Clytemnestre : Différence entre versions
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Version du 16 octobre 2012 à 08:42
Clytemnestre | ||
Biographie | ||
Naissance | Époque de la Guerre de Troie | |
---|---|---|
Région d'origine | Mycènes ou Argos | |
Dénomination(s) | Clytemnestre Clitemnestre Klytemnestre Klytaimnestra | |
Conjoint(s) | Agamemnon puis Égisthe (amant) | |
Activités | ||
Domaines de notoriété | Personnage de théâtre antique | |
Sommaire
Sources antiques principales
Homère mentionne l’histoire de Clytemnestre dans la bouche de Zeus, mais c’est Égisthe qui semble alors le seul responsable de la séduction de Clytemnestre et du meurtre d'Agamemnon, et le seul qui en soit puni (Odyssée, I, 29-43). Plus loin, Nestor évoque les crimes d’Égisthe et la « divine Clytemnestre » qui, au début, repoussait son amant, avant d’accepter de le suivre dans sa maison (III, 254-312). Clytemnestre n’est pas mentionnée au sujet du meurtre, mais pour son inhumation aux côtés de son amant, en tant que « mère odieuse ». Enfin, dans un passage peut-être en grande partie interpolé, l’ombre d’Agamemnon fait à Ulysse le récit de sa mort, aux enfers ; il y donne un rôle plus important à Clytemnestre, la « maudite femme », la « chienne », et c’est l’occasion d’une diatribe antiféministe. Le personnage est beaucoup plus développé chez Eschyle (Agamemnon, mais aussi Choéphores et Euménides), chez Sophocle dans une version très sombre (Électre), et chez Euripide, dans une version plus ambiguë (Électre). Clytemnestre acquiert un rôle véritablement décisif, enfin, grâce à Sénèque (Agamemnon).
Article de Marie Saint-Martin (2012)
Fille de Tyndare et de Léda, sœur d’Hélène de Sparte et des Dioscures (Tyndarides), Clytemnestre est la mère d'Iphigénie, d'Oreste et d'Électre, et parfois, selon les sources, de Chrysothémis. Dès l’Antiquité, le personnage synthétise trois aspects importants pour sa réception : la femme virile qui tue son époux (surtout dans les textes grecs) ; l’adultère qui assume son amour ; la mère ambivalente. À l'origine, Clytemnestre – repoussoir de Pénélope dans l’Odyssée – est la femme adultère qui tue son époux, Agamemnon, pour vivre avec son amant, Égisthe. À ce titre, sa mort est considérée comme juste (Homère et Eschyle). L’acte reçoit deux explications : il s’agit de venger la mort de sa fille Iphigénie (tuée à Aulis par Agamemnon) et de punir un époux coupable de lui avoir préféré une captive, Cassandre. La figure de Clytemnestre est assombrie dans les versions ultérieures : sa motivation est désormais son amour pour Égisthe et elle tente d’exiler ou de tuer ses enfants. On trouve, dès l'origine, une réflexion sur la maternité : si Clytemnestre a voulu venger la mort de son premier enfant en tuant Agamemnon, elle se comporte en mère marâtre à l’égard de ses autres rejetons, qu’elle n’a pas nourris mais confiés à une nourrice (Euménides). On retient avant tout son impudeur, qui lui vaut le titre de « chienne », opposée à la chasteté de sa fille (Choéphores, 140). Sénèque montre en Clytemnestre une reine en proie au dilemme entre raison et passion : victime du furor amoureux, elle aimerait demeurer dans le droit chemin mais en est rendue incapable par son amour et par les machinations d’ Égisthe. Elle est l’incarnation de la femme dominée par ses passions.
À l'époque moderne, chez Jacques Ferrand, on trouve en Clytemnestre un exemple de « maniaque d’amour » : l’auteur estime que « nous voyons plus de femmes que d’hommes devenir furieuses », n’ayant « pu par la raison réfréner leurs amours effrénées » (J. Ferrand, De la maladie d’amour ou mélancolie érotique, 1610, ch. XVII, « Si l’amour des femmes est plus grand que celui des hommes, et qui est plus enclin à aimer », p. 106). Une telle Clytemnestre est reprise par François Le Duchat (1561), par Pierre Matthieu (1589), par Roland Brisset (1590), qui tous s’inspirent de Sénèque. C’est James Thomson (1738), repris par Vittorio Alfieri (1783), qui donne le tableau le plus fort du dilemme entre raison et passion et insiste sur la faiblesse de la reine, forcée malgré elle, par son amour, d’accepter les ordres de son amant.
Si Clytemnestre peut, comme chez ces dramaturges, inspirer la pitié, elle est également une figure de la femme fatale, dont la beauté paralyse son époux alors même qu’il connaît ses intentions, chez le "sieur Arnaud, provençal" par exemple (1642) : dans ce cas, c’est la parenté avec Hélène que l’on retient, et qui est régulièrement soulignée par Cassandre. Pour les moralistes, Clytemnestre est, comme sa sœur, la figure de la femme impudique.
Les reprises du XVIIIe siècle atténuent fortement l'indignité du comportement de Clytemnestre à l'égard de ses enfants et la réplique sanglante de ces derniers. Corneille réfléchit à une issue conforme à la sensibilité moderne dans son Discours de la tragédie, au sujet de sa Rodogune, car il n’est plus permis de tuer une mère, aussi terrible soit-elle (« C’est un fils qui venge son père, mais c’est sur sa mère qu’il le venge. Séleucus et Antiochus avaient droit d’en faire autant dans Rodogune ; mais je n’ai pas osé leur en donner la moindre pensée. »). Chez Voltaire, dans son Oreste, le rôle apparaît trop contraire aux mœurs modernes. Clytemnestre est désormais l’alliée de ses enfants contre la tyrannie d’Égisthe. Si elle meurt, ce n’est plus à la suite d’un choix délibéré de ses enfants, mais par un hasard malencontreux.
Selon Simone Bertière (Apologie pour Clytemnestre, 2006), Clytemnestre incarne le fantasme d’une société matriarcale dans laquelle les femmes pourraient transmettre le pouvoir à l’homme de leur choix (homme féminisé d'ailleurs : Égisthe se trouve taxé de femme par Électre).
Bibliographie sélective
Vernant, Jean-Pierre : « Hestia-Hermès. Sur l’expression religieuse de l’espace et du mouvement chez les Grecs », Mythe et pensée chez les Grecs, 1965, p. 155-201. Macewen, S. : « Oikos, polis and the question of Clytemnestra », dans Views of Clytemnestra, Ancient and Modern, sous la direction de Sally MacEwen, Lewiston, Queenston, Lampeter, The Edwin Mellen Press, 1990, p. 16-34 Winnington-Ingram, Arthur : « Clytemnestra and the vote of Athena », Journal of hellenic studies, 1948, p. 130-147