Frédégonde

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Frédégonde
Titre(s) Reine de Neustrie
Conjoint(s) Chilpéric Ier
Biographie
Date de naissance Vers 545
Date de décès 596 ou 597
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Sabine Savoye, 2005.

Née vers 545, Frédégonde, “frede gund, c’est-à-dire “paix et guerre”, est certainement d’origine servile. Elle est d’abord la concubine de Chilpéric Ier, roi de Neustrie, qu’elle séduit par sa beauté. Après avoir écarté la première épouse du roi, Audovère, et fait assassiner la seconde, Galswinthe, soeur de la reine d’Austrasie Brunehaut, elle devient reine de Neustrie en 568. Comme reine jusqu’en 584, puis comme veuve, elle aurait été guidée par le souci d’assurer à sa nombreuse descendance, en dernier lieu à Clotaire (futur Clotaire II), le seul survivant, la succession royale et l’accession au pouvoir, au prix d’assassinats multiples. Selon Grégoire de Tours (partisan des Austrasiens), elle aurait fait assassiner le roi Sigebert Ier, roi d’Austrasie et demi-frère de Chilpéric, alors qu’il essayait d’envahir le royaume de Neustrie (575), puis fomenté le meurtre d’Audovère et de son fils Clovis (580), puis celui de Prétextat, évêque de Rouen (Pâques 586). Elle aurait aussi tenté d’assassiner, d’une part, sa fille Rigonthe, qui revendiquait une partie de son héritage, et, d’autre part, la reine Brunehaut dont elle jalousait le pouvoir et la richesse, ainsi que les rois Childebert II (fils de Brunehaut) et Gontran (autre demi-frère de son époux). Cependant, en 580, lorsque ses deux jeunes fils, Chlodobert et Dagobert, meurent de dysenterie, elle fait acte de repentance, demandant au roi Chilpéric de brûler les livres d’imposition, c'est-à-dire de supprimer de nouveaux impôts injustement levés. En 584, après la mort de Chilpéric Ier, elle fait appel au roi Gontran, qui accepte de devenir le parrain et le protecteur de son jeune fils, Clotaire II, âgé de quatre mois, alors qu’elle-même dirige le royaume de Neustrie. Après la mort de Gontran, en 592, elle se déchaîne de nouveau contre Brunehaut. Se posant en brillant chef de guerre et fin stratège, elle profite de la mort de Childebert II, roi d’Austrasie, pour engager une campagne militaire contre Thierry II, roi de Burgondie, et Théodebert II, roi d’Austrasie, tous deux petits-fils de Brunehaut, remportant une victoire près de Soissons et dévastant la Champagne en 596. Elle meurt en 597, probablement de cause naturelle.

L’historiographie franque est loin d’être unanime à l’égard de Frédégonde. En 580, Fortunat a fait l’éloge de la reine dans son poème destiné à Chilpéric Ier, composé à l’occasion du concile de Berny, et rédigé deux épitaphes à la mort de leurs deux fils Chlodobert et Dagobert. En revanche, Grégoire de Tours a dressé d’elle un abominable portrait dans les Dix livres d’histoire où elle apparaît sous les traits d’une femme adultère et cruelle, entretenant une liaison avec Bertrand, l’évêque de Bordeaux, responsable de la guerre civile qui déchira le royaume des Francs dans la deuxième moitié du VIe siècle. Jonas de Bobbio, dans sa Vie de saint Colomban vers 639-642, ne lui attribue pas le meurtre de Sigebert Ier. Mais, au VIIIe siècle, l’auteur du Liber Historiae Francorum lui attribue un nouveau meurtre: celui de son mari, Chilpéric Ier, qui aurait découvert sa liaison avec le maire du palais Landry. Cependant, l’auteur semble impressionné par les qualités guerrières de la reine, lorsqu’il décrit le stratagème utilisé afin de battre les Austrasiens en 596. En revanche, le personnage de Frédégonde retient peu l’intérêt des hagiographes mérovingiens et carolingiens, dans la mesure où les méfaits qui lui sont attribués relèvent davantage de transgressions de l’ordre social et moral que d’atteintes à l’Église et à ses membres. L’enfance de Clotaire II et les difficultés rencontrées dans les premières années du règne du jeune roi de Neustrie, face aux offensives répétées de Thierry II et Théodebert II ne sont pas retranscrites dans l’hagiographie mérovingienne. Frédégonde a été mise en scène dans son affrontement avec Brunehaut par Primat, l’auteur des Chroniques de France -- texte qui servit d’histoire officielle du royaume jusqu’à la Renaissance -- avant de diviser à nouveau les historiographes de cette période. Transformée alors en symbole de la nocivité des femmes au pouvoir, Frédégonde est devenue l’un des personnages les plus connus de l’histoire de France. Elle l’est restée jusqu’au milieu du XXe siècle grâce aux manuels scolaires de la IIIe et de la IVe République.

Choix bibliographique

- Beaune, Colette. “La mauvaise reine des origines. Frédégonde aux XIVe et XVe siècles”, Mélanges de l’école française de Rome, “Italie et Méditerranée”, 113, 2001, p.29-44.
- Nonn, Ulrich, “Frédégonde”, dans Lexikon des Mittelalters, IV, Munich, 1989, p.761-762.
- Pancer, Nira, Sans peur et sans vergogne. De l’honneur des femmes aux premiers temps mérovingiens, Paris, Albin Michel, 2001.
- Santinelli, Emmanuelle, Des Femmes éplorées? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003.
- Wood, Ian, The Merovingian Kingdoms, p.450-751, Londres et New York, Longman, 1992.

Choix iconographique

- Premier quart du XIXe siècle: Emmanuel Wallet (1771-1855), Frédégonde armant le bras des assassins de Sigebert, (huile sur toile) -- Douai, musée de la Chartreuse.

Jugements

- “D’autres ambassadeurs de Childebert vinrent de nouveau auprès dudit roi, pour réclamer la reine Frédégonde et dire de sa part: "Rends la femme homicide qui a assassiné ma parenté, qui a tué mon père et mon oncle, qui a égorgé aussi mes cousins"” (Grégoire de Tours, Dix livres d’histoire, Paris, 1996, Les Belles Lettres, p.575-594)..
- “Sage dans les conseils, habile, perspicace, utile au palais, efficace et intelligente, se plaisant à faire des aumônes généreuses, la noble Frédégonde excelle dans toutes les vertus, la glorieuse lumière du jour brille avec éclat de son visage, portant le lourd poids des soins des affaires royales, t’honorant avec bonté, t’aidant utilement. Avec sa direction à ton côté, tes palais s’accroissent et, avec son aide, ta maison brille par l’honneur” (Venance Fortunat, Opera Poetica, Poèmes, Berlin, MGH AA, IV/1, 1881,, p.580)
- “La reine Frédégonde était belle et extrêmement intelligente, et aussi adultérine” (Liber Historiae Francorum, VIIIe siècle, Hanovre, MGH, SRM, II, 1888, p.302).
- “Elle administra toutes les affaires de France pendant le sous-âge [la minorité] du roi Clothaire son fils, et les administra si dextrement qu’il se vit, avant que mourir, monarque des Gaules et des Allemagnes.” (Étienne Pasquier, Recherches de la France, 1565)
- “Après la mort de sa femme Galsonde
Doit épouser sa garce Frédégonde,
Qui, d’un visage éhonté de regards
Et de maintiens lubriques et paillards
Et d’un parler entre l’humble et le grave
Fera ce roi, de maître, son esclave,
L’abêtissant si bien à ses désirs
Qu’il servira, valet de ses plaisirs [...]
Puis cette reine abominable, ainçois [plutôt]
Cette furie exécrable aux François
De qui la tête attendait le supplice,
Comme si Dieu favorisait le vice,
Vivra sept ans en pompes et honneur
Avec Landri, des Français gouverneur;
Et, qui pis est, morte, on la fera sainte.”
(Ronsard, La Franciade [1573], v.1277-1284, 1303-1309, in OEuvres complètes, éd. J. Céard, D. Ménager & M. Simonin, Paris, Gallimard, la Pléiade, 1993, p.1140)
- “Frédégonde se servit pour assurer sa conquête des charmes de son visage, de ceux de son esprit, et de tout ce que la plus insinuante complaisance a de douceurs, pour enchaîner un roi qui courait aveuglement à sa perte. Elle ne le vit pas plutôt assujetti sous ses lois, qu’elle se servit de sa puissance avec tyrannie, et lui refusa longtemps, par politique, ce qu’elle avait dessein de prodiguer pour parvenir à ses fins.” (Anne de La Roche-Guilhen, Histoire des Favorites, “Frédégonde sous Chilpéric, roi de France”, 1693).
- “Frédégonde, elle-même, la plus belle de toutes, la favorite entre celles qu’il avait décorées du nom de reine, ne put échapper à cette proscription générale; elle s’y soumit avec une résignation apparente, avec une bonne grâce qui aurait trompé un homme beaucoup plus fin que le roi Hilpérik [...]. Seulement, elle demanda pour dernière faveur, de ne pas être éloignée du palais, et d’entrer comme autrefois, parmi les femmes qu’employait le service royal. Sous ce masque d’humilité, il y avait une profondeur d’astuce et d’ambition féminine contre laquelle le roi de Neustrie ne se tint nullement en garde. [...] Frédégonde fut reprise pour concubine, et fit éclat de son nouveau triomphe; elle affecta même envers l’épouse dédaignée des airs hautains et méprisants” (Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens [1846], Paris, Complexe, 1995, p.52).
- “Plus que toute autre femme, la reine Frédégonde était motivée par un esprit vengeur, comme l’indique Grégoire de Tours à deux reprises […] Selon la logique du code d’honneur mérovingien, Frédégonde répondait à la violence par la violence, seul moyen de sauver la face. Elle n’agissait donc pas aussi irrationnellement que Grégoire le laisse entendre [...]. [I]l est important de rappeler l’inimitié de Grégoire pour Frédégonde” (Nira Pancer, Sans peur, voir supra, choix bibliographique, p.247).

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