Marie Gouze, dite Olympe de Gouges

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Marie Gouze, dite Olympe de Gouges
Conjoint(s) Louis-Yves Aubry
Dénomination(s) Olympe de Gouges
Marie-Olympe de Gouges
Biographie
Date de naissance 7 mai 1748
Date de décès 3 novembre 1793
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)


Notice d' Olivier Blanc, 2020

Née le 7 mai 1748 à Montauban (Tarn-et-Garonne) officiellement d’un père maître boucher, Marie Gouze est en fait la fille adultérine du marquis Le Franc de Pompignan, auteur à succès, dont elle revendiquera le talent plutôt que les idées. Veuve avant 1772 de Louis-Yves Aubry, elle rencontre Jacques Biétrix de Rozières, directeur du Bureau des Fonds de la Marine et des colonies à Versailles avec lequel elle entretient une liaison de 1773 à 1792. Elle se fait une réputation de bel esprit dans les salons parisiens sous le pseudonyme d’Olympe de Gouges et compose des pièces de théâtre représentées sur les théâtres privés ou publics entre 1784 et 1793. Elle noue des relations de qualité avec plusieurs écrivains dont certains sont membres de la Loge [maçonnique] des Neuf Sœurs, tels que Louis Sébastien Mercier ou Michel de Cubières. Dès 1783, elle réclame l’abolition de la traite des Noirs dans une pièce de théâtre (Zamore et Mirza), publie des Réflexions sur les hommes noirs en 1788 et compose Le Marché des Noirs en 1790. Selon Jacques Pierre Brissot, son président, elle adhère en 1790 à la Société des amis des Noirs - l’abbé Grégoire lui rendra hommage pour cet engagement en 1808. Tour à tour, elle dénonce le recours aux lettres de cachet, l’emprisonnement pour dette (L’Homme généreux) et la prise de voile forcée des filles (Le Couvent ou les vœux forcés), revendique le droit au divorce (Nécessité du Divorce), milite pour l’affirmation de la dignité des femmes dans les préfaces à ses pièces, dans un roman philosophique paru en 1792 et dans sa célèbre Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Olympe de Gouges signe aussi un très grand nombre de pamphlets et d’affiches politiques dénonçant le despotisme, la corruption, et les injustices sociales. Elle se fait remarquer dès 1788 en proposant un impôt patriotique (Lettre au Peuple). Ce faisant, elle donne à la fois une visibilité et une respectabilité inédites à l’engagement politique au féminin, et c’est probablement ce qui est le plus transgressif et remarquable chez elle.
Elle se vante de n’appartenir à aucun parti, mais elle penche néanmoins, dès 1792, pour la modération : la « Plaine » et non la « Montagne ». Comme Vergniaud, Mercier, Condorcet ou Brissot, républicains de la première heure, elle est farouchement hostile à la violence, à l’idée de de museler l’opinion au prétexte des circonstances, notamment militaires. Sa hantise de la guerre civile lui fait prendre et afficher des positions courageuses en faveur des droits humains. Dans son Pacte national (juillet 1792), elle prône la réconciliation entre factions et, lorsqu’elle prétend en décembre se poser en défenseure du roi, elle juge Louis « coupable » mais déclare sa mort impolitique, demandant un sursis et l’appel au peuple. Ses critiques contre Robespierre et Marat la font connaître : elle leur reproche de pervertir « l’esprit de 1789 », de faire l’apologie honteuse des massacres de septembre et d’en appeler à « l’homme providentiel » (La Fierté de l’innocence et Réponse à la justification de Robespierre). Les Jacobins la dénoncent publiquement en octobre 1792. Les mois suivants, elle s’érige en défenseure du mouvement de la réconciliation avec son Avis pressant à la Convention (mars 1793) contre les agitateurs qui noyautent la Commune et menacent l’intégrité de la Convention (Œuvres de la citoyenne de Gouges... à Philippe). Lorsque survient le coup de force du 31 mai 1793, elle défend les députés proscrits et incarcérés (Testament politique) puis, dans une lettre courageuse, accuse la Convention soi-disant épurée d’avoir « perdu de sa splendeur » (9 juin 1793). Ces attaques frontales et sa nouvelle affiche Les Trois urnes ou le salut de la patrie dans laquelle elle appelle tous les Français à s’exprimer sur le gouvernement de leur choix, lui valent cette fois d’être arrêtée pour avoir contrevenu à la loi de mars 1793 sur les écrits « contre-révolutionnaires ». Après une détention douloureuse de trois mois et demi et divers écrits (Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire et Une patriote persécutée), elle est déférée au Tribunal révolutionnaire qui la condamne à la peine de mort. Surprise de ne pouvoir bénéficier d’un avocat, il lui est rétorqué qu’elle a « suffisamment d’esprit » pour se défendre seule (dernière lettre à son fils). Le 3 novembre 1793, elle meurt en s’écriant : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! ».
Aujourd’hui traduite dans de nombreux pays, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne n’est pas le seul titre de gloire d’Olympe de Gouges. Son œuvre dramaturgique, ses campagnes d’affiches, ses pétitions et adresses aux assemblées parlementaires, ses interventions dans l’espace public sur tous les sujets épineux du moment révèlent un engagement humaniste et laïc qui frappe par sa modernité.

Oeuvres

Dix pièces de théâtre dont quatre représentées sur différents théâtres publics et publiées :

  • Zamore et Mirza ou l’Heureux naufrage, Paris, 1788.
  • Le Couvent ou les vœux forcés, 1792.
  • Mirabeau aux Champs-Elysées, 1791.
  • L’Entrée de Dumouriez à Bruxelles, 1793.

D’autres sont publiées ou jouées sur des théâtres privés :

  • L’Homme généreux, 1785.
  • Le mariage inattendu de Chérubin, 1786.
  • Molière chez Ninon ou le siècle des grands hommes, 1788.
  • Le philosophe corrigé ou le cocu supposé.
  • Les aristocrates et les démocrates, 1790.

Pièces manuscrites :

  • "Nécessité du divorce" (1790).
  • "Le marché des Noirs" (1790).

La liste complète des œuvres dramatiques est consultable avec la liste de ses ouvrages saisis à domicile en 1793 dans la biographie par O. Blanc (voir infra).

Une cinquantaine d’écrits patriotiques sous la forme de brochures et/ou d’affiches dont,

  • en 1788, La Lettre au Peuple; Remarques patriotiques;
  • en 1789 : Action héroïque d’une Française ou la France sauvée par les femmes ; Réponse au champion américain ;
  • en 1790 : Départ de M. Necker et de Mme de Gouges ; Projet sur la formation d’un tribunal populaire; en 1791 : Projet d’une garde nationale de femmes ; Sera-t-il roi ? ; Les droits de la femme et de la citoyenne ;
  • en 1792 : Le bon sens français ; L’esprit français; Pacte national ; La fierté de l’innocence ; Compte moral rendu à la Convention ; Réponse à la justification de Robespierre ; Olympe de Gouges défenseur officieux de Louis Capet ;
  • en 1793 : Complots dévoilés ; Avis pressant à la Convention ; Testament politique ; Les Trois Urnes ou le salut de la patrie ; Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire ; Une patriote persécutée

Presque tous les écrits de 1792 et 1793 existent sous forme de placards ou d’affiches subsistant en très petit nombre).

Olympe de Gouges a publié d’autres écrits

  • comme un roman épistolaire largement autobiographique: Mémoire de Madame de Madame de Valmont (1788) ;
  • Réflexions sur les hommes nègres (1788) ;
  • Le Bonheur primitif de l’homme ou les rêveries patriotiques (1789) ;
  • Le Prince philosophe (1792).

Un très grand nombre d’exemplaires de ces ouvrages, des manuscrits et papiers divers dont une importante correspondance avec Louis-Sébastien Mercier ont été brûlés après son exécution en novembre 1793.

Olympe de Gouges a enfin publié une dizaine d’articles dans la presse parisienne (1789-1792).

Principales sources

  • Alexandre Tuetey, Répertoire des sources manuscrites de l’histoire de Paris pendant la Révolution, volume X 1912 (précieux inventaire analytique du dossier Olympe de Gouges W 293 n°210)
  • Olympe de Gouges, Ecrits politiques présenté par Olivier Blanc (inédits), Paris Côté femmes, 1993 (deux volumes)
  • Théâtre politique présenté par Gisela Thiele Knobloch, Paris, Côté femmes, 1994 (deux volumes). Voir notamment dans volume II (pp 43-46), la retranscription de l’inventaire manuscrit des papiers trouvés chez Olympe de Gouges avant d’être brûlés.

Choix bibliographique

  • Lairtullier (E.), Les Femmes célèbres de 1789 à 1795 et leur influence dans la Révolution, Pour servir de suite et de complément à toutes les histoires de la Révolution française, Paris, Librairie politique France, 1840 (deux volumes).
  • Forestié (Edouard), Olympe de Gouges, Montauban, Forestié, 1901 (tiré du Recueil de l’Académie du Tarn et Garonne, 1900).
  • Lacour (Léopold), Les origines du féminisme contemporain. Trois femmes de la Révolution, Paris, Plon, 1901 (tiré de la Revue de Paris, 1898).
  • Blanc (Olivier), Olympe de Gouges, Paris Syros 1981 (rééd. 1989). Version corrigée et augmentée : Marie-Olympe de Gouges Une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, Cahors, éditions René Viénet, 2003 (rééd. augm. Paris, Tallandier, 2014).
  • Poirson, Martial (sous la dir.), Amazones de la Révolution. Des femmes dans la tourmente de 1789, Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2016, pp. 68-79 (ouvrage édité dans le cadre de l’exposition « Amazones de la Révolution présentée au musée Lambinet à Versailles du 5 novembre 2016 au 2 février 2017).

Choix iconographique

Il existe trois portraits originaux d’Olympe de Gouges dont une miniature (vers 1788) publiée par Léopold Lacour (non localisable actuellement), un pastel (exécuté vers 1789) publié par Olivier Blanc (collection particulière), et un dessin rehaussé de la collection Soulavie (cabinet des dessins du Louvre in catalogue de l’exposition Soulavie). Une pierre noire sur papier bleu, dessin préparatoire à une huile sur toile (datée vers 1800) - vendue à Drouot (Tajan, 24 juin 2002) -, conservé au musée Carnavalet et parfois reproduit, ne représente pas Olympe de Gouges.

Choix de liens électroniques

  • Généalogie et biographie d’Olympe de Gouges (inédits)[1]
  • Traduction en anglais de l’œuvre littéraire et politique d’Olympe de Gouges[2]

Jugements

  • « Quand les despotes sont armés, l’inaction et le silence accusent le citoyen. Il faut combattre pour la liberté ou entretenir par ses écrits le feu du patriotisme. Personne ne s’est plus empressé de payer cette dette sacrée que la républicaine Olympe de Gouges. » (Louis Sébastien Mercier, Le Journal de Paris, 23 février 1793, p. 216).
  • « Olympe de Gouges née avec une imagination exaltée prit son délire pour une inspiration de la Nature. Elle voulut être homme d’Etat (…) Il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe (…) Rappelez-vous cette virago cette femme homme l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, qui abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes (…) Nous voulons que les femmes soient respectées c’est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes » (Pierre Gaspard Chaumette « Aux Républicaines » (La Feuille du Salut public) cité le 29 brumaire an II dans le Moniteur, 1841 (réimpr.) tome XVIII, p. 450-451).
  • « Ce fut sans contredit une des femmes les plus spirituelles, les plus éloquentes et les plus courageuses que la France ait produite (…) Peut-être que, si elle fût restée dans le mouvement auquel son enthousiasme semblait appartenir, eût-elle obtenu d’importantes concessions en faveur des femmes. On aurait fini par rendre hommage à ses talents et à l’impulsion utile en résultats qu’on leur devait, et par là, donner la récompense des honneurs et des marques distinctives refusées à son sexe ». (E. Lairtullier, Les femmes célèbres de 1789 à 1795 et leur influence dans la Révolution, Paris 1840, II, p. 138)
  • « Avec son ignorance dans ses illusions, avec sa déplorable fougue de fécondité, Olympe de Gouges apparaît en définitive dans son théâtre – Molière chez Ninon restant à part, la Vésuvienne du puéril et du banal. (L. Lacour, Trois femmes de la Révolution, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1900, p. 42)
  • « Sûre d’elle-même et de sa vocation, l’auteure se révèle parfaitement prête à participer au débat sur le théâtre moderne. Bien plus que l’imitation des maîtres, ce sont les nouveautés dramatiques qui l’intéressent (…). On a critiqué la naïveté des conceptions d’Olympe de Gouges sur la Nature. Mais il me semble que, chez cette femme qui s’intéresse à la métempsychose, à la franc-maçonnerie et à la transsexualité, la naïveté est plutôt un « topos » littéraire, masque ou déguisement pour mieux se protéger contre les attaques d’une critique masculine impitoyable ». (Gisela Thiele-Knobloch préface à Olympe de Gouges, Théâtre politique, Paris, Côté femmes, 1993, t. II, p. 12-24)
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