Gabrielle Fouquart/Hilarion de Coste

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Extrait de la notice de MARIE ET FRANCOISE DE LUCENA SOEURS FONDATRICES DES RELIGIEUSES de l'Ordre des Minimes, ou de la 2. Regle de saint François de Paule: ET GABRIELLE DE JESUS MARIA D'ABBEVILLE Fondatrice du méme Ordre en France.
[II, 677] A méme temps que Monsieur l'Evéque de Riez composoit l'Histoire de l'Ordre des Minimes, le premier Monastere des Soeurs de la 2. Regle fut étably en France dans Abbeville (1), par le Reverend Pere François de la Riviere, Parisien, Collegue ou Assistant François du Reverend Pere François de Mayda XXXVI. General de l'Ordre, et son Vicaire et Visiteur general par les provinces de France: où ont vécu et sont decedées plusieurs Religieuses eminentes en pieté, dont la premiere Superieure fut la mere Gabrielle de Jesus Marie, dont je suis obligé de faire l'eloge, puisque méme des Religieux d'autres Ordres que du nostre ont parlé d'elle et écrit sa vie dans l'Histoire Ecclesiastique de cette ville Capitale du Comté de Pontieu (2).
La Reverende Mere Gabrielle de Jesus Marie nâquit le 15. d'Avril de l'an 1568. à Abbeville de parens fort vertueux et craignans Dieu: son pere s'appelloit François Foucquart Receveur des tailles en la méme ville, et sa mere Marie Caisier fille de François Caisier (3) Procureur du Roy à Abbeville, homme de haute probité qui avoit esté Majeur de cette ville capitale du Pontieu, et recommandable pour sa liberalité vers les Religieux et les pauvres, qui voulut élever à la vertu et à la pieté Gabrielle sa petite fille, qui donna deslors des marques de sa sainteté et des vertus qu'elle feroit paroistre en ces quatre états, sçavoir de fille, de mariée, de veuve, et de Religieuse.
A dix ou onze ans elle perdit son ayeul paternel, ce qui l'obligea de retourner chez son pere, auquel elle témoigna qu'elle desiroit estre Religieuse. Il ne la contraria point, et méme demanda sa place pour elle à l'Abbesse d'Epaigne, qui luy fut accordée avec affection. Mais le méme jour qu'il avoit destiné pour la conduire, il tomba malade de la [678] maladie dont il mourut: ce qui affligea cette petite Orfeline. Nostre Seigneur qui voit tout et dispose de tout, la reservoit pour une autre occasion.
Elle ne perdit pas pourtant l'esperance d'estre Religieuse, et persevera constamment jusques à l'aage de 26. ans que le Sieur Hermant son oncle la maria assez precipitamment à un honneste homme de la méme ville, nommé Monsieur du Val (4) qui estoit lors veuf, et estoit en bonne estime dans Abbeville, tant pour son extraction et ses alliances, que pour sa probité. Cette Demoiselle se porta à ce mariage plustost pour obeir à ses parens, et particulierement à son oncle qui luy tenoit lieu de pere, que par inclination qu'elle y eust. Car elle conservoit le desir qu'elle avoit eu dés ses plus jeunes ans de n'avoir point d'autre époux que celuy qui est la couronne des Vierges. Mais n'ayant pas eu assez de hardiesse pour resister aux commandemens de ses proches, elle leur obeit sans avoir eu le loisir d'y penser, ny qu'elle eust jamais parlé à celuy qu'elle devoit fiancer, s'abandonnant entierement à la Providence de Dieu, le priant presque à chaque moment, qu'elle entrast en ce nouvel estat avec sa benediction et sa grace. Aussi dés lors qu'elle fut liée par le plus ancien des Sacremens, et qui est la pepiniere du Christianisme, elle monstra en sa conduite beaucoup de jugement. Elle gagna le coeur de son mary si absolument, qu'autre qu'elle ne le possedoit; il y avoit une telle conformité d'humeurs entre eux, que ce qui plaisoit à l'un ne pouvoit pas déplaire à l'autre. Elle luy rendoit l'honneur et le respect qu'elle estoit obligée; ce qui fut cause qu'ils véquirent en une parfaite union et intelligence. L'amitié conjugale qui est fondée sur la vertu est bien plus excellente, que celle qui n'a point d'autre appuy que les biens et les contentemens exterieurs. O que c'est une belle chose qu'une alliance chaste et sainte! sa memoire est en veneration, parce qu'elle est en estime devant Dieu et devant les hommes. Le lien du mariage fait que deux sont une méme chair: Mais cette union est bien plus parfaite, quand elle passe dans l'unité des esprits beaucoup plus unissables que les corps.
[679] Dés lors elle reprit avec plus de courage le train de la vie devote, qu'elle avoit plustost discontinuée que laissée, ayant succé la pieté avec le laict: Elle employoit fort bien le temps à prier Dieu, à lire les vies des Saints les oeuvres du Reverend Pere Louis de Grenade, et autres livres spirituels, à frequenter les Sacremens de la Confession et de l'Eucharistie, et à faire soigneusement son examen de conscience; tout estoit bien reglé en sa maison, elle donnoit une grande edification à ses domestiques, et gouvernoit toute l'oeconomie de sa famille, avec un esprit paisible et tranquille, sçachant bien que les devotions de la femme mariée doivent estre reglées d'autre façon que celles des Religieuses.
Plusieurs croyent que la devotion consiste à dire beaucoup de prieres, ce qui fait que plusieurs femmes sous pretexte de devotion oublient leur ménage, et laissent leur famille à l'abandon pour demeurer trois ou quatre heures, et méme des matinées entieres dans des Eglises à chasser les distractions, ou bien à attendre que le ciel tombe dans leurs coeurs: Elle estimoit cette façon de faire une vraye faineantise; et au lieu de spiritualité une pure vanité: d'autant qu'elle sçavoit que les choses de Dieu sont tousjours faites par ordre. Aussi son mary la respectoit grandement, voyant le soin qu'elle avoit de son Domestique aprés avoir vacqué aux choses du Ciel et donné ses premieres pensées à Dieu: c'est pourquoy on n'entendoit dans sa maison, que des paroles de douceur, de respect et de charité, et elle pouvoit servir de modele à toutes les autres maisons de la ville pour la parfaite union qui doit estre entre le mary et la femme. Ses vertus la firent aimer et honorer de toutes les Dames de cette ville capitale du Comté de Pontieu, et particulierement sa charité, estant tousjours preste à secourir tout le monde; cherchant neantmoins le Royaume de Dieu et son service avant toutes choses: car comme le Ciel a esté formé premier que la terre, aussi faut-il que le soin du Ciel precede celuy de celles de la terre. Sa liberalité vers les pauvres la fit fort estimer; en effet c'est cette vertu qui nous fait aimer des hommes, mais encore plus de Dieu. Il multiplia les biens d'Abraham, de Job, et de Loth, parce qu'ils estoient [680] charitables. Abraham couroit aprés les pauvres pour leur donner, comme un autre se porteroit pour recevoir. Le Ciel en fin donna sa benediction à cette Demoiselle et à sa famille pour ses aumosnes.
Nostre Seigneur qui connoissoit son coeur et le desir qu'elle avoit de vivre chastement, et d'estre Religieuse, ne la laissa pas long temps dans le mariage: car elle n'y demeura que 2. ans. Son mary fut frappé de peste. Son amour luy donna la force et le courage de l'assister en cette maladie, mais enfin cette inexorable qui divise l'ame du corps separa la femme du mary. Elle fit une action bien remarquable durant qu'il estoit à l'extremité. Le sieur du Val voyant qu'il ne pourroit pas eschaper de cette maladie, eut la volonté d'envoyer querir un Notaire pour faire son testament, fort avantageux pour sa femme qu'il aymoit grandement, et aussi pour bien partager les deux enfans qu'ils avoient eu ensemble, (à cause qu'il y en avoit d'autres d'un premier mariage). Mais elle ne voulut pas qu'il employast le peu de temps qu'il avoit encore à vivre, à penser aux affaires du monde: Elle luy dit ces belles paroles dignes de nos premieres Heroines du Christianisme: J'ayme mieux vous voir preparer à bien mourir, et acquerir les biens du Ciel, que d'abaisser vostre pensée à ceux de la terre: Dieu aura soin de moy et de vos enfans. Sa charité fut recompensée de la méme maladie contagieuse, qu'elle gagna pour l'avoir tousjours servi et veillé jusques à son heure derniere. Et l'on peut dire qu'elle la souffrit avec joye plustost qu'avec patience. Dieu luy donna la santé pour eslever deux enfans, sçavoir un fils et une fille: mais depuis par sa grace particuliere il les a appellez à son service: la fille nommée Anne du Val se jetta dans le Convent des Religieuses de saint François de Paule à Abbeville où elle a esté plusieurs fois Correctrice. Le fils nommé François du Val est decedé au mois de Juillet de l'an 1638. estant Prestre et Curé d'Ouviller, et a esté inhumé dans l'Eglise des mesmes Religieuses.
Si la Reverende Mere Gabrielle a vécu si saintement dans le mariage, elle n'a pas moins éclaté en vertus en sa viduité. Le Docteur des Gentils écrivant au saint Evéque Timothée apprend [681] cette leçon, quand il dit, Honore les veuves qui sont vrayement veuves. Il est certain que cette Dame a eu toutes les qualitez qui sont requises à une vraye veuve. Elle fut recherchée de plusieurs, ausquels elle ne voulut jamais entendre, s'habillant fort simplement et modestement, negligeant cette grande beauté qui la rendoit aymable, et luy donnoit le prix entre celles de sa condition. Elle aimoit la retraitte, et fuyoit toutes sortes de compagnies. En effet il faut que la veuve pour estre vrayement veuve, soit separée du monde, et que volontairement elle s'impose cette loy de n'y croire aucuns plaisirs pour elle. La veuve qui vit en delices, dit le mesme Apostre, est morte en vivant. Vouloir estre veuve, et se plaire neantmoins d'estre cajollée, se vouloir trouver aux festins et aux danses, vouloir estre parfumée, c'est estre une veuve vivante quant au corps, mais morte quant à l'ame.
Cette continence la fit estimer de toutes les Dames d'Abbeville et du Comté de Pontieu, qui admirerent sa bonne conduite. Elle donna non seulement un excellent témoignage de sa solide vertu et de l'amour inviolable qu'elle avoit pour son mary; mais encore elle a laissé une excellente instruction aux veuves gaillardes, qui dés le convoy de leurs maris ne forment point d'autres pensées en leur esprit, et n'ont pas d'autres desseins que d'en recouvrer un autre pour celuy qu'elles viennent de perdre. Cette grande ame ne songea qu'à la retraitte, et comme une tourterelle on ne la vid que dans la priere, et à l'escart, ayant éprouvé que le mariage a je ne sçay quoy d'embarassant et d'empeschant pour les vertus heroïques où elle avoit de grandes inclinations, et que c'est un contrepoids assez lourd, qui empesche malgré qu'on en ait, de s'eslever à un plus haut point de perfection, et sur tout qui oste le moyen de vivre dans le monde sans inquietude, ou d'y mourir sans regret.
Les lampes dont l'huile est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flames: ainsi les veuves, de qui l'amour a esté pur dans le mariage, répandent un plus grand parfum de vertu et de chasteté, quand leur lumiere est esteinte par la mort: d'aymer un mary tandis qu'il [682] est en vie, c'est une chose assez ordinaire entre les femmes: mais de l'aymer si ardemment, qu'aprés la mort on n'en veuille point d'autre, c'est une sorte d'amour, dont il n'y a que les vrayes veuves qui en soient capables. Esperer en Dieu tandis que le mary sert de support, ce n'est pas chose rare: mais d'esperer en Dieu, quand on est destitué de cét appuy, c'est chose digne de grande louange. C'est pourquoy on connoist plus aisément en la viduité la perfection des vertus que l'on a eu dans le mariage. Cét amour qu'elle avoit à la memoire de son mary luy fit prendre un soin tres-particulier de ses deux enfans. Car la veuve qui a des enfans qui ont besoin de son adresse et de sa conduite, et particulierement en ce qui regarde leur ame, et l'establissement de leur vie, ne peut ny ne doit en façon quelconque les abandonner: car saint Paul dit clairement qu'elles sont obligées à ce soin là, pour rendre la pareille à leurs peres et meres: et d'autant encores, que si quelqu'un n'a soin des siens, et sur tout de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidele: mais si les enfans sont en estat de n'avoir pas besoin d'estre conduits, la veuve alors doit ramasser toutes ses affections, pour les appliquer avec plus de soin à l'avancement de son ame, et en l'amour de Dieu.
Cette vraye veuve fit une confession generale à un bon Ecclesiastique nommé Pierre Sainthomme, Curé de Nostre-Dame de la Chapelle, et luy découvrit en general les desirs qu'elle avoit de quitter le monde, sans specifier en quel ordre Dieu l'appelloit. Il luy conseilla de s'adresser pour cét effet au Pere Pierre Hangart Minime, qui fut le premier qui la conduisit dans les voyes de Dieu. Aussi celuy qui commence à gouverner une ame, et à se charger de sa direction spirituelle, ne sçauroit se reposer, et ne le doit pas faire jusqu'à ce qu'il l'ait bien perfectionnée: que s'il se presente quelque occasion de l'assister, et de l'entretenir en ses pieuses intentions, il a grand interest de le faire: d'autant que tout ce qui en reussira à la gloire de Dieu, et à l'avancement spirituel du prochain luy est fort profitable. Elle se perfectionna grandement en la vie devote sous la conduite de ce Religieux, qui est decedé plein d'ans (5) et de [683] merite le 25. d'Avril de l'année 1644. il luy conseilla de ne point abandonner ses enfans, et d'entrer dans le 3. Ordre de saint François de Paule.
Avant qu'elle pratiquast les oeuvres de devotion, on ne parloit presque point à Abbeville de la Troisiéme Regle de ce Saint Patriarche des Minimes: Elle fut la premiere qui la receut, et la rendit considerable par sa bonne vie. Au bout de l'an de sa probation qui arriva le 29. d'Aoust 1601. feste de la decollation de saint Jean, estant âgée de 33. ans elle fit profession entre les mains du Reverend Pere Jean Alart pour lors Correcteur du Convent de l'Assomption ou des Minimes d'Abbeville, Religieux dont la memoire est en benediction.
Elle fut 20. ans Correctrice des Dames seculieres du Tiers Ordre d'Abbeville, et véquit 14. ans en communauté avec des filles devotes qui avoient fait aussi profession du tiers Ordre, durant lesquels elle donna de grands exemples de toutes les vertus Chrestiennes, mais particulierement de la charité et de la patience qu'elle fit paroistre en diverses occasions.
Les rigueurs de l'Hyver sont utiles à la terre, ses incommoditez luy sont commode, ses frimats la fertilisent, ses brouillards l'engraissent, sa neige l'eschauffe, ses pluyes la fecondent. Ce que le Ciel influe est tousjours favorable, il ne peut rien partir que de bon de la main de Dieu, mesme quand il nous envoye des afflictions, c'est pour nostre plus grand bien, et sa plus grande gloire. Lors que le grand Jubilé fut à paris l'an 1601. sa ferveur l'y porta d'y venir, pour le gagner, et fit le chemin avec une sainte allegresse. Au retour de ce voyage, le Coche où elle estoit renversa, dont elle fut blessée à la teste, qui fut cause qu'elle tint le lit l'espace de sept mois. Les Medecins qui la visiterent, disoient qu'elle demeureroit percluse de son corps, et incapable toute sa vie d'aucune fonction. Mais les jugemens des hommes sont bien differents de ceux de Dieu qui permit cette cheute, non pas pour la rendre inutile, mais pour la faire meriter davantage, puis que durant 14. ans entiers elle ressentoit de sensibles maux de teste qui redoubloient durant quelques intervalles.
La meilleure partie de sa vie depuis cette cheute a esté [684] une affliction et une Croix continuelle. L'adversité et la Croix sont la vraye adresse et le vray terme de la beatitude. Les saints Apostres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges, enfin tous les Bien-heureux n'ont point trouvé de plus seur chemin pour parvenir au vray repos, que de traverser le feu et l'eau des tribulations. Braves Soldats qui pour suivre leur Chef se sont librement exposez à mille maux et à mille morts, portans dans leurs coeurs le Saint Nom du Sauveur, combatans pour son amour sous l'estendart de la Croix; et disans continuellement,

Je ne veux autre chose, je ne veux rien, sinon

Que dans mon coeur repose de Jesus le Saint Nom:
Sans luy tout je méprise: sans luy tout me déplaist,
C'est luy seul que je prise, c'est luy seul qui me plaist.

Durant qu'elle servoit Nostre Seigneur sous la 3. Regle de saint François de Paule avec plusieurs Dames d'Abbeville parmy les Croix et les afflictions, elle passa saintement sa vie, employant parfaitement bien toutes les heures du jour. La matinée estoit toute pour le service de la Divine Majesté et ce qui estoit aprés le temps du disner, elle le donnoit à quelques ouvrages pour la decoration des Autels, ou à la visite des malades; et bien qu'elle fust souvent visitée par toutes les personnes devotes, elle ne perdoit jamais un seul moment de ses occupations plus serieuses.
Aprés avoir esté 20. ans à traitter l'establissement des Religieuses Minimes, ou de la 2. Regle de saint François de Paule, et receu plusieurs contradictions contre ce pieux dessein, tant de la part des Superieurs de l'Ordre qui ne vouloient point se charger de la conduite des filles; que par ses amis et ses parens qui luy firent des remonstrances assez aigres, et luy disoient: A quoy elle s'amusoit, elle qui estoit femme d'esprit et d'honneur, qui pouvoit vivre à son aise, et élever doucement ses enfans, sans aller rechercher un Ordre qui la rebutoit: Que si elle vouloit estre Religieuse, que du moins elle choisist un Monastere qui la receust agreablement. Les autres luy representoient, que voyant la grande difficulté qu'elle avoit d'estre de l'Ordre de saint François de Paule, luy proposerent d'estre Religieuse de saint Benoist ou de sainte Terese; et [685] méme les filles qu'elle avoit avec elle, la voulurent quitter pour se retirer dans d'autres maisons de Religion: mais elle respondit constamment à son Confesseur (6), que les Reverends Peres Joseph le Tellier et Pierre Hebert (dont les noms sont en veneration; Celuy-là a esté le XXV. celui-cy le XXXII. General de l'Ordre) luy avoient donné des asseurances qu'elle seroit Fondatrice de l'Ordre en France, et qu'elle seroit tousjours fidelle en sa sainte resolution.
Comme il sembloit qu'il n'y eust plus d'apparence que cela deust reussir, le Reverend Pere François de la Riviere dont j'ay parlé cy dessus visitant le Convent des Minimes d'Abbeville au mois de Juin de l'an 1621. elle luy presenta le jour de la veille de la feste de saint Jean Baptiste avec toutes les filles qui vivoient sous sa conduite, une requeste qui contenoit deux points. Le premier, d'estre Religieuses du tiers Ordre, n'ayant pas osé demander d'estre du 2. craignans d'estre refusées. Le 2. estoit, que s'il ne leur vouloit octroyer le permier, au moins qu'il leur accordast le 2. à sçavoir de leur permettre d'estre enterrées avec l'habit de Religieuses du 2. Ordre qui sont en Espagne et en Italie.
Elle presenta sa requeste au Pere de la Riviere comme il alloit à Vespres, qui n'eut pas le loisir que de luy dire ce mot, que demandez-vous, Mere Correctrice, en ce papier: Elle luy fit réponse, d'estre Religieuse mon Reverend Pere et du grand Ordre si vous voulez. Il luy dit: je ne sçay quelle difficulté nos Peres de France y ont trouvé, mais ils ne l'ont pas voulu, ils ont refusé des Reynes. Elle luy dit: celles que je vous presente ne sont pas Reynes ny Princesses, mais ce sont des filles qui sont bonnes et bien éprouvées de Dieu.
Tant y a que ce Pere Visiteur ayant appris des soeurs qui vivoient avec la Mere Gabrielle, qu'elles desiroient estre du second Ordre et qu'il y avoit quatorze ans qu'elles vivoient en Communauté suivant le conseil du Reverend Pere Hebert: Dés aussi-tost qu'il fut de retour de la Visite du Convent de Saint Pierre de Calais, il alla saluer Messire François le Fevre de Caumartin Evéque d'Amiens, auquel il fit sçavoir qu'estant à Abbeville, il avoit trouvé de bonnes soeurs du tiers Ordre de saint François de Paule, qui vivoient en Communauté depuis plusieurs années, et l'avoient prié de les renfermer [686] et de les faire Reglieuses: Qu'il leur avoit promis en qualité de Visiteur General, pourveu que sa Bonté voulust bailler son consentement. Ce Prelat qui avoit resolu de casser cette Communauté de Dames seculieres à Abbeville, fut fort aise de la resolution qu'avoit prise le Pere de la Riviere, et promit de luy donner son consentement.
Le lendemain, Monsieur d'Amiens allant aux champs, passa par le Convent des Minimes, où il donna son consentement au Pere de la Riviere, et luy donna avis de ne le dire pas aux Religieux, car il sçavoit qu'ils n'en desiroient pas l'establissement. Si tost que Monsieur l'Evéque fut party d'Amiens, le Pere de la Riviere alla promptement à Abbeville, où il ne fut pas si tost arrivé qu'il prit la resolution derniere de bailler le voile et le saint habit de Religion à la Reverende Mere Gabrielle, et à 13. filles de sa Communauté, qui le receurent avec une joye incroyable. Ce fut le jour de la feste du devot saint Alexis, que ces ferventes Religieuses eurent le contentement de se voir non seulement enrollées dans le 2. Ordre de saint François de Paule: mais aussi benir leur Maison, et entrer en closture, et faire toutes les autres ceremonies dans le nouveau Convent, dit de Jesus Marie. Aprés que le Reverend Pere de la Riviere eut mis l'ordre necessaire à cette nouvelle Maison, où la Reverende Mere Gabrielle et les filles qui estoient avec elles furent mises au Noviciat, il envoya en diligence au Reverend Pere Mayda General de l'Ordre des Minimes, et au feu Roy Louys XIII. pour confirmer ce nouveau establissement, qui ne manqua pas de trouver de puissantes oppositions, tant de la part de Monsieur l'Evéque d'Amiens, que des Peres Minimes de la Province de France ou de Paris.
Les Religieux du Convent d'Amiens ayant veu partir si promptement le Pere de la Riviere aprés la sortie de Monsieur l'Evéque, furent trouver ce Prelat aux champs où il estoit allé, pour luy faire leurs plaintes, et le prier d'empescher le dessein du Pere Visiteur. Il deputa Monsieur d'Oremieux son Aumosnier, et aprés luy Monsieur Louvel, pour dire de sa part aux filles qu'il leur defendoit sur peine d'excommunication, de recevoir le voile et l'habit de Religion; et au [687] Pere de la Riviere une sommation et retractation de son pouvoir. Mais avant qu'ils fussent arrivez à Abbeville, la Mere Gabrielle et ses filles avoient receu l'habit des mains du Pere de la Riviere par son adresse et sa diligence.
Le Reverend Pere François Mayda ayant envoyé une confirmation de cét establissement, mais depuis ayant receu les plaintes et les oppositions des Peres, il revoqua sa permission: la Reverende Mere Gabrielle fut dévoilée et toutes ses filles, le tres-saint Sacrement osté de leur Chapelle, et pour comble d'affliction, Monsieur l'Evéque d'Amiens les excommunia. En cette rencontre, elle fit paroistre qu'encore qu'elle eust contre elle l'Evéque Diocesain, un General de l'Ordre, un Provincial, une Province de Religieux, et une Cour de Parlement (7), elle avoit pourtant une resolution et une force d'esprit plus grandes que tous les accidens du monde; c'estoit pourtant sans presomption, puis qu'elle n'estoit animée que par une ferme confiance en la Providence divine qui la prit en sa protection: car nonobstant toutes les contradictions, le Pape Gregoire XV. leva toutes les censures et les excommunications, et erigea et institua sa maison en Monastere par une Bulle expresse du 10. Juin de l'an 1623. Enfin la Mere Gabrielle fut receue et admise à faire profession par le Vicaire de Dieu en terre, et par les Cardinaux deleguez sur les affaires des Reguliers. Ce fut le 23. de Mars de l'an 1624. qu'elle fit sa profession entre les mains du Reverend Pere Nicolas Lesguillier Theologien de l'Ordre des Minimes, et delegué par l'Eminentissime Cardinal Hipolyte Aldobrandin Protecteur, et le Reverend Pere Gilles Camart XXXVII. General du méme Ordre. La Mere Françoise Fouquart sa soeur, la Mere Caterine de Vis (dont les noms sont en benediction) la Mere Anne du Val sa fille, et soeur Anne Accart Oblate firent profession le méme jour avec leur Mere Fondatrice, qui fut éleue pour la premiere Correctrice.
Elle exerça cette charge l'espace de six ans, trois avant estre Professe, et trois aprés avoir fait profession, durant lesquels elle pratiqua et fit pratiquer à ses Religieuses les vertus necessaires aux ames qui veulent suivre la Vie et la [688] Regle de saint François de Paule, principalement la charité et l'humilité tant cherie de ce saint Patriarche, qu'il prit la premiere pour ses armes et sa devise, et l'autre, il voulut que ses enfans portassent le nom de Minimes, et de tres-petits.
J'ay dit qu'elle fut six ans Correctrice, à sçavoir depuis le 17. de Juillet 1621. qu'elle receut l'habit jusques au 3. de Juillet de l'année 1627. elle ne pouvoit estre que trois ans selon la Regle, mais le Pere Directeur trouva bon que les 3. ans quu'elle avoit esté comme Novice, ne fussent point comptez, mais seulement depuis sa profession qu'elle fit le 23. de Mars 1624. Ce fut particulierement durant ces trois dernieres années qu'elle donna des exemples de charité, d'humilité, de penitence, comme elle en avoit donné de patience, de constance, de resignation à la volonté de Dieu durant les trois premieres.
Sa charité paroissoit dans les moindres actions de pieté, s'assujetissant nonobstant ses incommoditez et ses maladies à tous les exercices de la Religion. Pour la celebration de l'office Divin, on pouvoit dire en verité que le zele de la maison de Nostre Seigneur la devoroit. Aussi saint François de Paule recommande aux soeurs dans le Chapitre 4. de la 2. Regle, qu'elles chantent l'office Divin avec une joyeuse ferveur.
Aprés s'estre acquitée de ce qu'elle devoit pour le service de sa divine Majesté, elle avoit un grand soin d'assister charitablement ses soeurs, et sur toutes les malades qu'elle visitoit souvent; et méme elle se levoit la nuit pour les soulager, ne se lassant jamais de bien faire, et luy sembloit recevoir un bien-fait quand elle en faisoit. Encore que sa maison fust tres-pauvre, elle procuroit tousjours que sa Communauté fust bien et religieusement entretenue de vestemens et de vivres. Elle recommandoit pour l'ordinaire en ses Chapitres la paix et la charité, et n'eust rien de plus sensible, que si elle eust veu quelque chose contraire à ces vertus. C'est pourquoy elle leur disoit d'ordinaire les paroles que l'Apostre saint Jean repetoit si souvent à ses Disciples. Mes enfans aymez-vous les uns les autres. Sa charité qui passoit les limites de ce monde, estoit grande vers les ames de Purgatoire, priant et faisant prier sans cesse pour [689] leur delivrance. Ces pauvres ames, disoit cette charitable mere, ne se pouvant pas ayder, languissent aprés nostre secours: mais quand elles sont montées au Ciel, et que nous sommes descendus dans le Purgatoire elles nous rendront la pareille.
L'humilité de cette Fondatrice de Soeurs Minimes en France, ne fut pas moindre que sa charité. Elle les saluoit tousjours la premiere, et monstroit des exemples de cette vertu si necessaire aux Religieux et aux Chrestiens en toutes les occasions, et consideroit souvent la doctrine du Sauveur le premier Superieur du monde, qui nous a fait cette belle leçon: Apprenez de moy que je suis doux et humble de coeur.
Sa douceur la fit aussi honorer de ses Religieuses, qui ont fait voir par leurs actions combien leur avoit valu d'estre élevées par une si bonne Mere, qui leur faisoit voir souvent par ses exhortations le bonheur qu'elles avoient receu de Dieu d'avoir quitté le monde et professé la vie reguliere. Il sembloit qu'elle eust gravé dans son coeur les paroles dont saint Bernard dépeint la diversité de ces deux vies, au livre de la Maniere de bien vivre qu'il dedia à sa soeur la Bienheureuse Humbeline, où il la conseille d'aymer la tranquilité du Monastere, et de fuir les dangers du monde. La vie au Convent (dit ce saint homme) est contemplative, au monde elle est laborieuse; elle est sainte au Monastere, au siecle remplie de pechez: au Convent elle est spirituelle, au siecle elle est charnelle: celle du Monastere est une vie du Ciel, celle du monde est de la terre: au Monastere elle est calme, au siecle turbulente: au Convent pacifique, au monde elle est brouillonne: la vie du Monastere est parfaite, celle du monde est vicieuse. Et aprés avoir rapporté plusieurs autres miseres ausquelles ceux du monde sont sujets, et les perils où ils sont exposez, et dépeint fort au vif la pauvreté et la sainteté de la vie Monastique, il parle en ces termes à sa soeur: Voicy le bien et le mal devant vous, la perdition est à vostre veue, ou le salut de vostre ame, voicy la vie et la mort, le feu et l'eau, estendez la main sur ce qui vous plaira: voyez icy le chemin du Paradis, et celuy de l'enfer: celuy qui conduit à la vie, et l'autre à la mort, entrez par lequel vous voudrez, je vous prie seulement de choisir le meilleur.
[690] Aprés qu'on eut fait élection d'une autre Mere Correctrice, elle fit voir estant sujete, que si elle avoit bien sceu commander, elle sçavoit encore mieux obeyr, et que si elle avoit toutes les qualitez d'une vraye Superieure, elle possedoit celles d'une humble Religieuse: car elle se rendit exemplaire en toutes choses, et comme elle estoit portée à s'humilier et à patir pour l'amour de Nostre Seigneur sa deposition luy en facilitoit la pratique.
Elle estoit fort contente qu'on l'advertist de ses manquemens, et craignoit que les autres ne luy applaudissent trop, par une bonté qui leur estoit naturelle, et que l'oeil de la bienveillance ne les empeschast de voir ses defauts. on luy faisoit plaisir de ne la point épargner, et on l'obligeoit de luy dire avec franchise et sincerité.
Cette tres-devote Mere aprés avoir passé saintement 18. années en l'ordre des Soeurs Minimes, ou de la 2. Regle de saint François de Paule, fut saisie d'une fievre quarte qui se changea depuis en continue, dont elle mourut le 3. Decembre de l'an 1639. estant agée de soixante et onze ans, sept mois et dix-huit jours, aprés avoir receu avec ferveur ses Sacremens, le Viatique dés le 21. de Novembre feste de la Presentation de la Vierge son incomparable Patrone, et l'Extreme-onction le dernier du méme mois, feste de l'Apostre saint André, et donné mille bons exemples à ses Religieuses durant sa maladie comme elle en avoit donné en santé, ayant les yeux vers le Ciel où elle jettoit sans cesse quelque oraison jaculatoire, et une infinité de souspirs, par lesquels elle donnoit assez à connoistre les ardeurs de son ame qui ne desiroit plus que d'estre dégagée de cette captivité, pour s'envoler en Paradis.
M. Saulmon Docteur qui l'avoit assistée durant son établissement, le Pere François le Fevre Directeur des Soeurs, et toutes les Religieuses receurent une grande consolation voyant la belle mort de la Venerable Mere Gabrielle, qui prit congé de ses filles par ces paroles: Adieu mes enfans, il faut mourir, cela est ordonné, mais bon courage, j'ay tant de confiance aux merites de la Passion de Nostre Seigneur Jesus-Christ, que sans doute le Ciel sera pour moy.
[691] Ainsi a vécu, ainsi est morte au Convent de Jesus Marie d'Abbeville, cette Religieuse et digne fille de saint François de Paule, et tres-devote servante de la Vierge, qui l'a tousjours gratifiée de quelque signalée faveur le jour du Samedy qui luy est dedié. Elle fit un Samedy profession du 3. Ordre, un Samedy elle receut l'habit de Religion, un Samedy elle fit sa profession solemnelle, enfin elle passa un Samedy de cette vie à l'eternelle et bien-heureuse. Plusieurs habitans d'Abbeville assisterent à ses obseques quand elle receut les honneurs de la sepulture le 4. Decembre 1639. des mains du Pere François le Fevre Directeur des Religieuses, et de ses Assistans les Peres Gabriel le Tourneur et Michel Roger.
Le Reverend Pere Ignace Joseph Sanson dit de Jesus Marie, Religieux de l'Ordre des Carmes deschaussez son parent, a écrit amplement sa vie au Livre I. de l'Histoire Ecclesiastique d'Abbeville. Le Reverend Pere François de la Noue Minime en la Chronique de l'Ordre, et le Reverend Pere Louis Jacob Carme en sa Bibliotheque des femmes illustres par leurs écrits, font mention honorable de la Venerable Mere Gabrielle Fondatrice des Religieuses Minimes en France, qui avoit pour devise ordinaire ces paroles, Mon Dieu, vostre amour, et non plus, qu'elle avoit souvent en la bouche, et encore plus souvent au coeur. Aussi cette bonne Mere disoit qu'elle ne faisoit estat que de l'amour de Dieu, ayant esté attirée au service de Nostre Seigneur par cette voye d'amour.
Encore que l'Ordre de saint François de Paule fondé sur l'humilité par ce fidele serviteur de Jesus Christ soit le moindre, le plus petit, et le dernier des autres, il y a neantmoins, graces à Dieu, plusieurs Religieuses qui ont vécu et sont decedées avec opinion de sainteté et d'eminente pieté, comme l'on peut voir aux livres VI. et VII. de l'histoire generale de l'Ordre des Minimes recueillie et composée par le Reverend Pere Louis Doni Dattichy, Theologien du méme Ordre, à present Evesque de Riez: et entre icelles a fleury une devote Demoiselle de la ville de Valence en Espagne, nommée GRACE, dont ce digne Prelat a aussi écrit la vie au livre VII. et le Pere François Victon Religieux du méme Ordre [692] et petit neveu de saint François de Paule, à laquelle les Lecteurs pieux et devots pourront avoir recours pour leur satisfaction; il me suffira de dire que sa pureté estoit Angelique, son élevation continuelle, son innocence admirable, sa souffrance incomparable, son humilité tres-profonde, sa foy tres-vive, sa charité tres-ardente, et son dégagement du monde et d'elle mesme tres-pur et tres-parfait. Dés sa jeunesse elle a esté prevenue de Dieu en ses benedictions, conservée en la grace du Baptéme jusques à la mort, preservée de tres grands assauts des demons, qui luy ont fait une guerre continuelle pour traverser les desseins de Dieu, sur la sainteté à laquelle elle estoit appellée. Ce fut le 16. de Janvier 1606. veille de saint Antoine, auquel elle avoit toujours eu une particuliere devotion, qu'elle passa de cette vie à l'autre, par une mort digne d'une fille spirituelle du Bien-heureux Louis Bertran de l'Ordre de saint Dominique, et des Peres Ambroise de Jesus, et Gaspard Bon, Minimes, tres-renommez pour leur pieté.
Grace, Demoiselle Valentinoise, qui a vécu cent douze ans, s'addonna grandement à l'une et à l'autre solitude, à la reelle ou locale, et à la mentale: là separée de tous les hommes, de celles mesme de son sexe, elle traittoit coeur à coeur des affaires de son ame avec Dieu, et disoit avec un saint Roy, J'ay veille, et ay esté semblable au Pelican de la solitude, j'ay esté faite comme le Chat-Huant, dans les mazures, et comme le Passereau au toict. Ces belles paroles de David estoient le sujet de ses plus hautes pensées, par lesquelles elle se maintenoit en l'une et en l'autre solitude, meditant continuellement la vie et la mort de nostre Sauveur, lequel sur le mont du Calvaire fut comme le Pelican de la solitude qui de son sang ravive ses poussins morts: en sa Nativité dans une estble deserte, il fut comme le Hibou dedans la mazure, pleurant nos fautes et nos pechez: et au jour de son Ascension il fut comme le Passereau, ou pour mieux dire le Passe-Solitaire, se retirant et volant au Ciel, qui est le toict du monde; car David doit estre entendu du Passe-Solitaire, et non pas du Passereau ou Moineau, lequel est le plus lascif de tous les oiseaux: c'est pourquoy les anciens le de-[693]dioient à Venus Deesse d'impudicité, et l'atteloient à son chariot. Mais le Passe-Solitaire est le symbole de l'ame devote et contemplative, habitant le plus souvent és precipices des rochers une partie de l'année, et l'autre és tuiles creuses, par les chasteaux situez en haut lieu, entre les montagnes, estant chose rare si on le voit voler par les campagnes, et par les vallées; tels Passe-Solitaires ont esté apprivoisez et nourris en cage; mesme le Roy François I. amateur et curieux des choses vertueuses en a tant estimé le chant, qu'il s'y plaisoit autant ou plus que de nul autre oiseau; et de fait estant doux et non violent, il est fort agreable, attendu qu'il chante aussi bien la nuit que le jour, pourveu qu'il voye la clarté de la chandelle, qui est encore le hieroglife de l'homme de bien, et des personnes Religieuses et consacrées au service de Dieu, qui nuit et jour chantent ses louanges, et meditent sa sainte Loy, et ont en mépris le monde, ses pompes, et ses vanitez, eslevans continuellement leurs yeux à Dieu qui habite au Ciel.
Au méme temps que florissoit Grace en Espagne, Marie du Drac (9) vivoit à Paris: Elle estoit veuve de Monsieur Aurillot Conseiller du Roy en sa Cour de Parlement, oncle de Mademoiselle Acarie, laquelle aprés avoir l'espace de dix-huict ans demeuré sans une sainte viduité, s'addonnant du tout à la vie contemplative, et s'exerçant en oeuvres pieuses vers les pauvres, mourut aux baisers du Seigneur le 11. Septembre de l'an 1590. Sa vie et ses actions pleines d'amour et de charité envers Dieu et envers le prochain ont esté écrites par le Reverend Pere Antoine Estiene, Religieux Minime.

(1) Abbeville, d'or, à trois bande d'azur, au chef de France, à sçavoir d'azur semé de fleurs de lys d'or, et pour devise et epithete le mot fidelis fidele.
(2) Louis Jacob. Ignace de Jesus Maria.
(3) Caisier d'or, à un lyon de gueules, chargé de deux chevrons de vair sur les espaules, emmenoté ou enferré de méme: d'autres disent de sable umbré d'argent.
(4) Du Val, d'azur, à un sautoir d'or, accompagné en chef d'une croisette d'or, et de trois coquilles de méme, une à chaque flanc et une en pointe.
(5) Ce bon Pere les dernieres années de sa vie a supporté la perte de la veue avec une patience admirable.
(6) Le Pere Thomas de Saigne.
(7) Elle ne receut point d'assistance durant ses afflictions, que de quelques Religieux de l'Ordre, de M. Saumon Docteur en Theologie son parent, et de Madame la Comtesse de Saint Paul.

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