Louise de Marillac (1591-1660)

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Louise de Marillac (1591-1660)
Conjoint(s) Antoine Le Gras
Dénomination(s) Mademoiselle Le Gras
Sainte Louise de Marillac
Biographie
Date de naissance 1591
Date de décès 1660
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Yves Krumenacker, 2007.

Louise de Marillac naît le 12 août 1591 à Ferrières-en-Brie. Fille du conseiller au Parlement Louis de Marillac, elle est issue d’une famille illustre. Son grand-père, Guillaume de Marillac, a été surintendant des finances. Son oncle Michel est garde des Sceaux, un autre oncle, Louis, est maréchal de France; ils seront, l’un incarcéré, l’autre exécuté, après la Journée des Dupes, qui consacre la victoire de Richelieu sur le parti dévot (1630). Louise est élevée chez les dominicaines de Poissy, où elle reçoit, notamment, une éducation spirituelle et artistique. Elle en sort à douze ans pour entrer dans une modeste pension. À la mort de son père, en 1604, elle est délaissée par sa famille. Attirée par un idéal de pauvreté, elle veut entrer au couvent des capucines de la rue Saint-Honoré, à Paris. Mais le provincial des capucins s’y oppose, à cause de sa santé. Ses oncles s’occupent alors de la marier: le 5 février 1613, elle épouse un secrétaire des Commandements de la reine, Antoine Le Gras. Un enfant, Michel, naît en octobre 1613. La famille vit paisiblement, jusqu’à ce qu’Antoine, tombé malade, devienne très irritable. Louise est persuadée que cette maladie est la conséquence de son renoncement à la vie religieuse; elle sombre dans la dépression. Soutenue par son directeur spirituel, Jean-Pierre Camus, disciple de François de Sales, qui l’encourage à rester fidèle à son devoir d’épouse, elle décide, dès 1623, de se consacrer aux pauvres par une autre voie que la vie religieuse classique. Antoine Le Gras meurt le 21 décembre 1625. Alors dirigée par Vincent de Paul, Louise de Marillac quitte sa maison en raison de difficultés financières, et s’installe non loin de celui-ci, à Paris, rue Saint-Victor. En 1629, Vincent de Paul décide d’en faire sa collaboratrice et la charge de visiter et d’animer les confréries de Charité, qui connaissent un grand succès en France, notamment auprès des dames. En 1630, il lui fait rencontrer Marguerite Naseau, simple vachère de Suresnes, qui, avec d’autres paysannes, veut aider les Dames de la Charité pour les tâches les plus humbles auprès des malades. Après une expérience de «mariage mystique» avec le Christ, survenue le 5 février 1630, Louise de Marillac envisage un nouveau projet à l’intention de ces filles. Elle persuade Vincent de Paul de les regrouper en communauté et les accueille chez elle, le 29 novembre 1633. La première compagnie des Filles de la Charité voit ainsi le jour, institut féminin séculier au service des pauvres. Louise de Marillac consacre le reste de sa vie à cette entreprise originale, qui permet à des filles, non contraintes à la clôture, de circuler dans le monde pour y accomplir leur mission caritative. Elle assure la formation spirituelle des soeurs, veille à la gestion matérielle des maisons, répond aux multiples appels des diocèses, jusqu’en Pologne. Le 25 mars 1642, elle fait voeu, avec quatre autres, de se consacrer au service du Christ en la personne des pauvres et poursuit ses oeuvres de charité. Elle contribue à la fondation des Enfants-Trouvés, où les Filles de la Charité sont employées. Elle héberge les réfugiés lorrains qui fuient la guerre de Trente Ans, secourt les malheureux pendant la Fronde, participe en 1653 à la création de l’hospice du Saint-Nom-de-Jésus (Paris). En 1656 naît l’hôpital général de Paris, en grande partie financé par les Dames de la Charité et dont les Filles de la Charité forment le personnel. Au terme d’une vie très active, Louise de Marillac meurt le 15 mars 1660, peu avant Vincent de Paul.

Louise de Marillac n’a publié aucun de ses écrits, mais ses pensées ont été recueillies de son vivant, avant d'être rééditées aux XIXe et XXe siècles. C’est surtout par sa spiritualité, inspirée de Bérulle et concrétisée dans ses nombreuses oeuvres de charité, qu’elle est connue. Longtemps éclipsée par la gloire de Vincent de Paul, elle n’a été béatifiée que le 9 mai 1920 et canonisée le 11 mars 1934. Elle apparaît aujourd’hui comme un agent actif de la Réforme catholique, tant sur le plan de la bienfaisance que de l’enseignement. Son action s’est perpétuée: les Filles de la Charité constituent la congrégation féminine la plus nombreuse du monde actuel, avec vingt et un mille membres, dans quatre-vingt-quatorze pays. Nombre d’institutions charitables, dès le XVIIe et, surtout, au XIXe siècle, s’en sont inspirées. Plusieurs hôpitaux ou écoles portent son nom. En revanche, les historiens se sont encore peu intéressés à elle.

Oeuvres

- Lettres et nombreux documents transcrits et rédigés par Louise de Marillac: Vincent de Paul, Correspondance, entretiens et documents, éd. Pierre Coste, Paris, 1920-1925, 14 vol.
- Écrits spirituels: Méditations. Avis. Maximes. Pensées. Testament. Lettres, Namur, Éditions du Soleil Levant, 1960.
- Écrits spirituels: Écrits spirituels, éd. Élisabeth Charpy et la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, Paris, Mame, 1983.
- Lettres et écrits spirituels: Spiritual Writings of Louise de Marillac. Correspondence and Thoughts, éd. et trad. Louise Sullivan, New York, New City Press, 1991.
- Écrits spirituels: Un Feu dévorant. Méditations et prières, éd. Élisabeth Charpy, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. - Écrits spirituels: Vincent de Paul and Louise de Marillac. Rules, Conferences and Writings, éd. et trad. Frances Ryan et John E. Rybolt, New York, Paulist Press, 1995.

Choix bibliographique

- Calvet, Jean, Louise de Marillac par elle-même, Paris, Aubier, 1958.
- Charpy, Élisabeth, Petite Vie de Louise de Marillac, Paris, Desclée de Brouwer, 1991.
- Diefendorf, Barbara B., From Penitence to Charity. Pious Women and the Catholic Reformation in Paris, Oxford, Oxford University Press, 2004, p.210-216.
- Dodin, André, «Louise de Marillac», dans Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris, Beauchesne, 1976, t.9, col.1081-1084.
- Krumenacker, Yves, L’École française de spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et leurs interprètes, Paris, Cerf, 1998, p.256-261.

Choix iconographique

- 16** : Anonyme, Retable avec portrait peint de Louise de Marillac, Pontcarré, église Saint-Roch.
- 16** (dernier quart du XVIIe siècle) : Anonyme, Mademoiselle le Gras (huile sur toile, 73,5 x 57,5 cm), hôpital de Moissac.
- 17** (1re moitié du XVIIIe siècle) : Gaspard Duchange (1666-1757), Le vray pourtrait de Madamoiselle le Gras (burin, 35,3 x 25,5 cm), Versailles, Musée national du château (LP29-117); Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes (BnF); copie anonyme (huile sur toile, 56 x 47 cm, Fontenay-le-Comte, église Notre-Dame).
- 17** : Anonyme, Sainte Louise de Marillac (huile sur toile, 98 x 80 cm), hôpital de Moissac.
- 1816 : Jean-Jacques-Thérèse Delusse et Nicolas Bazin, Saint Vincent de Paul visitant les filles de la Charité d'Angers en 1649 (huile sur toile, 200 x 260 cm), Angers, Hospice Sainte-Marie, en dépôt au Musée des Beaux-Arts.

Liens électroniques

  • Biographie et Oeuvres

Site JesusMarie.com
- http://www.jesusmarie.com
Ce site propose en ligne: l’édition de Pierre Coste, Vincent de Paul, Correspondance, entretiens et documents (Paris, 1920-1925, 14 vol.) qui contient des lettres et de nombreux documents transcrits et rédigés par Louise de Marillac; la biographie de Louise de Marillac par Nicolas Gobillon (La vie de mademoiselle Le Gras, fondatrice et première supérieure des filles de la Charité, servantes des pauvres, Paris, André Pralard, 1676).

Les Filles de la Charité
- http://www.filles-de-la-charite.org/fr/about.aspx
Ce site trilingue présente l’histoire, la spiritualité et la situation actuelle des Filles de la Charité. Un lien renvoie à des biographies des personnages qui ont marqué la congrégation, dont Louise de Marillac.

Jugements

- (Adresse aux filles de la Charité) «Jusqu’à cette heure, Mademoiselle a bien conduit les affaires, par la grâce de Dieu, et si bien que je ne connais point de maison de filles dans Paris qui soit dans l’état que vous êtes. Toutes se plaignent qu’elles doivent, et les filles de Sainte-Marie et plusieurs autres. Même les Filles-Dieu, si je ne me trompe, m’ont dit qu’elles devaient. Voyez quelle bénédiction Notre-Seigneur a donnée au bon gouvernement que l’on a tenu. Il y a deux ou trois maisons de filles qui depuis peu ont été contraintes de tout quitter pour n’avoir pas pris garde à cela et qui avaient peut-être plus de retenue que vous. Cependant vous n’avez pas eu une supérieure qui ait laissé aller la maison en défaillance; au contraire, elle vous a amassé de quoi en avoir une. C’est de quoi vous devez bien remercier Dieu, de vous voir dans un état tel, que je ne connais point de maisons de filles qui soient si bien. Non, je vous le dis, je n’en sache point dans Paris, et cela, après Dieu, par le bon gouvernement de Mademoiselle.» (Vincent de Paul, «Conseil du 8 septembre 1655», dans Correspondance, entretiens et documents, voir supra, oeuvres, t.XIII, p.695)

- «On ne peut pas douter que la vie de Mademoiselle Le Gras ayant été incessamment appliquée pendant plus de trente années à tous les exercices de la Charité, n'ait été remplie d'un grand nombre de bonnes oeuvres, dont la connaissance aurait donné plus d'éclat à son mérite, et plus de consolation, et d'édification à sa Compagnie. Cependant le détail d'une si sainte vie n'a pas été remarqué avec le soin et l'exactitude qu'il méritait, et je n'ai pu prendre qu'une idée générale de ses vertus sur les mémoires qui m'ont été communiqués. On m'en a mis entre les mains qui regardent l'Institution de sa Compagnie, et les établissements différents qu'elle a faits. J'ai lu quelques unes de ses lettres, et des extraits qu'elle a laissés de ses Méditations, et de ses Conférences: j'ai consulté les personnes qui ont eu part à ses desseins, et dont la mémoire a pu rendre quelque témoignage de ses actions. Et sur cela j'ai formé le plan de cette histoire, qui aurait été plus considérable, si j'avais pu découvrir toute la matière qui en pouvait faire la composition. On ne laissera pas néanmoins de tirer quelque avantage de ce peu de fonds qui est resté.» (Nicolas Gobillon, «Avertissement», dans La Vie de mademoiselle Le Gras, fondatrice et première supérieure des filles de la Charité, servantes des pauvres, Paris, André Pralard, 1676)

- «Dans les notes et résolutions d’une autre des retraites de Louise, on trouve encore cette simple mention: “Mes petits amusements en images et autres dévotions.” Lorsqu’on a vu les petites aquarelles auxquelles elle s’appliquait dans son temps de jeune fille, on comprend le sens de ces mots: images de dévotion, amusements. Mais à ces essais primitifs ont succédé aujourd’hui de grandes toiles religieuses dont on place la date à ces premières années plus libres de son veuvage […]. Tel est le tableau qui, de Cahors, a passé en la possession de la Maison-Mère […]. C’est une représentation de Notre-Seigneur Jésus-Christ en pied, presque de grandeur naturelle, avec un coeur rayonnant sur la poitrine, présentant ses deux mains percées dans l’attitude du Venite ad me omnes, et avec une grande expression de bonté.» (Mgr Baunard, Sainte Louise de Marillac, fondatrice des Filles de la Charité, Paris, J. de Gigord, 1934, p.39-40)

- «She had found a work in which her human and spiritual gifts could flourish... Although she still relied on Vincent particularly in her spiritual life, she had become his collaborator and equal, a woman of decision.» (Louise Sullivan, «Louise de Marillac. A Spiritual Portrait», dans Vincent de Paul and Louise de Marillac, voir supra, oeuvres, p.44)

- «De 1633, moment où les premières jeunes femmes se rendirent chez Mlle Le Gras, jusqu’à l’année 1658 quand la compagnie, qui comptait alors 800 membres, reçut ses lettres patentes du Parlement, le tableau est toujours le même: les événements poussent en avant les fondateurs, qui se débattent pour contrôler la situation et consolider l’immense succès de leur institut. Tout au court de ce long cheminement, c’était Mlle Le Gras qui percevait les problèmes, leur trouvait des solutions et demandait qu’on prenne les décisions. Préoccupé par d’autres difficultés et lent par ailleurs à se décider, Monsieur Vincent préférait attendre d’être sûr “que le bon Dieu le [veuille]” (Abelly).» (Elizabeth Rapley, Les Dévotes. Les femmes et l’Église en France au XVIIe siècle, Paris, Bellarmin, 1995, p.128-129)

- (À propos du modèle de vie illustré par la biographie de Louise de Marillac) «Toutes, du fait de leur vie qui témoigne d'une foi profonde mise au service de Dieu et du prochain, sont qualifiées de “saintes veuves” […]. Toutes ces biographies mettent en scène des jeunes femmes qui se sont retrouvées très vite veuves, à des âges encore tendres -le fait de devenir veuve jeune renforçant le côté exemplaire et remarquable du choix de vie après le décès du mari. Récits reconstruits, ayant pour but de définir un idéal, c'est moins le personnage que le modèle qui importe. Ceci explique la manière stéréotypée dont sont construits ces récits.» (Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l'Ancien Régime, Paris, Belin, 2001, p.57)

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