Représenter la Nouvelle-France sur les scènes parisiennes au XVIIIe siècle : balisage d’un imaginaire colonial perdu
Paris (27 mai 2017), avant le 15 avril 2017

Journée d’étude Université Paris-Sorbonne

 

Abandonnons des lieux à nos vœux si contraires,

Où nous ferions je crois assez mal nos affaires ;

Où l’on estime peu l’esprit & les talents,

Où le mérite seul est de courir les champs,

De traverser les lacs, les forêts, les montagnes,

Où l’on ne fait l’amour qu’au milieu des campagnes,

Parmi le froid, la neige, entouré d’animaux,

Tous moins cruels encor, que ne sont vos rivaux.

—Dumaniant, Le Français en Huronie (1778)

 

Dans le cadre d’un nouveau projet de collaboration, le CELLF 16-18 (Paris-Sorbonne) et le Département de français de l’Université Carleton (Ottawa, Canada) sollicitent des propositions de communications auprès des spécialistes (professeurs et étudiants) pour sa première journée d’étude conjointe, qui se tiendra le 27 mai 2017 à l’Université Paris-Sorbonne.

Lorsqu’on pense aux représentations des Amériques dans la fiction française d’Ancien Régime, les premiers titres qui viennent à l’esprit relèvent du canon le plus étroit : Manon Lescaut, Candide ou L’ingénu, peut-être la 67e nouvelle de l’Heptaméron, mais moins probablement Les Indes galantes ou Les Incas. Une chose est à peu près certaine, cependant, personne ne citera Les histoires mémorables et tragiques de ce temps (1614), recueil de nouvelles de François de Rosset, où surgit pourtant cette étrange mention : « Ceste multitude de personnes, qui fait [de Paris] un petit monde, les doit tenir clos & couverts, à leur opinion, mieux que s’ils estoient en Canada ». Les spécialistes des écrits de la Nouvelle-France (1534-1763) savent que la colonie fut connue des élites européennes dès le XVIe siècle par le truchement des relations de voyage. Ainsi, contrairement à ce qu’on nous a plutôt mal enseigné, à défaut d’espaces conceptuels appropriés, les mentions de la Nouvelle-France abondent. Dans L’Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle (1913), Gilbert Chinard a d’ailleurs montré que ces récits de découvertes servirent de base à d’innombrables œuvres de fiction françaises aujourd’hui méconnues, dont les comédies Arlequin sauvage (1721) de Delisle de la Drevetière et Arlequin roi des Ogres, ou les Bottes de sept lieues (1720), d’Alain-René Lesage, Louis Fuzelier et Jacques-Philippe d’Orneval. Toutes deux reprennent parfois textuellement les Dialogues du Baron de Lahontan avec un Sauvage (1703) ou les Mémoires de l’Amérique septentrionale (1702) du même Lahontan.

Aussi, pour se faire une idée juste des différentes représentations de cette immense colonie sous l’Ancien Régime, faut-il impérativement explorer les marges de la tradition et en exhumer des pièces comme Le mariage fait par lettre de change (1735) de Philippe Poisson, Le Français en Huronie (1778/1787) de Dumaniant ou encore L’île du Gougou (1720) de Lesage, Fuzelier et d’Orneval. Des deux côtés de l’Atlantique, cette circulation des idées mérite un examen à rebrousse-poil d’œuvres confinées aux marges, ne fût-ce que pour y sonder l’imaginaire colonial de la France d’Ancien Régime aujourd’hui biffé des histoires littéraires.

En quoi des allusions à la Nouvelle-France au XVIIIe siècle enrichissent-elles une pièce, lui confèrent-elles un je ne sais quoi de piquant ? D’où vient cet intérêt qui perdure au-delà de la cession de la Nouvelle-France à l’Angleterre ? Quelles sont les sources les plus probables des lieux communs véhiculés tout au long du siècle ? Que pouvait apporter aux représentations de la Nouvelle France la dimension visuelle et performative du théâtre ? Ces pièces occupent-elles une place spécifique parmi celles qui évoquent l’exotisme et l’utopie ? Ou encore, plus fondamentalement, de quoi parle-t-on dans ce corpus composé d’une vingtaine de pièces ?

 

Prière d’envoyer vos propositions (titre et bref résumé) avant le 15 avril 2017 à Sébastien Côté sebastien_cote@carleton.ca et Pierre Frantz frantzp@club-internet.fr