Marie Desmares : Différence entre versions

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Marie Desmares naît à Rouen le 18 février 1642. Une légende et un mystère entourent ses origines. On la croit jusqu'au début du XXe siècle petite-fille d'un président du Parlement de Normandie qui, n'approuvant pas la mésalliance de son fils, l'aurait déshérité ainsi que sa descendance. Marie aurait été ainsi contrainte, pour survivre, de monter dès l'enfance sur les planches. Elle appartient en réalité à la petite bourgeoisie rouennaise. Son père, Guillaume, est un «receveur du domaine royal» et sa mère, Marie Marc, est issue d'une famille d'huissiers. Reste que son acte de baptême comporte une étrangeté: d'abord consignée, la mention spuria, c'est-à-dire illégitime, y a ensuite été biffée. Son éducation est sommaire, réduite aux apprentissages de base. Son père meurt sans doute en 1652, victime de la peste. En 1657, Marie épouse, à quinze ans, le comédien de campagne Pierre Fleurye, originaire d'Harfleur et qui décède avant 1665. Jeune veuve, elle intègre la troupe de François Serdin qui sillonne la Normandie. Elle y rencontre Charles Chevillet, sieur de Champmeslé, de huit mois son cadet, lui-même comédien et fils d'un «maître découpeur en draps de soie» de la rue Saint-Honoré à Paris, qu'elle épouse le 3 janvier 1666. Les deux années qui suivent sont celles de toute troupe itinérante. La peste qui ravage la Normandie durant l'été 1668 provoque la faillite de Serdin. Les Champmeslé rejoignent alors Paris et l'Hôtel du Marais où Marie effectue ses premiers pas, le 15 février 1669, dans La Fête de Vénus de l'abbé Boyer. En 1670, le couple passe à l' Hôtel de Bourgogne. Marie y devient l'actrice fétiche et la maîtresse de Racine. De Bérénice à Phèdre, elle crée tous les grands rôles féminins des tragédies raciniennes avec un talent et un succès unanimement salués. Son triomphe n'est pas moins vif dans les pièces, comédies ou tragédies, d'autres dramaturges. Quel que soit le spectacle où elle se produit, elle attire les foules, faisant «passer plus de mauvaises pièces que tous les faux monnayeurs du royaume réunis». Flatteur, le mot est, dit-on, de Molière. En 1679, elle entre à l'Hôtel de Guénégaud puis devient, en 1680, la première et la plus illustre pensionnaire de la Comédie-Française où, forte de sa notoriété, elle exerce une souveraineté sans partage. La Champmeslé meurt, vraisemblablement d'un cancer, le jeudi 15 mai 1698, à Auteuil, dans la propriété de son ami Jean Favier, danseur à l'Opéra, après avoir difficilement renoncé à son métier de comédienne pour gagner la paix de l'Église. Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière parisien de Saint-Sulpice.
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La Champmeslé a été sans conteste la plus grande tragédienne du XVIIe siècle. Louis Racine, qui n'est pas à une médisance ou à une inexactitude près quand il s'agit d'établir la «légende dorée» de son père, la qualifie dans ses Mémoires d'«écolière» à qui il fallait tout apprendre. Si elle s'est formée sur le tas, comme tous les comédiens de sa génération, elle a bénéficié des conseils de l'excellent La Rocque lors de son passage à l'Hôtel du Marais, du grand Floridor à l'Hôtel de Bourgogne et, bien sûr, de Racine dont on sait qu'il était un merveilleux diseur et musicien du verbe. Dotée d'une voix exceptionnelle qui, selon Lully, couvrait une octave entière, elle n'a cessé de bouleverser la Cour et la Ville, privilégiant essentiellement le registre de l'émotion et du pathétique. Après sa rupture avec Racine en 1677 et après le retrait de celui-ci du théâtre en 1679, elle a continué de faire vivre les tragédies de son ancien amant en les jouant chaque fois que possible.
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Sa célébrité d'actrice a été égale à sa réputation sulfureuse de libertine. Amie de La Fontaine et proche un temps de Ninon de Lenclos, elle a ouvertement multiplié les aventures dans l'indifférence de Charles, lui-même débauché notoire. De ce couple sans enfant, le théâtre a été la passion commune et le seul vrai lien.
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L'évolution de l'interprétation tragique à la fin du XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle a progressivement effacé le souvenir de l'actrice. Voltaire, non sans partialité, a daubé sur ses cris. Le XIXe siècle a fait d'elle un personnage de «comédie anecdotique»: en 1837, Ancelot et Paul du Fort ont donné une Champmeslé romançant ses amours avec Racine; Hippolyte Lucas a quant à lui versé dans le vaudeville avec sa comédie La Champmeslé. Son nom n'en reste pas moins associé à jamais à celui de Racine dont elle fut l'éblouissante interprète.
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== Choix bibliographique ==
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- Couprie, Alain. ''La Champmeslé''. Paris, Fayard, 2003.
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- Anonyme. ''Portrait de la Champmeslé'' (huile sur toile), XVIIe siècle?, Paris. Musée de la Comédie-Française.
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== Jugements ==
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- «La Champmeslé est quelque chose de si extraordinaire qu'en votre vie vous n'avez rien vu de pareil. C'est la comédienne que l'on cherche et non pas la comédie; j'ai vu ''Ariane'' [de Thomas Corneille] pour elle seule. Cette comédie est fade, les comédiens sont maudits, mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure et l'on pleure de désespoir.» (Mme de Sévigné, ''Correspondance'', lettre du 1er avril 1672, éd. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, t.2, p.469).<br/>
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- «Jamais Iphigénie en Aulide immolée<br/>
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En a fait sous son nom verser la Champmeslé.»<br/>
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(Boileau, ''Epître VII'' [rédigée en 1677, publiée en 1683], in Antoine Adam (éd.),'' OEuvres complètes'', Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p.127).<br/>
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- «Les principaux débauchés ont été ou sont encore: le sieur Baron [...]; la femme de Molière[...]; le sieur de Champmeslé et sa femme, séparés l'un de l'autre par leurs débauches. Il y aurait de quoi faire un gros livre de leurs aventures amoureuses.» (Jean-Noël du Tralage, ''Recueil'' [vers 1695], in Raymond Picard, ''La Carrière de Jean Racine'', Paris, Gallimard, 1961, p.270).<br/>
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- «Cette femme n'était point née actrice. La nature ne lui avait donné que la beauté, la voix et la mémoire. [...] [Mon père] lui faisait d'abord comprendre les vers qu'elle avait à dire, lui montrait les gestes et lui dictait les tons, que même il notait. L'écolière, fidèle à ses leçons, quoique actrice par art, sur le théâtre paraissait inspirée par la nature.» (Louis Racine, ''Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine'' [XVIIIe s.], in Jean Racine, ''OEuvres complètes'', éd. Raymond Picard, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1969, t.I, p.40-41).
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Version actuelle en date du 18 mars 2013 à 17:15

Marie Desmares
Conjoint(s) Pierre Fleurye
Charles Chevillet, sieur de Champmeslé
Dénomination(s) La Champmeslé
Madame Chevillet
Biographie
Date de naissance 1642
Date de décès 1698
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire CESAR - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution


Notice de Alain Couprie, 2004

Marie Desmares naît à Rouen le 18 février 1642. Une légende et un mystère entourent ses origines. On la croit jusqu'au début du XXe siècle petite-fille d'un président du Parlement de Normandie qui, n'approuvant pas la mésalliance de son fils, l'aurait déshérité ainsi que sa descendance. Marie aurait été ainsi contrainte, pour survivre, de monter dès l'enfance sur les planches. Elle appartient en réalité à la petite bourgeoisie rouennaise. Son père, Guillaume, est un «receveur du domaine royal» et sa mère, Marie Marc, est issue d'une famille d'huissiers. Reste que son acte de baptême comporte une étrangeté: d'abord consignée, la mention spuria, c'est-à-dire illégitime, y a ensuite été biffée. Son éducation est sommaire, réduite aux apprentissages de base. Son père meurt sans doute en 1652, victime de la peste. En 1657, Marie épouse, à quinze ans, le comédien de campagne Pierre Fleurye, originaire d'Harfleur et qui décède avant 1665. Jeune veuve, elle intègre la troupe de François Serdin qui sillonne la Normandie. Elle y rencontre Charles Chevillet, sieur de Champmeslé, de huit mois son cadet, lui-même comédien et fils d'un «maître découpeur en draps de soie» de la rue Saint-Honoré à Paris, qu'elle épouse le 3 janvier 1666. Les deux années qui suivent sont celles de toute troupe itinérante. La peste qui ravage la Normandie durant l'été 1668 provoque la faillite de Serdin. Les Champmeslé rejoignent alors Paris et l'Hôtel du Marais où Marie effectue ses premiers pas, le 15 février 1669, dans La Fête de Vénus de l'abbé Boyer. En 1670, le couple passe à l' Hôtel de Bourgogne. Marie y devient l'actrice fétiche et la maîtresse de Racine. De Bérénice à Phèdre, elle crée tous les grands rôles féminins des tragédies raciniennes avec un talent et un succès unanimement salués. Son triomphe n'est pas moins vif dans les pièces, comédies ou tragédies, d'autres dramaturges. Quel que soit le spectacle où elle se produit, elle attire les foules, faisant «passer plus de mauvaises pièces que tous les faux monnayeurs du royaume réunis». Flatteur, le mot est, dit-on, de Molière. En 1679, elle entre à l'Hôtel de Guénégaud puis devient, en 1680, la première et la plus illustre pensionnaire de la Comédie-Française où, forte de sa notoriété, elle exerce une souveraineté sans partage. La Champmeslé meurt, vraisemblablement d'un cancer, le jeudi 15 mai 1698, à Auteuil, dans la propriété de son ami Jean Favier, danseur à l'Opéra, après avoir difficilement renoncé à son métier de comédienne pour gagner la paix de l'Église. Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière parisien de Saint-Sulpice.

La Champmeslé a été sans conteste la plus grande tragédienne du XVIIe siècle. Louis Racine, qui n'est pas à une médisance ou à une inexactitude près quand il s'agit d'établir la «légende dorée» de son père, la qualifie dans ses Mémoires d'«écolière» à qui il fallait tout apprendre. Si elle s'est formée sur le tas, comme tous les comédiens de sa génération, elle a bénéficié des conseils de l'excellent La Rocque lors de son passage à l'Hôtel du Marais, du grand Floridor à l'Hôtel de Bourgogne et, bien sûr, de Racine dont on sait qu'il était un merveilleux diseur et musicien du verbe. Dotée d'une voix exceptionnelle qui, selon Lully, couvrait une octave entière, elle n'a cessé de bouleverser la Cour et la Ville, privilégiant essentiellement le registre de l'émotion et du pathétique. Après sa rupture avec Racine en 1677 et après le retrait de celui-ci du théâtre en 1679, elle a continué de faire vivre les tragédies de son ancien amant en les jouant chaque fois que possible.

Sa célébrité d'actrice a été égale à sa réputation sulfureuse de libertine. Amie de La Fontaine et proche un temps de Ninon de Lenclos, elle a ouvertement multiplié les aventures dans l'indifférence de Charles, lui-même débauché notoire. De ce couple sans enfant, le théâtre a été la passion commune et le seul vrai lien.

L'évolution de l'interprétation tragique à la fin du XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle a progressivement effacé le souvenir de l'actrice. Voltaire, non sans partialité, a daubé sur ses cris. Le XIXe siècle a fait d'elle un personnage de «comédie anecdotique»: en 1837, Ancelot et Paul du Fort ont donné une Champmeslé romançant ses amours avec Racine; Hippolyte Lucas a quant à lui versé dans le vaudeville avec sa comédie La Champmeslé. Son nom n'en reste pas moins associé à jamais à celui de Racine dont elle fut l'éblouissante interprète.

Choix bibliographique

- Couprie, Alain. La Champmeslé. Paris, Fayard, 2003.

Choix iconographique

- Anonyme. Portrait de la Champmeslé (huile sur toile), XVIIe siècle?, Paris. Musée de la Comédie-Française.

Jugements

- «La Champmeslé est quelque chose de si extraordinaire qu'en votre vie vous n'avez rien vu de pareil. C'est la comédienne que l'on cherche et non pas la comédie; j'ai vu Ariane [de Thomas Corneille] pour elle seule. Cette comédie est fade, les comédiens sont maudits, mais quand la Champmeslé arrive, on entend un murmure et l'on pleure de désespoir.» (Mme de Sévigné, Correspondance, lettre du 1er avril 1672, éd. Roger Duchêne, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, t.2, p.469).
- «Jamais Iphigénie en Aulide immolée
N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée
Que dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé
En a fait sous son nom verser la Champmeslé.»
(Boileau, Epître VII [rédigée en 1677, publiée en 1683], in Antoine Adam (éd.), OEuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p.127).
- «Les principaux débauchés ont été ou sont encore: le sieur Baron [...]; la femme de Molière[...]; le sieur de Champmeslé et sa femme, séparés l'un de l'autre par leurs débauches. Il y aurait de quoi faire un gros livre de leurs aventures amoureuses.» (Jean-Noël du Tralage, Recueil [vers 1695], in Raymond Picard, La Carrière de Jean Racine, Paris, Gallimard, 1961, p.270).
- «Cette femme n'était point née actrice. La nature ne lui avait donné que la beauté, la voix et la mémoire. [...] [Mon père] lui faisait d'abord comprendre les vers qu'elle avait à dire, lui montrait les gestes et lui dictait les tons, que même il notait. L'écolière, fidèle à ses leçons, quoique actrice par art, sur le théâtre paraissait inspirée par la nature.» (Louis Racine, Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine [XVIIIe s.], in Jean Racine, OEuvres complètes, éd. Raymond Picard, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1969, t.I, p.40-41).

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