Pernette Du Guillet

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Pernette Du Guillet
Biographie
Date de naissance Vers 1520
Date de décès 1545
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Élise Rajchenbach, 2007

Bien peu de choses nous sont parvenues de Pernette du Guillet. On estime qu’elle est née vers 1520, et les épitaphes qui figurent à la fin des Rymes fixent la date de sa mort au 17 juillet 1545. Les seuls renseignements biographiques disponibles demeurent ceux fournis par l’éditeur Antoine Du Moulin dans l’épître «Aux Dames Lyonnoises» qui inaugure le recueil posthume de ses Rymes. Il y évoque une «vertueuse, gentile, et toute spirituelle» dame, emportée trop tôt par la mort, qui alliait esprit et culture. Elle «avoit [...] entiere et familiere congnoissance des plus louables vulgaires [langages vernaculaires] (oultre le sien) comme du Thuscan [Toscan], et Castillan», maîtrisait le latin et apprenait le grec. Ses Rymes auraient paru à la demande du mari endeuillé, qui se serait adressé à Du Moulin pour mettre au jour des «brouillars» trouvés, toujours si l’on en croit l’épître, au fond d’un tiroir. Ce peu de renseignements ne remet cependant pas en cause l’existence de Pernette Du Guillet: le débat actuel sur Louise Labé ne doit pas faire oublier que les conditions de publication des deux poétesses diffèrent largement.

Quelques-uns de ses poèmes ont paru de son vivant: il s’agit de quatre pièces qui ont été mises en musique par les soins de Pierre de Villiers, Gabriel Coste, François de Lys ainsi qu’un certain Quentin, et publiées en 1540 et 1541. Le recueil des Rymes de gentile et vertueuse dame D. Pernette Du Guillet Lyonnoise est paru quant à lui à Lyon en 1545 chez l’imprimeur Jean de Tournes. Il s’ouvre sur un huitain de «L’imprimeur au lecteur», qui précède l’épître d’Antoine Du Moulin «Aux Dames Lyonnoises», datée du 14 août 1545. Il s’achève sur les cinq «Epitaphes de la gentile et spirituelle Dame Pernette Du Guillet, dicte Cousine […]», attribuées à Maurice Scève et à Jean de Vauzelles, prieur de Montrotier. Le recueil est composé de soixante-dix poèmes, pour l’essentiel des épigrammes auxquelles s’adjoignent quelques chansons (dont le fameux «Amour avecque Psichée», tant décrié par Du Bellay), une épître marotique et quelques autres pièces dont l’identification générique demeure malaisée. Pernette Du Guillet cultive ainsi la variété des genres et manifeste, dans ses chansons, une attention soutenue pour l’hétérométrie et la musicalité. Le recueil présente enfin deux épigrammes italiennes ainsi que deux longues pièces traduites «du parangon italien» (ce «parangon», c’est-à-dire «modèle», également suivi par François Ier, n’a pas été identifié), ce qui confirme le portrait esquissé par Antoine Du Moulin d’une dame cultivée, versée dans les lettres italiennes.

Entre 1545 et 1552, les Rymes ont connu trois éditions et un aller-retour entre Lyon et Paris, avec des modifications de forme et l’ajout de quelques pièces, notamment la «Mommerie des cinq postes d’Amour», «Pour une anathomie» et l’épître marotique «A un sot rimeur, qui trop l’importunoit d’aimer», attribuées, semble-t-il, à la poétesse (édition Jean de Tournes, 1552). Une cinquième pièce des Rymes a été mise en musique par Jean Maillard, elle est parue en 1560. Ensuite, les Rymes ont cessé d’être publiées jusqu’au XIXe siècle.

On a beaucoup épilogué sur les relations de Maurice Scève et Pernette Du Guillet, identifiée par Joseph Buche au début du XXe siècle à la Délie chantée par le «prince de la Renaissance lyonnaise» (Delie, object de plus haulte vertu, 1544). La seule certitude demeure une relation littéraire entre les deux poètes, dont témoignent les anagrammes et les jeux de mots qui inscrivent le nom du poète dans trois épigrammes de Pernette Du Guillet. Le parallélisme appuyé de la pièce XIII des Rymes et du dizain CXXXVI de Délie a aussi parfois été lu comme la correction, par le maître, de quelque coup d’essai de l’élève appliquée. Le «petit amas de rymes» (Du Moulin) a ainsi longtemps fait les frais de ce statut de muse et d’écolière du grand Maurice Scève qu’on supposa longtemps à Pernette du Guillet. Un regard, au mieux indulgent, au pire sévère, a donc été porté sur le petit recueil d’«Epygrammes, Chansons, et autres matieres de divers lieux» (Du Moulin), qui ne commence à être réévalué que depuis un demi-siècle. La critique tend désormais à souligner comment la voix poétique des Rymes, malgré la proclamation récurrente d’humilité face à l’aimé poète, refuse de s’inscrire en écho à Délie et se déploie dans une mise à distance malicieuse des codes poétiques qui lui sont présentés: elle reprend ainsi, au féminin, un discours traditionnel fondé sur les stéréotypes masculins de la poésie précieuse et pétrarquiste.

Oeuvres

- 1540 : pièce LII, «Je n’oserois le penser veritable», mise en musique par Pierre de Villiers, et pièce LIII, «En lieu du bien, que deux souloient pretendre», mise en musique par Quentin ou François de Lys, in Second livre contenant xxvii chansons nouvelles à quatre parties en ung volume, Paris, P. Attaignant et H. Jullet, 1540 (publiées la même année in Le Parangon des chansons, sixiesme livre […], Lyon, J. Moderne, 1540).

- 1541 : pièce XII, «Le Corps ravy, l’ame s’en esmerveille», mise en musique par Gabriel Coste, et pièce XIV, «Le grand desir du plaisir admirable», mise en musique par François de Lys, in Le Parangon des chansons, neufvieme livre […], Lyon, J. Moderne, 1541.

- 1545-1552 : Rymes de gentile et vertueuse dame D. Pernette du Guillet, Lyonnoise, Lyon, Jean de Tournes, 1545 (édition Antoine du Moulin) -- Rymes, édition critique par Élise Rajchenbach, Genève, Droz, 2006.

CHOIX DISCOGRAPHIQUE

- Ensemble Doulce Mémoire, Jacques Moderne. Fricassées Lyonnaises, Astrée Audivis, 1995 (interprétation chantée des deux épigrammes de Pernette Du Guillet parues chez l’imprimeur de parties musicales lyonnais Jacques Moderne).

Choix bibliographique

- Charpentier, Françoise, «Projet poétique, travail poétique dans les Rymes de Pernette du Guillet. Autour de trois quatrains», dans Poétique et narration. Mélanges offerts à Guy Demerson, dir. François Marotin et Jacques-Philippe Saint-Gérand, Paris, Champion, 1993, p.143-155.

- Donaldson-Evans, Lance K., «The Taming of the muse. The female poetic voice in Pernette du Guillet’s Rymes», dans Pre-Pléiade poetry, dir. Jerry C. Nash, Lexington (Kentucky), French Forum Publ., 1985, p.84-96.

- Mathieu-Castellani, Gisèle,La Quenouille et la lyre, Paris, Corti, 1998.

- Saulnier, Verdun-Léon, «Étude sur Pernette du Guillet et ses Rymes», Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, iv, 1944, p.1-119.

- Winn, Colette H., «Le chant de la nouvelle née. Les Rymes de Pernette du Guillet», Poétique xx, 1989, p.207-217.

Jugements

- «L’autre dame estoit nommée Pernette Du Guillet, toute spirituelle, gentille, et treschaste, laquelle à vecu en grand renom de tout meslé scavoir, et s’est illustrée par doctes et eminentes poësies, pleines d’excellence de toutes graces. Elle trespassa de ce siecle en meilleure vie, l’an de salut mil cinq cent quarante cinq. Les Poëtes François celebrerent ses obseques.» (Guillaume Paradin, Mémoires de l’histoire de la ville de Lyon, Lyon, Gryphius, 1573, chap. XXIX, G4 vo)

- «Pernette du Guillet […] naquit en la ville de Lyon d’une noble famille. Quoiqu’elle soit morte fort jeune, si est-ce que parmi les doctes et les curieux sa reputation ne mourra jamais. [...] Avec la permission de ce beau sexe que j’adore, hormis deux ou trois petits poëmes traduits de l’italien et peu d’autres encore, ce que nous avons d’elle me semble si peu brillant et si peu hors du commun, que nous devons avoir plus de regret de ce que sa mort precipitée ne lui a pas permis de produire de meilleures choses, que de satisfaction dans la jouissance de celles qu’elle nous a laissées.» (Guillaume Colletet, Vies des poëtes français(v.1650), cité dans l’édition des Rymes par Louis Perrin, 1830)

- «Alors que Maurice Scève mêle aux spéculations les moins terrestres mille images cruellement objectives, et que Louise Labé s’attache à ses poèmes comme Vénus à ses proies, Pernette Du Guillet, réduisait doucement en ses vers la distance qui séparerait leur fond de leur forme, tend à appauvrir son vocabulaire, à l’exténuer, à l’abstraire. Il en résulte une oeuvre singulièrement décantée, malgré quelques bouillonnements diaprés de lie baroque, l’hymne d’un cœur spirituel dont nous souhaiterions qu’il fasse à nouveau rêver les cervelles humaines, car il compte parmi les réussites les plus rares de nos lettres féminines.» (Albert-Marie Schmidt, Poètes du xvie siècle, Paris, Gallimard, 1953)

- «[…] il importe de […] se poser la question de l’authenticité d’une écriture féminine lyonnaise, d’autant que pour Pernette Du Guillet également a été formulée l’hypothèse d’un pseudonyme, et que l’on a douté de l’existence de cette femme énigmatique. Et si Scève avait, sous le nom de Pernette Du Guillet, publié certains de ses propres brouillons et de certains de ses amis…» (Mireille Huchon, Louise Labé. Une créature de papier, Genève, Droz, 2006)

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