Esprit-Madeleine Pocquelin

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Esprit-Madeleine Pocquelin
Conjoint(s) Claude de Rachel de Montalant
Biographie
Date de naissance 4 août 1665
Date de décès 23 mai 1723
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)


Notice de Claudine Nédelec, 2022

La seule fille survivante (sur quatre enfants) de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, et d’Armande Béjart est restée à l’écart de la vie publique et du monde du théâtre professionnel. Mais elle a été, avec Michel Baron et Jean Racine, une informatrice avérée de Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, auteur en 1705 de la première biographie de Molière.
Ses deux prénoms sont ceux de son parrain, Esprit de Modène, et de sa marraine, Madeleine Béjart, ce qui pourrait confirmer qu’Armande était bien la fille de Madeleine et d’Esprit, la coutume étant alors de choisir les grands-parents pour le parrainage. Esprit-Madeleine n’avait pas huit ans à la mort de son père et la seule allusion que l’on ait à une scène de son enfance est un petit costume de couleur rose au corps de taffetas vert qu’elle dut revêtir pour jouer une des deux petites Grâces qui accompagnent Vénus dans le prologue de Psyché (1671), costume décrit dans l’inventaire après décès de Molière. Mais elle aurait refusé de jouer le rôle de Louison du Malade imaginaire (il fut joué par la fille de Mlle Beauval). Le testament de Madeleine avait fait d’elle son héritière, après sa mère Armande. «Pensionnaire» («celle qui paie pension pour être logée, nourrie et quelquefois instruite») au couvent des Dames religieuses de la Conception, à sa majorité, elle eut quelques contestations avec sa mère concernant son héritage (1691-1693), ce qui lui permit d’entrer en possession de biens suffisants pour mener une vie autonome et à l’abri du besoin. Restée célibataire jusqu’à ses quarante ans (à cause de la sulfureuse réputation faite à sa mère ?), elle épouse en 1705 un gentilhomme de modeste condition, Claude de Rachel de Montalant, de dix-neuf ans son aîné, qui depuis 1669 tient l’orgue de l’église Saint-André-des-Arts ; elle n’en eut pas d’enfant.
Dans sa Vie de M. de Molière, Grimarest, qui la fréquentait, et faisait avec elle et quelques amis du théâtre de salon, rend hommage à « Mademoiselle Pocquelin », en écrivant qu’elle « fait connaître par l’arrangement de sa conduite et l’agrément de sa conversation qu’elle a moins hérité des biens de son père que de ses bonnes qualités ».
Rompant avec la vocation théâtrale de la génération précédente, peut-être par esprit de dévotion, Esprit-Madeleine a préféré une vie anonyme et simple – tout de même facilitée par son indépendance financière. Giovanni Macchia en a fait l’héroïne douloureuse d’une pièce de théâtre, Le Silence de Molière (1975, trad. française 1989).

Principales sources

  • Acte de baptême (original détruit dans l’incendie de l’Hôtel-de-Ville en 1871, publié par Louis-François Beffara, Dissertation sur J. B. Poquelin-Molière, sur ses ancêtres, l’époque de sa naissance qui avait été inconnue jusqu’à présent, Paris, Vente, 1821, p.15) : « Du mardi 4 aoust 1665 fut baptisée Esprit-Magdeleyne, fille de Jean-Baptiste Pauquelin Maulier, bourgeois, et Armande-Gresinde sa femme, demeurant rue Saint-Honoré. Le parrain : messire Esprit de Remon, marquis de Modene ; la marraine : Magdeleyne Bezart, fille de Joseph Besart, vivant procureur. »

Choix bibliographique

  • Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, Vie de Monsieur de Molière, Paris, J. Le Febvre, 1705 [dans Molière, Œuvres complètes, Paris, Seuil, « L’intégrale », 1962, p. 13-32 – citation p. 31].
  • Eudore Soulié, Recherches sur Molière et sur sa famille, Paris, Hachette, 1863, p. 100-116 et p. 305-358.
  • Madeleine Jurgens et Elizabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe, Paris, SEVPEN, 1963 [1]

Jugements

  • [Alors qu’il se promenait avec un ami au pied des vignes (on est à la saison des vendanges), l’auteur a vu soudain descendre du sentier] « un vieux monsieur qui levait haut la tête avec une dame encore jeune qui paraissait plus grande que lui. J’ai remarqué chez l’un comme chez l’autre un air de commandement. Mon ami me dit : ‟Ne prenez pas garde ! C’est la fille du fameux Molière”. On n’a pas besoin d’aller à la comédie pour connaître cet auteur célèbre, qui a été si coupable envers la religion. Quoique fière, elle nous a salués avec douceur et avec un signe de main. Elle avait des gants avec de grandes franges, ce qui prouvait qu’elle n’avait pas vendangé. On ne lui voyait rien sur elle qui ne fût de prix. [...] J’ai appris avec un vrai contentement qu’on les voyait souvent tous les deux dans les églises ; on aime mieux savoir cette dame à l’église qu’au théâtre comme son père. Mon ami faisait cette réflexion que presque toujours il y a dans les familles des manières de vivre toutes contraires ; c’est bien heureux de penser qu’une telle dame ne soit pas perdue avec les comédiens. On dit pourtant qu’elle a commencé par jouer la comédie, mais sans doute pour obéir à ses père et mère. […] Nous ouïmes la messe paroissiale, qui me parut trop courte, quoique nous eûmes la procession, l’eau bénite et le prône. Dans la procession, je reconnus, portant un cierge, ce Monsieur Montalant suivi d’une manière de laquais. Il avait au doigt un diamant de cinquante louis. On nous dit que dans sa jeunesse il n’allait pas à la procession. L’essentiel est de bien finir. J’ai reconnu aussi son épouse, qui semblait pénétrée de la sainteté de l’office divin. Elle avait toujours un air d’une femme de qualité fort relevée. [...] Mon ami m’avait donné la veille un volume de Molière. Je n’y ai pas vu tant de mal que j’y croyais trouver ; au contraire, il y a des sentences qui ne seraient pas déplacées dans de meilleurs livres. » ([Anonyme], Pèlerinage aux saintes reliques d’Argenteuil (1719), cité par Arsène Houssaye, Molière, sa femme et sa fille, Paris, Dentu, 1880, p. 155)
  • « [Elle] fut nommée Esprit-Marie-Madeleine Pocquelin Molière. Elle était grande, bien faite, peu jolie, mais elle réparait ce défaut par beaucoup d’esprit. Lasse d’attendre un parti du choix de sa mère, elle se laissa enlever par le sieur Claude Rachel, écuyer, sieur de Montalant. Mademoiselle Guérin [Armande] fit quelques poursuites, mais des amis communs accommodèrent l’affaire. M. & Mme de Montalant sont morts à Argenteuil, près de Paris, sans postérité. » (Les frères Parfaict, Histoire du théâtre françois, Paris, 1747, t. XII, p. 320)
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