Anne de La Roche-Guilhen : Différence entre versions

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La Roche-Guilhen s'est surtout consacrée au récit historique, le plus souvent sous la forme de contes moraux et dans les genres à la mode: traductions, romans et nouvelles. Après 1686, son oeuvre adopte un ton et une sensibilité davantage marqués par son appartenance à la cause huguenote. Tous ses écrits seront alors publiés à Amsterdam, carrefour intellectuel et culturel de l'Europe des pré-Lumières. La précarité économique et politique dans laquelle elle se trouve l'incite à se tourner vers les réseaux de publication mis en place par les expatriés huguenots et les libraires clandestins. Le parcours de cette oeuvre, écrite à Londres, imprimée en Hollande, diffusée clandestinement en France et ailleurs, nous retrace les principaux circuits d'échanges et d'influence de l'Europe huguenote. <br />
 
La Roche-Guilhen s'est surtout consacrée au récit historique, le plus souvent sous la forme de contes moraux et dans les genres à la mode: traductions, romans et nouvelles. Après 1686, son oeuvre adopte un ton et une sensibilité davantage marqués par son appartenance à la cause huguenote. Tous ses écrits seront alors publiés à Amsterdam, carrefour intellectuel et culturel de l'Europe des pré-Lumières. La précarité économique et politique dans laquelle elle se trouve l'incite à se tourner vers les réseaux de publication mis en place par les expatriés huguenots et les libraires clandestins. Le parcours de cette oeuvre, écrite à Londres, imprimée en Hollande, diffusée clandestinement en France et ailleurs, nous retrace les principaux circuits d'échanges et d'influence de l'Europe huguenote. <br />
  
Au sein d'un corpus important dont l'attribution est en partie incertaine, deux textes révèlent plus particulièrement l'importance de La Roche-Guilhen dans l'histoire littéraire. ''Rare-en-Tout'', l'unique pièce de théâtre qui nous soit parvenue, est un hommage aux tonalités européennes rendu à la culture française qui a dû ravir les coteries exilées à Londres. Quant à l'''Histoire des Favorites'' (1697), son plus grand succès témoigne de la portée de l'oeuvre littéraire de l'autrice: rédigé en français, publié d'abord à Amsterdam puis réédité au moins huit fois en vingt ans, traduit en anglais, en néerlandais et en russe, il a été saisi par les autorités françaises, republié sous de fausses adresses et intégré à des éditions semi pornographiques. Cette série de dix brefs contes (des éditions postérieures en ajouteront d'autres) est consacrée à des courtisanes célèbres à travers l'histoire. En dévoilant l'influence insoupçonnée de ces femmes sur de puissants souverains, l'autrice met en évidence le lien entre la grande politique des états-nations et les institutions locales qui aident à maîtriser la circulation des femmes (couvents, institutions caritatives, mariage). À travers sa manière d'aborder la problématique du déplacement à l'intérieur d'une société en crise et sa présentation d'une histoire qui dépasse les frontières, l'''Histoire des Favorites'' offre une destinée miroir de celle de La Roche-Guilhen, à la fois écrivaine, réfugiée et membre ordinaire de la République des Lettres.<br />
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Au sein d'un corpus important dont l'attribution est en partie incertaine, deux textes révèlent plus particulièrement l'importance de La Roche-Guilhen dans l'histoire littéraire. ''Rare-en-Tout'', l'unique pièce de théâtre qui nous soit parvenue, est un hommage aux tonalités européennes rendu à la culture française qui a dû ravir les coteries exilées à Londres. Quant à l'Histoire des Favorites(1697), son plus grand succès témoigne de la portée de l'oeuvre littéraire de l'autrice: rédigé en français, publié d'abord à Amsterdam puis réédité au moins huit fois en vingt ans, traduit en anglais, en néerlandais et en russe, il a été saisi par les autorités françaises, republié sous de fausses adresses et intégré à des éditions semi pornographiques. Cette série de dix brefs contes (des éditions postérieures en ajouteront d'autres) est consacrée à des courtisanes célèbres à travers l'histoire. En dévoilant l'influence insoupçonnée de ces femmes sur de puissants souverains, l'autrice met en évidence le lien entre la grande politique des états-nations et les institutions locales qui aident à maîtriser la circulation des femmes (couvents, institutions caritatives, mariage). À travers sa manière d'aborder la problématique du déplacement à l'intérieur d'une société en crise et sa présentation d'une histoire qui dépasse les frontières, l'Histoire des Favorites offre une destinée miroir de celle de La Roche-Guilhen, à la fois écrivaine, réfugiée et membre ordinaire de la République des Lettres.<br />
  
 
Jusqu'à peu, Anne de La Roche-Guilhen a été victime de deux phénomènes qui ont façonné les études littéraires de l'Ancien Régime: la relégation des femmes aux marges de l'histoire littéraire et l'exclusion quasi-totale des protestants. Elle n'a été mentionnée qu'en tant que demi-soeur littéraire de Mmes de Lafayette et Villedieu (avec qui on la confond fréquemment). Aujourd'hui, grâce aux études féministes et à un regain d'intérêt pour l'histoire du livre et de la culture huguenote, La Roche-Guilhen est reconnue comme emblème d'une génération d'écrivaines: leurs vies, marquées par les difficultés économiques, les scandales, la persécution religieuse et l'itinérance qui en découla, ont transformé, au fur et à mesure qu'elles se sont déplacées à travers l'Europe, les modèles de l'écriture en tant que mode de sociabilité. L'appréciation de son oeuvre oblige à employer des méthodes d'analyse littéraire qui privilégient et l'approche thématique des textes, et les conditions matérielles et sociologiques dans lesquelles ils ont été produits.
 
Jusqu'à peu, Anne de La Roche-Guilhen a été victime de deux phénomènes qui ont façonné les études littéraires de l'Ancien Régime: la relégation des femmes aux marges de l'histoire littéraire et l'exclusion quasi-totale des protestants. Elle n'a été mentionnée qu'en tant que demi-soeur littéraire de Mmes de Lafayette et Villedieu (avec qui on la confond fréquemment). Aujourd'hui, grâce aux études féministes et à un regain d'intérêt pour l'histoire du livre et de la culture huguenote, La Roche-Guilhen est reconnue comme emblème d'une génération d'écrivaines: leurs vies, marquées par les difficultés économiques, les scandales, la persécution religieuse et l'itinérance qui en découla, ont transformé, au fur et à mesure qu'elles se sont déplacées à travers l'Europe, les modèles de l'écriture en tant que mode de sociabilité. L'appréciation de son oeuvre oblige à employer des méthodes d'analyse littéraire qui privilégient et l'approche thématique des textes, et les conditions matérielles et sociologiques dans lesquelles ils ont été produits.
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- 1675 : ''Journal Amoureux d'Espagne'' (attribution incertaine). Suivant la copie imprimée à Paris. (édition clandestine) <br />
 
- 1675 : ''Journal Amoureux d'Espagne'' (attribution incertaine). Suivant la copie imprimée à Paris. (édition clandestine) <br />
 
- 1677? : ''Le Comte d'Essex'', Paris, Claude Barbin.<br />
 
- 1677? : ''Le Comte d'Essex'', Paris, Claude Barbin.<br />
- 1677 : ''Rare-en-Tout'' (comédie-ballet'','' 3 actes, vers), London, Bentley and Magnes. Théâtre royal de Whitehall (Londres), 29 mai 1677 -- Éd. Perry Gethner, ''Femmes dramaturges en France (1650-1750)..., ''voir ''infra'', choix bibliog. -- �d. Juliette Cherbuliez, dans ''Th��tre de femmes, XVIe-XVIIIe si�cles'', dir. A. Evain, P. Gethner &amp; H. Goldwyn, vol.2, Saint-�tienne, Publications de l'Universit�, 2008.<br />
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- 1677 : ''Rare-en-Tout'' (comédie-ballet'','' 3 actes, vers), London, Bentley and Magnes. Théâtre royal de Whitehall (Londres), 29 mai 1677 -- Éd. Perry Gethner, ''Femmes dramaturges en France (1650-1750)..., ''voir ''infra'', choix bibliog. -- éd. Juliette Cherbuliez, dans ''Théâtre de femmes, XVIe-XVIIIe siècles'', dir. A. Evain, P. Gethner &amp; H. Goldwyn, vol.2, Saint-Étienne, Publications de l'Université, 2008.<br />
 
- 1683 : ''Histoires des guerres civiles de Grenade,'' Paris, Barbin [traduction de Perez de Hita]. <br />
 
- 1683 : ''Histoires des guerres civiles de Grenade,'' Paris, Barbin [traduction de Perez de Hita]. <br />
 
- 1687 : ''Zamire'', La Haye, Troyel. <br />
 
- 1687 : ''Zamire'', La Haye, Troyel. <br />
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- Gethner, Perry, «Notice, ''Rare-en-Tout»'', in ''Femmes dramaturges'' ''en France (1650-1750).'' Pièces choisies. Paris, Seattle, Tübingen, Biblio 17/Papers on French Seventeenth Century Literature, 1993, p.129-136.''' <br />
 
- Gethner, Perry, «Notice, ''Rare-en-Tout»'', in ''Femmes dramaturges'' ''en France (1650-1750).'' Pièces choisies. Paris, Seattle, Tübingen, Biblio 17/Papers on French Seventeenth Century Literature, 1993, p.129-136.''' <br />
 
'''- Sanz, Amelia, «Déplacements sémantiques dans les traductions d'Anne de La Roche-Guilhem», in M. Ballard et L. D'Hulst (dir.), ''La Traduction en France à l'âge classique'', Lille, PUL, 1996, p.259-73.
 
'''- Sanz, Amelia, «Déplacements sémantiques dans les traductions d'Anne de La Roche-Guilhem», in M. Ballard et L. D'Hulst (dir.), ''La Traduction en France à l'âge classique'', Lille, PUL, 1996, p.259-73.
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== Jugements ==
 
== Jugements ==
- «On m'a dit qu'il y a un roman nouveau, intitulé ''La Citerie'' ou ''L'Asterie'', (je ne m'en souviens pas bien) dont le heros est le fameux Tamerlan. Je croi qu'il est de la façon de mademoiselle de La Roche, qui a composé l'''Arioviste'' autre roman. Cette demoiselle est de Rouen, de la religion, soeur d'un gentilhomme verrier, et a beaucoup d'esprit.» (Pierre Bayle à son frère Jacob Bayle, 29 juin 1675, in Elisabeth Labrousse ''et al''. (éd.), ''Correspondance'', Oxford, Voltaire Foundation, 2001, vol.2, p.212-213).<br />
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* «On m'a dit qu'il y a un roman nouveau, intitulé ''La Citerie'' ou ''L'Asterie'', (je ne m'en souviens pas bien) dont le heros est le fameux Tamerlan. Je croi qu'il est de la façon de mademoiselle de La Roche, qui a composé l'''Arioviste'' autre roman. Cette demoiselle est de Rouen, de la religion, soeur d'un gentilhomme verrier, et a beaucoup d'esprit.» (Pierre Bayle à son frère Jacob Bayle, 29 juin 1675, in Elisabeth Labrousse ''et al''. (éd.), ''Correspondance'', Oxford, Voltaire Foundation, 2001, vol.2, p.212-213).<br />
- (à propos des vers écrits par La Roche-Guihen suite à son échec amoureux auprès d'un ambassadeur) «Ce n'était pas faire un grand sacrifice à mademoiselle de Beurevel que de perdre mon jugement pour [son] amour... Celui de l'Ambassadeur était important, aussi le ménagea-t-il beaucoup mieux que je n'avais fait le mien, et vous allez voir qu'il le conserva aussi sain et aussi entier dans sa douleur que s'il avait été dans l'état le plus tranquille.... Je lui représentai la facilité qu'il aurait de satisfaire à ce que les vers de Mademoiselle de la Roche désiraient de son amour; ce n'était que de chercher à mourir, pour se donner la gloire des héros amoureux, et en même temps finir ses peines» (Saint-Évremond, lettre écrite de Londres à Mlle Beverweert [été 1677], in René Ternois (éd.), ''Lettres'', Paris, M. Didier/STFM, 1967, vol.1, p.307).<br />
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* (à propos des vers écrits par La Roche-Guihen suite à son échec amoureux auprès d'un ambassadeur) «Ce n'était pas faire un grand sacrifice à mademoiselle de Beurevel que de perdre mon jugement pour [son] amour... Celui de l'Ambassadeur était important, aussi le ménagea-t-il beaucoup mieux que je n'avais fait le mien, et vous allez voir qu'il le conserva aussi sain et aussi entier dans sa douleur que s'il avait été dans l'état le plus tranquille.... Je lui représentai la facilité qu'il aurait de satisfaire à ce que les vers de Mademoiselle de la Roche désiraient de son amour; ce n'était que de chercher à mourir, pour se donner la gloire des héros amoureux, et en même temps finir ses peines» (Saint-Évremond, lettre écrite de Londres à Mlle Beverweert [été 1677], in René Ternois (éd.), ''Lettres'', Paris, M. Didier/STFM, 1967, vol.1, p.307).<br />
- «Mercredi dernier, le soir de l'anniversaire de sa majesté, il y eut quelque fête à Whitehall où l'on joua un opéra français, mais exécuté très pitoyablement, si mal que le roi s'y ennuya, et plusieurs dirent que ce n'était pas bien imaginé de divertir les nobles anglais , qui vinrent ce soir-là pour honorer leur roi, avec une lamentable pièce française mal jouée, alors que nos acteurs anglais sont si incomparables; cependant les danses et les parties vocales furent assez bien exécutées». (Sir John Verney, lettre à un parent [1677], in Perry Gethner, ''Femmes dramaturges''..., voir ''supra'', choix bibliog., p.136).<br />
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* «Mercredi dernier, le soir de l'anniversaire de sa majesté, il y eut quelque fête à Whitehall où l'on joua un opéra français, mais exécuté très pitoyablement, si mal que le roi s'y ennuya, et plusieurs dirent que ce n'était pas bien imaginé de divertir les nobles anglais , qui vinrent ce soir-là pour honorer leur roi, avec une lamentable pièce française mal jouée, alors que nos acteurs anglais sont si incomparables; cependant les danses et les parties vocales furent assez bien exécutées». (Sir John Verney, lettre à un parent [1677], in Perry Gethner, ''Femmes dramaturges''..., voir ''supra'', choix bibliog., p.136).<br />
- «Le mérite principal de ses ouvrages consiste en des anecdotes, qui peuvent servir à faire connaître les différentes nations, dans les annales desquelles l'auteur les a puisées; je suis persuadé, par exemple, qu'un court abrégé de l'''Histoire des favorites'', ne pourra manquer de vous être agréable. Parmi les dix histoires qui font la matière de deux petits volumes, il en est peu qui, par la grandeur des évènements, et la dignité des personnages ne puissent être le sujet de quelque tragédie. Je fais cette remarque, Madame, en faveur de nos jeunes poètes. [...] Mlle de la Rocheguilhem, qui avait déjà imité Mlle de Scudéri, dans ses ''Aventures grenadines'', semble encore l'avoir voulu prendre pour modèle dans son roman ''L'Arioviste''. Quand au plan, il est de même tracé dans le goût des poèmes épiques: le lecteur se trouve d'abord transporté au plus fort de l'action; et ce n'est qu'avec le secours d'une narration étendue, que les évènements se développent à ses yeux.» (Joseph de La Porte et Jean-François de La Croix, ''Histoire littéraire des femmes françoises'', Paris, Lacombe, 1769).<br />
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* «Le mérite principal de ses ouvrages consiste en des anecdotes, qui peuvent servir à faire connaître les différentes nations, dans les annales desquelles l'auteur les a puisées; je suis persuadé, par exemple, qu'un court abrégé de l'''Histoire des favorites'', ne pourra manquer de vous être agréable. Parmi les dix histoires qui font la matière de deux petits volumes, il en est peu qui, par la grandeur des évènements, et la dignité des personnages ne puissent être le sujet de quelque tragédie. Je fais cette remarque, Madame, en faveur de nos jeunes poètes. [...] Mlle de la Rocheguilhem, qui avait déjà imité Mlle de Scudéri, dans ses ''Aventures grenadines'', semble encore l'avoir voulu prendre pour modèle dans son roman ''L'Arioviste''. Quand au plan, il est de même tracé dans le goût des poèmes épiques: le lecteur se trouve d'abord transporté au plus fort de l'action; et ce n'est qu'avec le secours d'une narration étendue, que les évènements se développent à ses yeux.» (Joseph de La Porte et Jean-François de La Croix, ''Histoire littéraire des femmes françoises'', Paris, Lacombe, 1769).<br />
- «Roche-Guilhem (mademoiselle de La) est auteur d'un assez grand nombre de romans mal écrits, mais qui ne manquent pas d'intérêt.» (Michaud, ''Biographie universelle'', 1816-19).<br />
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* «Roche-Guilhem (mademoiselle de La) est auteur d'un assez grand nombre de romans mal écrits, mais qui ne manquent pas d'intérêt.» (Michaud, ''Biographie universelle'', 1816-19).<br />
 
- «auteur d'un assez grand nombre de romans dans le genre de ceux de Mlle de Scudéri. [...] Nous nous contenterons de donner les titres de ses ouvrages qui sont tombés aujourd'hui dans un oubli aussi profond que ceux de Melle de Scudéri son modèle bien qu'on y trouve, comme dans ceux-ci, des traits ingénieux et des situations pleines d'intérêt'''.'''» (Émile &amp; Eugène Haag [dir.], ''La France protestante'', Paris, Cherbuliez, 1846-1858).<br />
 
- «auteur d'un assez grand nombre de romans dans le genre de ceux de Mlle de Scudéri. [...] Nous nous contenterons de donner les titres de ses ouvrages qui sont tombés aujourd'hui dans un oubli aussi profond que ceux de Melle de Scudéri son modèle bien qu'on y trouve, comme dans ceux-ci, des traits ingénieux et des situations pleines d'intérêt'''.'''» (Émile &amp; Eugène Haag [dir.], ''La France protestante'', Paris, Cherbuliez, 1846-1858).<br />
- «Elle est un des nombreux et féconds auteurs de son époque et n'a aucune raison d'être mise à part.» (A. Calame, ''Anne de La Roche-Guilhen'', voir ''supra'','' ''choix bibliog., p.7).
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* «Elle est un des nombreux et féconds auteurs de son époque et n'a aucune raison d'être mise à part.» (A. Calame, ''Anne de La Roche-Guilhen'', voir ''supra'','' ''choix bibliog., p.7).
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Version du 22 avril 2011 à 09:22

Anne de La Roche-Guilhen
Biographie
Date de naissance Vers 1644
Date de décès 1707
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Juliette Cherbuliez, 2005.

Anne de La Roche-Guilhen est baptisée à Rouen en 1644. Fille aînée de Charles de Guilhen et de Marie-Anne d'Azémar, tous deux descendants de riches familles huguenotes, elle est apparentée à la famille Duquesne. Les Azémar sont gentilshommes verriers et hommes de lettres; Anne compte donc parmi ses parents Jean Chardin, Tallemant des Reaux et Saint-Amant, son grand-oncle. Sa vie et ses écrits sont profondément marqués par l'instabilité politique qui règne alors sur la scène internationale.

Si rien ne permet d'attester sa présence dans la capitale, ses traductions et romans historiques sont toutefois publiés à Paris par Claude Barbin (Almanzaide, 1674). Ces débuts littéraires sont sans doute motivés par le besoin: son père serait mort indigent et, au contraire de beaucoup d'écrivaines issues de familles protestantes, elle n'a jamais abjuré sa foi. En outre, les dédicaces de ses premiers romans à des femmes importantes à la Cour (Arioviste à Marie-Anne Mancini; Astérie, ou Tamerlan à la comtesse de Quintin, elle-même protestante) témoignent de ses efforts -restés vains- pour trouver l'appui d'une mécène. À cette époque, Anne de La Roche-Guilhen se rend au moins deux fois à Londres, où elle fréquente vraisemblablement le cercle des exilés réunis autour d'Hortense Mancini, puis la cour de Charles II. C'est à l'occasion de l'anniversaire du roi, en 1677, qu'elle écrit sa «comédie-ballet», Rare-en-Tout. Elle collabore également avec des libraires-imprimeurs français installés à Londres afin de traduire plusieurs de ses livres. Le 10 avril 1686, six mois après la révocation de l'Édit de Nantes, La Roche-Guilhen s'installe définitivement à Londres. Elle y élève ses deux soeurs grâce à ses revenus littéraires et à l'aide financière de la communauté huguenote d'Angleterre, avant d'y mourir en 1707.

La Roche-Guilhen s'est surtout consacrée au récit historique, le plus souvent sous la forme de contes moraux et dans les genres à la mode: traductions, romans et nouvelles. Après 1686, son oeuvre adopte un ton et une sensibilité davantage marqués par son appartenance à la cause huguenote. Tous ses écrits seront alors publiés à Amsterdam, carrefour intellectuel et culturel de l'Europe des pré-Lumières. La précarité économique et politique dans laquelle elle se trouve l'incite à se tourner vers les réseaux de publication mis en place par les expatriés huguenots et les libraires clandestins. Le parcours de cette oeuvre, écrite à Londres, imprimée en Hollande, diffusée clandestinement en France et ailleurs, nous retrace les principaux circuits d'échanges et d'influence de l'Europe huguenote.

Au sein d'un corpus important dont l'attribution est en partie incertaine, deux textes révèlent plus particulièrement l'importance de La Roche-Guilhen dans l'histoire littéraire. Rare-en-Tout, l'unique pièce de théâtre qui nous soit parvenue, est un hommage aux tonalités européennes rendu à la culture française qui a dû ravir les coteries exilées à Londres. Quant à l'Histoire des Favorites(1697), son plus grand succès témoigne de la portée de l'oeuvre littéraire de l'autrice: rédigé en français, publié d'abord à Amsterdam puis réédité au moins huit fois en vingt ans, traduit en anglais, en néerlandais et en russe, il a été saisi par les autorités françaises, republié sous de fausses adresses et intégré à des éditions semi pornographiques. Cette série de dix brefs contes (des éditions postérieures en ajouteront d'autres) est consacrée à des courtisanes célèbres à travers l'histoire. En dévoilant l'influence insoupçonnée de ces femmes sur de puissants souverains, l'autrice met en évidence le lien entre la grande politique des états-nations et les institutions locales qui aident à maîtriser la circulation des femmes (couvents, institutions caritatives, mariage). À travers sa manière d'aborder la problématique du déplacement à l'intérieur d'une société en crise et sa présentation d'une histoire qui dépasse les frontières, l'Histoire des Favorites offre une destinée miroir de celle de La Roche-Guilhen, à la fois écrivaine, réfugiée et membre ordinaire de la République des Lettres.

Jusqu'à peu, Anne de La Roche-Guilhen a été victime de deux phénomènes qui ont façonné les études littéraires de l'Ancien Régime: la relégation des femmes aux marges de l'histoire littéraire et l'exclusion quasi-totale des protestants. Elle n'a été mentionnée qu'en tant que demi-soeur littéraire de Mmes de Lafayette et Villedieu (avec qui on la confond fréquemment). Aujourd'hui, grâce aux études féministes et à un regain d'intérêt pour l'histoire du livre et de la culture huguenote, La Roche-Guilhen est reconnue comme emblème d'une génération d'écrivaines: leurs vies, marquées par les difficultés économiques, les scandales, la persécution religieuse et l'itinérance qui en découla, ont transformé, au fur et à mesure qu'elles se sont déplacées à travers l'Europe, les modèles de l'écriture en tant que mode de sociabilité. L'appréciation de son oeuvre oblige à employer des méthodes d'analyse littéraire qui privilégient et l'approche thématique des textes, et les conditions matérielles et sociologiques dans lesquelles ils ont été produits.

(traduction de l'autrice)

Oeuvres

  • 1674 : Almanzaïde, Paris, Barbin.
  • 1674-75 : Arioviste, histoire romaine, Paris, Barbin.

- 1675 : Astérie ou Tamerlan, Paris, Barbin.
- 1675 : Journal Amoureux d'Espagne (attribution incertaine). Suivant la copie imprimée à Paris. (édition clandestine)
- 1677? : Le Comte d'Essex, Paris, Claude Barbin.
- 1677 : Rare-en-Tout (comédie-ballet, 3 actes, vers), London, Bentley and Magnes. Théâtre royal de Whitehall (Londres), 29 mai 1677 -- Éd. Perry Gethner, Femmes dramaturges en France (1650-1750)..., voir infra, choix bibliog. -- éd. Juliette Cherbuliez, dans Théâtre de femmes, XVIe-XVIIIe siècles, dir. A. Evain, P. Gethner & H. Goldwyn, vol.2, Saint-Étienne, Publications de l'Université, 2008.
- 1683 : Histoires des guerres civiles de Grenade, Paris, Barbin [traduction de Perez de Hita].
- 1687 : Zamire, La Haye, Troyel.
- 1688 : Le Grand Scanderberg, Amsterdam, Savouret.
- 1690 : Intrigues Amoureuses des Quelques Anciens Grecs, La Haye, Henry van Bulderen.
- 1691 : Zingis, Histoire tartare, La Haye, Henry van Bulderen.
- 1691 : Gaston Phebus, comte de Foix, in Nouvelles historiques, voir infra.
- 1691 : La Prediction accomplie, in Nouvelles historiques, voir infra.
- 1691 : Les Deux fortunes imprevues, in Nouvelles historiques, voir infra.
- 1691 : Nouvelles historiques, La Haye, Henry van Bulderen.
- 1693 : Le Duc de Guise (attribution incertaine), La Haye, Henry van Bulderen.
- 1694 : Histoire chronologique d'Espagne, commençant à l'origine des premiers habitants du pays et continuée jusqu'à présent. Tirée de Mariana et des plus célèbres auteurs espagnols. Par Mlle. D*** (attribution incertaine), Rotterdam, Abraham Acher.
- 1694 : Histoire des amours du duc d'Arione (attribution incertaine), La Haye, Abraham Troyel.
- 1694 : Histoire Amoureuse de Dom Jean d'Autriche (attribution incertaine), La Haye, Abraham Troyel, Marchand Libraire, dans la grand Salle de la Cour.
- 1695 : Amours de Néron, La Haye, Abraham Troyel.
- 1697 : Histoire des favorites contenant ce qui s'est passé de plus remarquable sous plusieurs règnes, Amsterdam, Paul Marret. Marret -- Éd. Els Höhner, Histoire des favorites, Saint-Étienne, PUSE «la cité des dames», 2005.
- 1700 : L'amitié singulière, Amsterdam, Abraham Troyel.
- 1702 : Jacqueline de Bavière, Comtesse de Hainaut. Nouvelle Historique. Amsterdam, Paul Marret, 1707.

- Dernières oeuvres de Mademoiselle La Roche Guilhen, contenant plusieurs Histoires galantes, Amsterdam, Paul Marret, 1708.
- OEuvres diverses de Mlle de la R*** G***, contenant quelques histoires galantes et plusieurs autres pièces, Amsterdam, Frédéric Bernard, 1711.

Choix bibliographique

  • Calame, Alexandre, Anne de La Roche-Guilhen, Genève, Droz, 1972

- Cherbuliez, Juliette, The Place of Exile. Leisure Literature and the Limits of Absolutism, Lewisburg (PA), Bucknell University Press, 2005.
- Cortey, Mathilde, «Du boudoir au petites maisons: la courtisane hystérique», in René Démoris et Henri Lafon (dir.), Folies romanesques au siècle des Lumières. Paris, Desjonquères, 1998, p.103-15.
- Gethner, Perry, «Notice, Rare-en-Tout», in Femmes dramaturges en France (1650-1750). Pièces choisies. Paris, Seattle, Tübingen, Biblio 17/Papers on French Seventeenth Century Literature, 1993, p.129-136.
- Sanz, Amelia, «Déplacements sémantiques dans les traductions d'Anne de La Roche-Guilhem», in M. Ballard et L. D'Hulst (dir.), La Traduction en France à l'âge classique, Lille, PUL, 1996, p.259-73.


Jugements

  • «On m'a dit qu'il y a un roman nouveau, intitulé La Citerie ou L'Asterie, (je ne m'en souviens pas bien) dont le heros est le fameux Tamerlan. Je croi qu'il est de la façon de mademoiselle de La Roche, qui a composé l'Arioviste autre roman. Cette demoiselle est de Rouen, de la religion, soeur d'un gentilhomme verrier, et a beaucoup d'esprit.» (Pierre Bayle à son frère Jacob Bayle, 29 juin 1675, in Elisabeth Labrousse et al. (éd.), Correspondance, Oxford, Voltaire Foundation, 2001, vol.2, p.212-213).
  • (à propos des vers écrits par La Roche-Guihen suite à son échec amoureux auprès d'un ambassadeur) «Ce n'était pas faire un grand sacrifice à mademoiselle de Beurevel que de perdre mon jugement pour [son] amour... Celui de l'Ambassadeur était important, aussi le ménagea-t-il beaucoup mieux que je n'avais fait le mien, et vous allez voir qu'il le conserva aussi sain et aussi entier dans sa douleur que s'il avait été dans l'état le plus tranquille.... Je lui représentai la facilité qu'il aurait de satisfaire à ce que les vers de Mademoiselle de la Roche désiraient de son amour; ce n'était que de chercher à mourir, pour se donner la gloire des héros amoureux, et en même temps finir ses peines» (Saint-Évremond, lettre écrite de Londres à Mlle Beverweert [été 1677], in René Ternois (éd.), Lettres, Paris, M. Didier/STFM, 1967, vol.1, p.307).
  • «Mercredi dernier, le soir de l'anniversaire de sa majesté, il y eut quelque fête à Whitehall où l'on joua un opéra français, mais exécuté très pitoyablement, si mal que le roi s'y ennuya, et plusieurs dirent que ce n'était pas bien imaginé de divertir les nobles anglais , qui vinrent ce soir-là pour honorer leur roi, avec une lamentable pièce française mal jouée, alors que nos acteurs anglais sont si incomparables; cependant les danses et les parties vocales furent assez bien exécutées». (Sir John Verney, lettre à un parent [1677], in Perry Gethner, Femmes dramaturges..., voir supra, choix bibliog., p.136).
  • «Le mérite principal de ses ouvrages consiste en des anecdotes, qui peuvent servir à faire connaître les différentes nations, dans les annales desquelles l'auteur les a puisées; je suis persuadé, par exemple, qu'un court abrégé de l'Histoire des favorites, ne pourra manquer de vous être agréable. Parmi les dix histoires qui font la matière de deux petits volumes, il en est peu qui, par la grandeur des évènements, et la dignité des personnages ne puissent être le sujet de quelque tragédie. Je fais cette remarque, Madame, en faveur de nos jeunes poètes. [...] Mlle de la Rocheguilhem, qui avait déjà imité Mlle de Scudéri, dans ses Aventures grenadines, semble encore l'avoir voulu prendre pour modèle dans son roman L'Arioviste. Quand au plan, il est de même tracé dans le goût des poèmes épiques: le lecteur se trouve d'abord transporté au plus fort de l'action; et ce n'est qu'avec le secours d'une narration étendue, que les évènements se développent à ses yeux.» (Joseph de La Porte et Jean-François de La Croix, Histoire littéraire des femmes françoises, Paris, Lacombe, 1769).
  • «Roche-Guilhem (mademoiselle de La) est auteur d'un assez grand nombre de romans mal écrits, mais qui ne manquent pas d'intérêt.» (Michaud, Biographie universelle, 1816-19).

- «auteur d'un assez grand nombre de romans dans le genre de ceux de Mlle de Scudéri. [...] Nous nous contenterons de donner les titres de ses ouvrages qui sont tombés aujourd'hui dans un oubli aussi profond que ceux de Melle de Scudéri son modèle bien qu'on y trouve, comme dans ceux-ci, des traits ingénieux et des situations pleines d'intérêt.» (Émile & Eugène Haag [dir.], La France protestante, Paris, Cherbuliez, 1846-1858).

  • «Elle est un des nombreux et féconds auteurs de son époque et n'a aucune raison d'être mise à part.» (A. Calame, Anne de La Roche-Guilhen, voir supra, choix bibliog., p.7).
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