Monseigneur le Duc d'Orléans, Oncle unique de Sa Majesté ; Avec la joye publique sur la prise de Graveline, & l'heureux retour de Son Altesse royale, s.l.s.n., 1 p.
- 1647 : Les sentimens du sage mondain, avec un recueil des meditations et des lettres. Dediés à Monseigneur d'Hemery, Paris, P. Rocolet, 85 p.
- 1648 : La sainte et louable joye des curs fideles à la Reine Regente, Sur le tres-digne sujet de celles que Sa Majesté a visiblement recuës de la vraye parfaite source des joyes infinies, Paris, Jean Paslé, 24 p.
- 1649 : Lettre d'une religieuse presentee au Roy et a la Reine regente le premier Fevrier 1649. pour obtenir la Paix, Paris, Guillaume Sassier, 7 p.
- 1649 : Lettre d'une bourgeoise de la parroisse S. Eustache presentée A Mademoiselle suppliant Son Altesse de vouloir agir pour la paix du royaume, Paris, Guillaume Sassier, 12 p.
- 1649 : Discours heroique, presente à la Reine regente. Pour la Paix, Paris, Guillaume et Jean-Baptiste Loyson, 8 p.
- 1649 : Lettre de consolation à la Reine d'Angleterre sur la mort du Roy son mary [Charles 1er]. Et ses dernieres paroles, Paris, Guillaume Sassier, 8 p.
- 1649 : La Monarchie affligee, Avec ses Consolations Politiques & Chrestiennes. A Monseigneur le Prince de Conty, Paris, Robert Sara, 7 p.
- 1649 : Le plus heureux jour de l'annee, par le retour de Leurs Majestés dans leur bonne ville de Paris, A Monseigneur l'Eminentissime Cardinal Mazarin, Paris, Guillaume Sassier, 8 p.
- 1649 : Discours Panegerique a Monseigneur le duc d'Orleans, Paris, Jean Petrinal, 7 p.
- 1649 : Lettre de consolation à Monseigneur le duc de Vantadour [...] Sur la mort de Monseigneur le Duc de Vantadour, son Frere [...], Paris, Guillaume Sassier, 6 p.
- 1649 : Le lys royal, arrouse par les larmes de joye des fidelles François. Et l'explication des Armes de France, Paris, Guillaume Sassier, 7 p.
- 1649 : Le Panegyrique royal. Presenté à leurs Majestés à Compiègne. le 14 juillet 1649, Paris, Guillaume Sassier, 8 p.
- 1649 : La Reception du Roy d'Angleterre [Charles II] à Sainct Germain en Laye, et les souhaits des François pour son établissement dans son Royaume, Paris, Guillaume Sassier, 8 p.
- 1649 : Le Te Deum des dames de la Cour et de la Ville en actions des graces de la paix, & l'heureuse arrivée de leurs Majestés dans leur bonne Ville de Paris, presentée à la Reyne par Mademoiselle de Nervese, Paris, Jean Brunet, 8 p.
- 1649 : Le rieur de la cour aux boufons, Satiriques, Flateurs à gages, & Compteurs de nouvelles, Paris, Jean Brunet, 32 p.
- 1650 : La France triomphante. sur tous les estats & Empires du monde. A Madame la Princesse Palatine, s.l.n.d., 6 p.
- 1650? : La France triomphante, Sur tous les Estats & Empires du monde, par les
puissants effets d'une tres-prudente & tres-heroïque direction. A son Eminence, s.l.n.d., 7 p.
- 1650 : Les souhaits accomplis, Par le tres-heureux & triomphant Retour de tres-haut & puissant Seigneur, Charles de Laubespine Marquis de Chasteau-neuf [...], Paris, Louis Sevestre, 8 p.
- 1650 : La justice en credit, la Noblesse satisfaicte, & et le tiers Estat en attente fidele & zelée sur la nouvelle promotion de monseigneur de Maison, president au mortier, & sur-intendant des finances, Paris, s.n., 6 p.
- 1651? : A Monseigneur le Premier Président garde de sceaux de France, s.l.n.d., 2 p.
- 1652 : Mars et Minerve agissant à l'honneur du diadème Royal, par les tres-hauts exploits de son Eminence [le cardinal Mazarin], s.l.n.d., 3 p.
- 1654 : Continuation des Veritez historiques, à son Eminence [le cardinal Mazarin]. Avec l'explication de ses armes. A son retour de la celebre Campagne de l'Année 1654, Paris, Jean Paslé, 8 p.
- 1654 : Au Roy, sur l'auguste sacre & Couronnement de sa Majesté, s.l.n.d., 5 p.
- 1654 : Le Te Deum francois sur le sacre et couronnement du roi Louis XIV, Paris, s.n., 8 p.
- 1660 : La Chasse royale. A la Reine, Paris, Guillaume Sassier, 30 p.
- 1662 : Pensées chrestiennes et morales, dediées à Monsieur, frère du Roy, par Mlle de Nerveze, Paris, René Mazuel, 120 p.
Choix bibliographique
- Carrier, Hubert. Les Muses guerrières. Les Mazarinades et la vie littéraire au milieu du XVIIe siècle : courants, genres, culture populaire et savante à l'époque de la Fronde, Paris, Klincksieck, 1996, p.246-250.
- Desrosiers-Bonin, Diane. «Ethè féminins et finalités rhétoriques dans quelques lettres de Susanne de Nervèze», in Claude La Charité (dir.), La Rhétorique épistolaire sous l'Ancien Régime: de la théorie aux pratiques. Québec, Presses de l'Université Laval, à paraître.
- Desrosiers-Bonin, Diane. «Le Masque du Rieur de cour de Suzanne de Nervèze», Tangence, numéro «Masques et figures du sujet féminin aux XVIe et XVIIe siècles», Claude La Charité (dir.), à paraître.
- Winn, Colette H. «Susanne de Nervèse», in Protestations et revendications féminines. Textes oubliés et inédits sur l'éducation féminine (XVIe-XVIIe siècles). Paris, Champion, 2002, p.61.
Jugements
- «J'estime mesme que Nerveze,
Qui n'est pas des plus à son aize,
Quoy qu'elle ait de moy pension,
Tesmoigneroit sa passion
Contre moy que personne n'aime.» (Mazarin portant la hotte, s.l.s.n., 1649, p.7, cité par Hubert Carrier, Les Muses guerrières. Les Mazarinades et la vie littéraire au milieu du XVIIe siècle: courants, genres, culture populaire et savante à l'époque de la Fronde, Paris, Klincksieck, 1996, p.247).
- «Et toy, Nerveze Damoiselle
Qui te vante d'estre pucelle,
Quoy qu'aussi vieille que Gourné,
As-tu chez toy un bon disné?
Dis-moy de grace si ta prose
T'a jadis donné quelque chose!» (La Fourberie descouverte, s.l.s.n., 1650, p.5, cité par H. Carrier, Les Muses guerrières, voir supra, p.246-247).
- «Item, des Panegiriques de son Eminence en grands volumes par une Damoiselle qui n'a pas beaucoup de pain cuit, & qui a fait voeu d'instituer en ce Royaume un College de Vestalles, qui chanteront jour & nuict quelque ballade de Marot en faveur du bonnet rouge, & qui composeront des Eloges du stile de Nervese, quoy que ce stile ne soit plus de saison» (La Prise du bagage, meubles et cabinet de Mazarin, Paris, Antoine Duhamel, 1652, p.7-8, cité par Célestin Moreau, Bibliographie des mazarinades [Paris, Jules Renouard, 1850-1851], New York, Johnson Reprint, 1965, p.330).
- «J'aurois bien, dès le jour de Mars,
Donné ces vers fort peu gaillars;
Mais la divine de Nervèze,
A dame Pallas n'en déplaise,
Savante plus qu'elle cent fois,
A, depuis des jours plus de trois,
Tenu la presse Lesseline
Sur maint ouvrage d'oeuvre fine,
Qui doit être présenté
A l'une et l'autre Majesté» (21e Épître burlesque, 1655, cité C. Moreau, Bibliographie des mazarinades, voir supra, p.331).
- «NERESIE. Quand Neresie ne seroit pas dans ce Dictionnaire, chacun scayt assez qu'elle est veritable pretieuse» (Antoine Baudeau, sieur de Somaize, Le Dictionnaire des pretieuses, tome I, Paris, P. Jannet, 1661, p.174).
- «Celinte en mesme temps, Nemesis, Polenie,
L'illustre Chrysolis, l'aimable Virginie,
Berenice, Cleon, la fiere Toxaris,
L'admirable Gisalde, & la sage Amestris,
Belinde, Dynamise, Hesione, Charite,
Toutes d'un grand Esprit, toutes d'un grand mérite,
Par des écrits charmans, & par mille bienfaits
Obtiendront un honneur qui ne mourra jamais.
[...] Nemesis, Mademoiselle de Nervese. Elle s'est fait remarquer par tant de beaux écrits, qu'il seroit inutile de vouloir adjouster quelque chose à sa loüange.» (Jean de La Forge, Le Cercle des femmes sçavantes, Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1663, p. 11 et Dii).
- «Certes, Mort, tu n'as pas bien fait
D'avoir outrepercé d'un trait
Le coeur d'une vieille Pucelle
Et d'une docte Demoizelle.
Faut-il que tu n'épargne pas
Une Compagne de Pallas?
C'est Mademoizelle Nervéze,
Que je marque sans parantéze,
Dont les vertus & les Ecrits
Sont assez conus à Paris
Pour avoir mérité la gloire
D'être gravée en nôtre Histoire» (La Gravette de Mayolas, «Lettre en vers à Son Altesse Madame la duchesse de Nemours» [datée du 21 février 1666], dans La Muse historique. Les Continuateurs de Loret. Lettres en vers de La Gravette de Mayolas, Robinet, Boursault, Perdou de Subligny, Laurent et autres (1665-1689). Supplément, tome premier (mai 1665-juin 1666), James de Rothschild (éd.), Paris, Damascène Morgand et Charles Fatout, 1881, p.96).
- «Mais, à propos de Dame Parque,
Elle a mis dans la noire Barque
Un grand CARDINAL FERRAROIS [Giacomo Corrado].
Le seize de précédant Mois,
Et, par ce coup, la Sacrilége
Rend vacant au Sacré Collége,
Ce dit-on, un Troisiéme Lieu,
Mais je n'y prétends rien, parbleu.
Elle a, sans nulle syndérése,
Occis aussi DAME NERVÈSE,
Si que nervésien Discours
Nule part n'aura plus de cours» (Charles Robinet, «Lettre en vers à Madame» [datée du 21 février 1666], dans La Muse historique, voir supra, p.712-713).