Marie Fel/Henri Lyonnet : Différence entre versions

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[80] Nous arrivons à parler de cette femme charmante, chanteuse exquise, qui s'appelait Marie Fel. Fille d'un organiste de Bordeaux, Marie Fel, née le 24 octobre 1713, avait reçu une solide éducation musicale qu'elle perfectionna encore à Paris, sous la direction de Madame Van Loo. «Le 29 octobre (1734), dit le Mercure, la demoiselle Feld (sic) qui n'avait jamais joué sur aucun théâtre, chanta pour la première fois sur celui de l'Opéra le rôle de Vénus, dans le prologue de Philomèle; le public l'a fort applaudie; elle a la voix douce et harmonieuse.» Son frère était choriste à l'Opéra.
Mademoiselle Fel n'était peut-être pas belle au sens absolu du mot. Bien mieux, elle avait pour elle la séduction, et il nous suffit de regarder le délicieux portrait que La Tour nous a laissé d'elle pourle comprendre. «Nommer Mademoiselle Fel, ont écrit les Goncourt dans leur étude sur le pastelliste La Tour, c'est expliquer le grand et long amour de l'artiste. Nous la retrouvons au Musée de Saint-Quentin: «tête étrange, imprévue et charmante, [81] qui semble dépaysée là, au milieu de cette galerie de femmes du XVIIIe siècle, avec son front pur, ses beaux sourcils, la langueur de ses grands yeux noirs veloutés de cils dans les coins, son nez grec, ses traits droits, sa bouche paresseuse, son ovale long, tout cet ensemble de physionomie exotique, si bien couronnée par cette coiffure, un mouchoir de gaze liseré d'or, chatouillant une tempe, et remontant sur le bouquet de fleurettes piqué à l'autre: on dirait une Levantine, rapportée d'Orient sur une page de l'album de Liotard; ou plutôt telle on rêverait l'Haydée de Don Juan.»
Bien qu'elle eût devant elle Mademoiselle Antier, Mademoiselle Pélissier et Mademoiselle Lemaure, Mademoiselle Fel remporta des succès éclatants non seulement à l'Opéra, mais aux concerts spirituels: elle créa tous les ouvrages nouveaux de Rameau; elle était la protagoniste indispensable de Jélyotte, le ténor, idole du moment. Pendant plus de vingt-cinq ans, cette voix charmante fera les délices du public, et cela, malgré une santé délicate qui l'obligeait souvent à suspendre son service. Retraitée en 1759, elle n'en continua pas moins à chanter au Concert spirituel. Peu de femmes jouissaient d'autant de sympathies dans toutes les classes de la société.
Casanova dans ses Mémoires, a raconté une visite fantaisiste qu'il aurait faite à «la Fel» -peut-être se trompe-t-il de nom- entourée d'enfants dont elle lui aurait désigné tous les pères. D'abord, on ne connut jamais d'enfant à Mademoiselle Fel. Elle eut une liaison avec Cahusac, le collaborateur de Rameau. Ce poète ombrageux, envieux, atrabilaire, mourut fou en 1759. Mais [82] elle était l'amie du pastelliste La Tour depuis 1754, et cette intime liaison dura trente ans, jusqu'au jour où l'artiste, âgé de 80 ans, -elle en avait alors 71- fut transporté chez son frère à Saint-Quentin. Cette séparation fut pénible, la «Céleste» ainsi que l'appelait La Tour, très considérée par la famille, continua à correspondre avec le frère, et lorsque La Tour mourut le 17 février 1788, il laissa à sa vieille amie tout ce qui lui appartenait. Grâce à des pièces d'Archives retrouvées par Monsieur Prod'homme, nous savons que cette estimable femme mourut entre le 15 et le 25 février 1794, laissant comme héritière une nièce qui vivait avec elle. Qui se souvenait en l'an II de la République de cette figure originale et exemplaire?

[Portrait:
- «Mlle Fel, de l'Opéra, par La Tour», pl.38, p.79]

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