Anne Larcher de Pocancy : Différence entre versions

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Anne Larcher naît en 1706 dans une famille de robins originaires de Champagne, et devenus maîtres des requêtes ou intendants dès la fin du règne de Louis XIV. Cette très riche héritière est une fille unique et une enfant posthume : son père, Pierre Larcher de Pocancy, conseiller au Parlement, meurt quelques mois avant sa naissance et elle est élevée par une mère peu aimante, Anne-Thérèse Hébert du Buc, sous la férule probable d’une gouvernante.<br/>
 
Anne Larcher naît en 1706 dans une famille de robins originaires de Champagne, et devenus maîtres des requêtes ou intendants dès la fin du règne de Louis XIV. Cette très riche héritière est une fille unique et une enfant posthume : son père, Pierre Larcher de Pocancy, conseiller au Parlement, meurt quelques mois avant sa naissance et elle est élevée par une mère peu aimante, Anne-Thérèse Hébert du Buc, sous la férule probable d’une gouvernante.<br/>
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En 1726, à 20 ans, la jeune femme est brusquement chassée du domicile conjugal par son mari, vraisemblablement pour cause d’adultère. Menacée d’être envoyée de force dans un couvent, elle est finalement assignée à résidence chez sa grand-mère Larcher, en province à Pocancy, selon des conditions que le mari, orgueilleux et inflexible, fixe par contrat. Privée de ses enfants, Anne ne revient à Paris qu’à l’automne 1729 et après une séparation de corps, mais non de biens (8 septembre 1728). La bienséance exige toutefois la participation commune du couple aux fêtes de la cour, où Anne joue volontiers son rôle. Présentée à la Reine le 31 mars 1743, elle entre dans le cercle de la souveraine et fréquente la duchesse douairière d’Orléans. Quant au comte, d’abord intime ami de quelques grandes dames de la cour (la duchesse de Gontaut, la duchesse de Villars), il vit durablement ensuite avec la duchesse d’Estrades, cousine et, jusqu’en 1755, dame de compagnie de Madame de Pompadour. Avant même de devenir secrétaire d’état à la Guerre, il agrandit ses domaines, achète en 1729 le château des Ormes en Poitou et l’embellit grâce à des dons du roi et à la fortune de son épouse. Celle-ci, bénéficiaire de plusieurs héritages et d’une pension royale de 10 000 livres, mène elle aussi une vie dispendieuse et indépendante en compagnie, entre autres, du marquis de Valfons : elle se rend souvent aux eaux de Plombières, organise des fêtes brillantes et se fait aménager un élégant pavillon à Montreuil près de Versailles qu’elle nomme « Monloisir » et dont elle doit se priver quand son mari est exilé aux Ormes de février 1757 à 1764. Quand la comtesse meurt en mai 1764, trois mois avant son mari, juste rentré en grâce, l’ouverture de son testament  daté du 27 mars 1757 déçoit les d’Argenson père et fils car elle y favorise son entourage personnel, témoignant de son éloignement vis-à-vis de sa famille d’adoption et d’un appauvrissement dû aux circonstances politiques et à sa probable étourderie.<br/>
 
En 1726, à 20 ans, la jeune femme est brusquement chassée du domicile conjugal par son mari, vraisemblablement pour cause d’adultère. Menacée d’être envoyée de force dans un couvent, elle est finalement assignée à résidence chez sa grand-mère Larcher, en province à Pocancy, selon des conditions que le mari, orgueilleux et inflexible, fixe par contrat. Privée de ses enfants, Anne ne revient à Paris qu’à l’automne 1729 et après une séparation de corps, mais non de biens (8 septembre 1728). La bienséance exige toutefois la participation commune du couple aux fêtes de la cour, où Anne joue volontiers son rôle. Présentée à la Reine le 31 mars 1743, elle entre dans le cercle de la souveraine et fréquente la duchesse douairière d’Orléans. Quant au comte, d’abord intime ami de quelques grandes dames de la cour (la duchesse de Gontaut, la duchesse de Villars), il vit durablement ensuite avec la duchesse d’Estrades, cousine et, jusqu’en 1755, dame de compagnie de Madame de Pompadour. Avant même de devenir secrétaire d’état à la Guerre, il agrandit ses domaines, achète en 1729 le château des Ormes en Poitou et l’embellit grâce à des dons du roi et à la fortune de son épouse. Celle-ci, bénéficiaire de plusieurs héritages et d’une pension royale de 10 000 livres, mène elle aussi une vie dispendieuse et indépendante en compagnie, entre autres, du marquis de Valfons : elle se rend souvent aux eaux de Plombières, organise des fêtes brillantes et se fait aménager un élégant pavillon à Montreuil près de Versailles qu’elle nomme « Monloisir » et dont elle doit se priver quand son mari est exilé aux Ormes de février 1757 à 1764. Quand la comtesse meurt en mai 1764, trois mois avant son mari, juste rentré en grâce, l’ouverture de son testament  daté du 27 mars 1757 déçoit les d’Argenson père et fils car elle y favorise son entourage personnel, témoignant de son éloignement vis-à-vis de sa famille d’adoption et d’un appauvrissement dû aux circonstances politiques et à sa probable étourderie.<br/>
 
Femme de cour à la situation conjugale paradoxale mais banale, Anne Larcher est un personnage peu et mal connu. Elle n’apparaît guère qu’à travers des documents comptables et les témoignages, généralement calomnieux, de quelques mémorialistes, membres ou non de sa famille. Cependant ce qui subsiste de sa correspondance maritale (la seule conservée, semble-t-il) révèle une femme, à la graphie certes incertaine mais épistolière habile, tour à tour mélancolique et badine, affectionnée et mondaine. Mine de rien, elle dit beaucoup d’elle-même, tout en cherchant avant tout – constante des correspondances dites « familières » – à entretenir des liens familiaux plus ou moins distendus par les circonstances.  
 
Femme de cour à la situation conjugale paradoxale mais banale, Anne Larcher est un personnage peu et mal connu. Elle n’apparaît guère qu’à travers des documents comptables et les témoignages, généralement calomnieux, de quelques mémorialistes, membres ou non de sa famille. Cependant ce qui subsiste de sa correspondance maritale (la seule conservée, semble-t-il) révèle une femme, à la graphie certes incertaine mais épistolière habile, tour à tour mélancolique et badine, affectionnée et mondaine. Mine de rien, elle dit beaucoup d’elle-même, tout en cherchant avant tout – constante des correspondances dites « familières » – à entretenir des liens familiaux plus ou moins distendus par les circonstances.  
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== Œuvres ==
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* Bibliothèques universitaires de Poitiers, fonds ancien : papiers d’Argenson, P 16 : lettres manuscrites à son mari : 1727-1761 ; à son oncle : 25 septembre 1726.
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== Principales sources manuscrites ==
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* Bibliothèques universitaires de Poitiers, fonds ancien : papiers d’Argenson, P 16 (contrat de mariage ; donations et quittances ; séparation de corps ; testament ; 25 lettres à son mari)
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== Principales sources imprimées ==
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* Duc de Saint-Simon, ''Mémoires'', éd. par Yves Coirault, Paris, Gallimard, Pléiade, t. 7, 1983.
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* Marquis de Valfons, ''Souvenirs'', Paris, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », 2003.
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== Choix bibliographique ==
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* Nicole de Blomac, ''Voyer d’Argenson et le cheval des Lumières'', Paris, Belin, 2004.
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* Philippe Caron, Anne-Sophie Traineau-Durozoy et autres, « Trois femmes du XVIIIe siècle à leur écritoire : les épouses d’Argenson », ''Revue historique du Centre-Ouest'', (à paraître en 2017), p. 1-83.
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* Yves Combeau, ''Le comte d’Argenson, 1696-1764 : Ministre de Louis XV'', Paris, École des Chartes, 1999.
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* Xavier Salmon, ''Jean-Marc Nattier, 1685-1766'', Paris, RMN et Musées des Châteaux de Versailles, 1999, pp. 162-165, ill.
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* Anne-Sophie Traineau-Durozoy, « Les archives d’Argenson : état de la recherche », ''Revue historique du Centre-Ouest'', t. XIII, p. 127-143.
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== Choix iconographique ==
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* 1743, Jean-Marc Nattier, ''Madame la Comtesse d'Argenson'', huile sur toile signée et datée vers le milieu à droite : « Nattier pinxit. 1743 » ; 139 x 106 cm. Collection particulière. Reprod in X. Salmon, ouvr. cit. , p. 163) -- Une réplique de ce tableau aurait été commandée à Nattier par la comtesse ; donnée à son amant, le marquis de Valfons, cette œuvre aurait été conservée dans la famille de celui-ci jusqu’en 1925 au moins.
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== Jugements ==
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* Un mémorialiste : « Le Garde des sceaux maria son second fils à la fille fort riche du président [''sic''] Larcher. Ce mariage ne fut pas heureux ; mais le jeune époux fit dans la suite la plus brillante fortune de son état » (Duc de Saint-Simon, ''Mémoires'', éd. Coirault, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1983, t. VII, p. 446).
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* Un épistolier : « C’est une bamboche haute comme une poupée du palais ; sa figure est jolie […], mais elle est enfant comme celles [sic] que l’on mène avec la lisière » (Lettre de Caumartin de Boissy à la marquise de Balleroy, 4 mai 1719, citée in Edouard de Barthélémy éd., ''Les correspondants de la marquise de Balleroy'' […], Paris, Hachette, 1883, t. II, p. 53)
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* Un mémorialiste ami : « […] J’attends ma nièce mercredi, et madame d’Argenson vendredi ou samedi. Je suis assez content de mes eaux. Elles font un bien infini à madame d’Argenson et je suis sûr que la seconde saison achèvera de la guérir. […] » (Lettre du président Hénault à son ami, le comte d’Argenson, ministre et secrétaire d’Etat, alors à l’armée du roi, Plombières, 8 août 1745, citée in Marquis d’Argenson, ministre des affaires étrangères sous Louis XV, ''Mémoires et journal inédit'', éd. par M. d’Argenson, Paris, Janet, 1867, t. V, p. 9).
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* Un beau-frère malintentionné : « Sur cela, ma belle-sœur passe pour ne devoir plus retourner à la cour ; on lui a fait une maison séparée, et on lui a fixé un revenu assez considérable pour vivre à Paris et à Bercy. Elle, ses femmes de chambre, tout ce qui l’entoure a fait des affaires à la guerre pour les sommes les plus considérables » (28 novembre 1748). « Mon frère […] a la guerre dans sa famille ; sa femme démérite de plus en plus auprès de lui, elle est avide pour être prodigue, ses mœurs plus honteuses que jamais, sa conduite et son esprit méprisables, tout la force enfin à un divorce ouvert, et qui est remis à l’arrivée de sa belle-fille à la cour. […] la mère au milieu de ses désordres et de son peu de mérite, a inspiré à son fils la révolte contre son père ; […] » (Marquis d’Argenson, ''Journal et mémoires'', éd. par E. J. B. Rathery, Paris, Vve Jules Renouard, t. V, p. 290 et p. 305 : (28 novembre et 7 décembre 1748).
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* Un amant bienveillant : « J’allai passer mon congé à Paris. La comtesse d’A*** avec qui je vivais, malgré son goût avoué pour moi et les lettres les plus tendres qu’elle m’écrivait chaque jour pendant la campagne, s’était laissé séduire par un mauvais sujet, jeune, et qui lui parut très aimable ; son ardeur pour le plaisir et l’empressement d’un nouvel amant m’enlevèrent, non son cœur, car elle ne cessa pas de m’écrire à l’armée, mais sa constance, pendant tout le temps que dura mon éloignement, et plus elle multipliait ses actes d’infidélité, plus sa correspondance était vive et passionnée. J’arrivai et ne fus pas longtemps à m’apercevoir que nous étions deux [dont un escroc de haut-vol que Valfons réussit à démasquer et obligea à rendre gorge] ; nous eûmes les billets, que je remis devant lui à la femme trop confiante [mais Valfons en reçoit une partie en cadeau]. […] Mme d’A*** avait beaucoup perdu au cavagnole de la Reine ; je les lui rendis à propos et me l’attachai pour toujours, tant l’honnêteté a ses droits, même vis-à-vis de celles qui font les plus grands écarts. […][Au moment de la disgrâce du comte] Mme d’Argenson, sans la plus petite altération me dit : ”Donnez-moi, je vous prie, mon écritoire ”. Elle en tira une feuille de papier blanc qu’elle signa au bas, et la remettant d’un air tendre et souriant à son mari : ”Voilà mon blanc-seing, il reste encore de ma dot deux cent mille francs ; je vous conseille de vous en distraire en embellissant le château, le parc et les jardins des Ormes ; ne parlez plus de mon argent, il sera bien employé : il avait accéléré votre fortune, il fera vos amusements” » (Marquis de Valfons, ''Souvenirs'', Paris, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », 2003, p. 228-236, 242)
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* Un descendant misogyne : « Les femmes ont ce triste privilège, de ne pouvoir être abritées que par le silence, que parler d’elles c’est déjà leur nuire, et que, quelle que soit la défense, elle est pire pour elles que l’attaque même » (M. d’Argenson descendant et éditeur du Marquis d’Argenson, ''Mémoires et journal inédit'', éd. par M. d’Argenson, Paris, Janet, 1857, t. I, p. 10, note 1).
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* Un historien de l’art : « Peint en 1743, le portrait de la comtesse d’Argenson soulignait indirectement le statut de son époux. Au tout nouveau et puissant ministre et secrétaire du département de la Guerre, il était désormais possible de faire appel à Nattier, le nouveau peintre de la famille royale. […] Assise et vêtue d’un déshabillé nacré, la comtesse tient un petit chien sur ses genoux (un caniche, selon le Livret du Salon de 1750). Elle prend place dans un cadre palatial au-devant d’un paysage au délicat dégradé de vert, d’orangé et d’un ciel que dissimule en partie une pièce d’étoffe de couleur prune » (Xavier Salmon, ''Jean-Marc Nattier, 1685-1766'', Paris, RMN et Musées des Châteaux de Versailles, 1999, p. 162).
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Version actuelle en date du 3 mars 2018 à 09:09

Anne Larcher de Pocancy
Titre(s) comtesse d'Argenson
Conjoint(s) Marc-PIerre d'Argenson
Biographie
Date de naissance 1706
Date de décès 1764
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice de Nicole Pellegrin, 2017

Anne Larcher naît en 1706 dans une famille de robins originaires de Champagne, et devenus maîtres des requêtes ou intendants dès la fin du règne de Louis XIV. Cette très riche héritière est une fille unique et une enfant posthume : son père, Pierre Larcher de Pocancy, conseiller au Parlement, meurt quelques mois avant sa naissance et elle est élevée par une mère peu aimante, Anne-Thérèse Hébert du Buc, sous la férule probable d’une gouvernante.
Le 24 mai 1719, Anne Larcher est mariée, encore très jeune (elle a treize ans), à Marc-Pierre d’Argenson (1696-1764), avocat du roi au Châtelet, déjà maître des requêtes, de dix ans son aîné et fils de Marc-René (1652-1721), lui aussi maître des requêtes apprécié de Louis XIV, puis lieutenant de Police de Paris, enfin garde des Sceaux sous la Régence. La lignée des Argenson, de noblesse provinciale ancienne, a ses entrées dans la société aristocratique parisienne, occupe des charges prestigieuses et sait trouver, pour ses fils, des alliances avantageuses d’un point de vue financier et social.
Plusieurs contemporains disent la jeune Anne Larcher très jolie, vive et fort séduisante. Toute la Cour et le jeune Louis XV assistent à la cérémonie du mariage célébré à Paris le 24 mai 1719 à la chapelle de la Madeleine de Traisnel, couvent situé faubourg Saint Antoine que protège la famille d’Argenson et où la marquise Du Deffand(1696-1780) fut, à son grand regret, pensionnaire une dizaine d’années. L’épousée y reste quelque temps avant la consommation de son mariage et y reçoit un complément d’éducation mondaine. Deux garçons naissent d’une union qui semble de pur intérêt : en 1722, Marc-René, futur marquis de Voyer, décédé en 1782 et objet principal des soins de sa mère ; en 1725, Louis Auguste dit le chevalier d’Argenson, mort jeune sans doute en duel.
En 1726, à 20 ans, la jeune femme est brusquement chassée du domicile conjugal par son mari, vraisemblablement pour cause d’adultère. Menacée d’être envoyée de force dans un couvent, elle est finalement assignée à résidence chez sa grand-mère Larcher, en province à Pocancy, selon des conditions que le mari, orgueilleux et inflexible, fixe par contrat. Privée de ses enfants, Anne ne revient à Paris qu’à l’automne 1729 et après une séparation de corps, mais non de biens (8 septembre 1728). La bienséance exige toutefois la participation commune du couple aux fêtes de la cour, où Anne joue volontiers son rôle. Présentée à la Reine le 31 mars 1743, elle entre dans le cercle de la souveraine et fréquente la duchesse douairière d’Orléans. Quant au comte, d’abord intime ami de quelques grandes dames de la cour (la duchesse de Gontaut, la duchesse de Villars), il vit durablement ensuite avec la duchesse d’Estrades, cousine et, jusqu’en 1755, dame de compagnie de Madame de Pompadour. Avant même de devenir secrétaire d’état à la Guerre, il agrandit ses domaines, achète en 1729 le château des Ormes en Poitou et l’embellit grâce à des dons du roi et à la fortune de son épouse. Celle-ci, bénéficiaire de plusieurs héritages et d’une pension royale de 10 000 livres, mène elle aussi une vie dispendieuse et indépendante en compagnie, entre autres, du marquis de Valfons : elle se rend souvent aux eaux de Plombières, organise des fêtes brillantes et se fait aménager un élégant pavillon à Montreuil près de Versailles qu’elle nomme « Monloisir » et dont elle doit se priver quand son mari est exilé aux Ormes de février 1757 à 1764. Quand la comtesse meurt en mai 1764, trois mois avant son mari, juste rentré en grâce, l’ouverture de son testament daté du 27 mars 1757 déçoit les d’Argenson père et fils car elle y favorise son entourage personnel, témoignant de son éloignement vis-à-vis de sa famille d’adoption et d’un appauvrissement dû aux circonstances politiques et à sa probable étourderie.
Femme de cour à la situation conjugale paradoxale mais banale, Anne Larcher est un personnage peu et mal connu. Elle n’apparaît guère qu’à travers des documents comptables et les témoignages, généralement calomnieux, de quelques mémorialistes, membres ou non de sa famille. Cependant ce qui subsiste de sa correspondance maritale (la seule conservée, semble-t-il) révèle une femme, à la graphie certes incertaine mais épistolière habile, tour à tour mélancolique et badine, affectionnée et mondaine. Mine de rien, elle dit beaucoup d’elle-même, tout en cherchant avant tout – constante des correspondances dites « familières » – à entretenir des liens familiaux plus ou moins distendus par les circonstances.

Œuvres

  • Bibliothèques universitaires de Poitiers, fonds ancien : papiers d’Argenson, P 16 : lettres manuscrites à son mari : 1727-1761 ; à son oncle : 25 septembre 1726.

Principales sources manuscrites

  • Bibliothèques universitaires de Poitiers, fonds ancien : papiers d’Argenson, P 16 (contrat de mariage ; donations et quittances ; séparation de corps ; testament ; 25 lettres à son mari)

Principales sources imprimées

  • Duc de Saint-Simon, Mémoires, éd. par Yves Coirault, Paris, Gallimard, Pléiade, t. 7, 1983.
  • Marquis de Valfons, Souvenirs, Paris, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », 2003.

Choix bibliographique

  • Nicole de Blomac, Voyer d’Argenson et le cheval des Lumières, Paris, Belin, 2004.
  • Philippe Caron, Anne-Sophie Traineau-Durozoy et autres, « Trois femmes du XVIIIe siècle à leur écritoire : les épouses d’Argenson », Revue historique du Centre-Ouest, (à paraître en 2017), p. 1-83.
  • Yves Combeau, Le comte d’Argenson, 1696-1764 : Ministre de Louis XV, Paris, École des Chartes, 1999.
  • Xavier Salmon, Jean-Marc Nattier, 1685-1766, Paris, RMN et Musées des Châteaux de Versailles, 1999, pp. 162-165, ill.
  • Anne-Sophie Traineau-Durozoy, « Les archives d’Argenson : état de la recherche », Revue historique du Centre-Ouest, t. XIII, p. 127-143.

Choix iconographique

  • 1743, Jean-Marc Nattier, Madame la Comtesse d'Argenson, huile sur toile signée et datée vers le milieu à droite : « Nattier pinxit. 1743 » ; 139 x 106 cm. Collection particulière. Reprod in X. Salmon, ouvr. cit. , p. 163) -- Une réplique de ce tableau aurait été commandée à Nattier par la comtesse ; donnée à son amant, le marquis de Valfons, cette œuvre aurait été conservée dans la famille de celui-ci jusqu’en 1925 au moins.

Jugements

  • Un mémorialiste : « Le Garde des sceaux maria son second fils à la fille fort riche du président [sic] Larcher. Ce mariage ne fut pas heureux ; mais le jeune époux fit dans la suite la plus brillante fortune de son état » (Duc de Saint-Simon, Mémoires, éd. Coirault, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1983, t. VII, p. 446).
  • Un épistolier : « C’est une bamboche haute comme une poupée du palais ; sa figure est jolie […], mais elle est enfant comme celles [sic] que l’on mène avec la lisière » (Lettre de Caumartin de Boissy à la marquise de Balleroy, 4 mai 1719, citée in Edouard de Barthélémy éd., Les correspondants de la marquise de Balleroy […], Paris, Hachette, 1883, t. II, p. 53)
  • Un mémorialiste ami : « […] J’attends ma nièce mercredi, et madame d’Argenson vendredi ou samedi. Je suis assez content de mes eaux. Elles font un bien infini à madame d’Argenson et je suis sûr que la seconde saison achèvera de la guérir. […] » (Lettre du président Hénault à son ami, le comte d’Argenson, ministre et secrétaire d’Etat, alors à l’armée du roi, Plombières, 8 août 1745, citée in Marquis d’Argenson, ministre des affaires étrangères sous Louis XV, Mémoires et journal inédit, éd. par M. d’Argenson, Paris, Janet, 1867, t. V, p. 9).
  • Un beau-frère malintentionné : « Sur cela, ma belle-sœur passe pour ne devoir plus retourner à la cour ; on lui a fait une maison séparée, et on lui a fixé un revenu assez considérable pour vivre à Paris et à Bercy. Elle, ses femmes de chambre, tout ce qui l’entoure a fait des affaires à la guerre pour les sommes les plus considérables » (28 novembre 1748). « Mon frère […] a la guerre dans sa famille ; sa femme démérite de plus en plus auprès de lui, elle est avide pour être prodigue, ses mœurs plus honteuses que jamais, sa conduite et son esprit méprisables, tout la force enfin à un divorce ouvert, et qui est remis à l’arrivée de sa belle-fille à la cour. […] la mère au milieu de ses désordres et de son peu de mérite, a inspiré à son fils la révolte contre son père ; […] » (Marquis d’Argenson, Journal et mémoires, éd. par E. J. B. Rathery, Paris, Vve Jules Renouard, t. V, p. 290 et p. 305 : (28 novembre et 7 décembre 1748).
  • Un amant bienveillant : « J’allai passer mon congé à Paris. La comtesse d’A*** avec qui je vivais, malgré son goût avoué pour moi et les lettres les plus tendres qu’elle m’écrivait chaque jour pendant la campagne, s’était laissé séduire par un mauvais sujet, jeune, et qui lui parut très aimable ; son ardeur pour le plaisir et l’empressement d’un nouvel amant m’enlevèrent, non son cœur, car elle ne cessa pas de m’écrire à l’armée, mais sa constance, pendant tout le temps que dura mon éloignement, et plus elle multipliait ses actes d’infidélité, plus sa correspondance était vive et passionnée. J’arrivai et ne fus pas longtemps à m’apercevoir que nous étions deux [dont un escroc de haut-vol que Valfons réussit à démasquer et obligea à rendre gorge] ; nous eûmes les billets, que je remis devant lui à la femme trop confiante [mais Valfons en reçoit une partie en cadeau]. […] Mme d’A*** avait beaucoup perdu au cavagnole de la Reine ; je les lui rendis à propos et me l’attachai pour toujours, tant l’honnêteté a ses droits, même vis-à-vis de celles qui font les plus grands écarts. […][Au moment de la disgrâce du comte] Mme d’Argenson, sans la plus petite altération me dit : ”Donnez-moi, je vous prie, mon écritoire ”. Elle en tira une feuille de papier blanc qu’elle signa au bas, et la remettant d’un air tendre et souriant à son mari : ”Voilà mon blanc-seing, il reste encore de ma dot deux cent mille francs ; je vous conseille de vous en distraire en embellissant le château, le parc et les jardins des Ormes ; ne parlez plus de mon argent, il sera bien employé : il avait accéléré votre fortune, il fera vos amusements” » (Marquis de Valfons, Souvenirs, Paris, Mercure de France, « Le Temps retrouvé », 2003, p. 228-236, 242)
  • Un descendant misogyne : « Les femmes ont ce triste privilège, de ne pouvoir être abritées que par le silence, que parler d’elles c’est déjà leur nuire, et que, quelle que soit la défense, elle est pire pour elles que l’attaque même » (M. d’Argenson descendant et éditeur du Marquis d’Argenson, Mémoires et journal inédit, éd. par M. d’Argenson, Paris, Janet, 1857, t. I, p. 10, note 1).
  • Un historien de l’art : « Peint en 1743, le portrait de la comtesse d’Argenson soulignait indirectement le statut de son époux. Au tout nouveau et puissant ministre et secrétaire du département de la Guerre, il était désormais possible de faire appel à Nattier, le nouveau peintre de la famille royale. […] Assise et vêtue d’un déshabillé nacré, la comtesse tient un petit chien sur ses genoux (un caniche, selon le Livret du Salon de 1750). Elle prend place dans un cadre palatial au-devant d’un paysage au délicat dégradé de vert, d’orangé et d’un ciel que dissimule en partie une pièce d’étoffe de couleur prune » (Xavier Salmon, Jean-Marc Nattier, 1685-1766, Paris, RMN et Musées des Châteaux de Versailles, 1999, p. 162).
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